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Un texte court écrit dans le cadre de l'Atelier des défis sur l'Allée des Conteurs. Je suis tombée sur la combinaison suivante : Pipe à bulle – Amour – Argenté.

* * *

La caisse de bois trônait sur le bureau, étrangement incongrue dans cette pièce aux étagères cirées, chargées de livres rares et anciens. Une étiquette collée de travers sur l'un des côtés portait le nom d'Hadria Forbes, suivi de l'adresse officielle de la fondation Spiritus Mundi.

« Pour moi ? » s'étonna-t-elle.

Devançant John-Liang Ashley, son partenaire et collègue, elle s'avança vers la caisse. Le couvercle avait été décloué ; elle n'eut aucune peine à l'ôter, laissant apparaître de fines bandes de papiers chiffonnées. Fouillant à l'intérieur, elle en tira divers objets usés et défraîchis : un livre d'enfant, un peigne d'ivoire édenté, un cheval de bois qui n'avait plus que trois jambes... et enfin, une petite pipe cabossée en fer blanc.

« Mes souvenirs d'enfant, expliqua-t-elle d'une voix émue. Mon père me les a envoyés pour ne pas que je me sente trop seule en Angleterre. Et comme il n'avait pas encore mon adresse personnelle... »

Elle leva la pipe jusqu'à ses yeux, les mains un peu tremblantes.

Sous la lumière déclinante du jour, la rivière s'enfuyait comme un serpent d'argent. Mikey était assis à côté d'elle, les pieds dans l'eau. Leurs rires se mêlaient tandis qu'ils regardaient monter vers le ciel un chapelet de bulles irisées...

Elle ne put s'empêcher de sourire. Elle n'avait pas besoin d'utiliser ses pouvoirs de psychosensitive pour que les souvenirs contenus dans ce simple jouet lui reviennent à sa mémoire.

« Tiens Hadria, je te la donne ! s'écria subitement Mikey, en lui tendant sa pipe à bulles. Parce que tu es... vraiment très chouette pour une fille. Tu cours vite, t'as pas peur de grimper aux arbres, t'aimes bien patauger dans l'eau... »

Son teint clair se colorait de rose... mais il devint cramoisi quand Hadria lui planta un baiser sonore sur la joue.

Elle voyait encore cette rivière d'argent, les cheveux pâles de Mikey et ses yeux gris si brillants...

Ce fut Ashley qui la tira de ses pensées :

« De quoi s'agit-il ? » demanda-t-il curieusement en désignant l'objet qu'elle tenait.

Elle n'en fut pas autrement surprise : le normaliste eurasien avait dû grandir enfermé dans une bibliothèque.

« Un jouet d'enfant qui sert à faire des bulles de savon. Un ami d'enfance me l'a offert quand j'avais six ans... Juste avant que son père parte travailler à San Francisco et que je le perde de vue... »

Elle sourit un peu tristement à l'évocation de ce premier amour perdu.

« Je vois, répondit-il, peu convaincu. Vous allez tester vos pouvoirs dessus ?

- Je le pourrais. Mais je ne le ferai pas. »

Elle sourit malicieusement :

« Il m'avait fait une superbe déclaration d'amour... Mais à présent que j'ai grandi, je ne pense pas que j'apprécierais autant les critères amoureux d'un garçon de six ans... »

Elle reposa doucement la pipe dans son nid de papier :

« Et puis, les souvenirs ont leur propre magie, mister Ashley. Une magie dont aucun ésotéricien ne parviendra jamais à percer le secret... »