C’est tellement mystérieux l’Amour. Je me rappelle encore le jour où l’on s’est rencontrés, toi et moi. D’aussi loin que je m’en souvienne, tu avais toujours été invisible. D’une nature timide et effacée, tu ne disais jamais grand-chose et tu n’intervenais que lorsque tu le jugeais nécessaire. Tu as toujours préféré observer le monde qui t’entoure plus tôt que d’y prendre part, survolant les événements sans véritablement les vivre. À cette époque, il t’était difficile de te faire des amis. Là où d’autres se révélaient dans la lumière, toi tu rayonnais parmi les ombres. Sans être le genre de petite fille modèle aux notes et comportements exemplaires, tu donnais pourtant cette impression.

Constamment décrite comme étant la copine de. J’entendais les gens te médire. Elle est gentille. Ces deux mots me dégoûtent. Gentille, c’est le terme péjoratif que l’on dit d’une personne lorsqu’on n’en a rien à en dire. Ainsi, tu passas ton enfance seule. La jolie jeune femme que tu es reste enfermée dans un petit cocon forgé il y a bien longtemps et personne ne semble avoir réussi à le pénétrer. Tu avais ce besoin de contrôle, ne pouvant imaginer qu’on s’immisce dans ton monde et te bouscule.

Je n’ai jamais su si tu t’en doutais mais déjà à cette époque, je te trouvais extrêmement intelligente et naturellement très belle, toi qui perçois pourtant les relations d’un mauvais œil. En effet, s’ouvrir aux autres signifie accepter de s’abandonner jusqu’à un certain point et prendre le risque que cela se retourne contre toi à tout moment. C’était plus qu’effrayant.