-Eva a l'air d'aller mieux, commenta son père.
-Oui…
Nils resta évasif. Il ne savait pas quoi dire. Tout ce qu'il avait en tête, c'était la tenue sensuelle de Kamu. Il ne savait même pas quoi en penser… D'un côté, il était gêné parce que c'était beaucoup trop sexy et de l'autre, il se sentait flatté, en se disant qu'il les portait pour lui.
-Nils, le poulet !
Toujours à ses réflexions, le brun ne disait rien.
-Nils !
-Hein ? Quoi ?!
-Donne ce poulet.
Il tendit le plat à son père.
-On va le réchauffer quelques minutes.
-Hum…
-Qu'est-ce que tu as à être dans la lune comme ça, encore ?!
-Rien, rien.
Son père fronça les sourcils.
-Tu penses à Eva, n'est-ce pas ?
En même temps, c'était assez simple à comprendre.
Il ne répondit pas, mais hocha la tête.
-Quel est ton souci ?
Nils prit une grande respiration. Mon souci, c'est que ce mec me fait beaucoup d'effet. Évidemment, il ne pouvait pas dire ça.
-Tu ne trouves pas que sa tenue est beaucoup trop séduisante !
-Tu es jaloux ?
-Non, mais c'est trop… Je devais peut-être lui dire de se changer.
-Mais laisse cette pauvre fille tranquille. Tu travailles dans quoi, la police vestimentaire ?
Nils baissa la tête. Son père n'avait pas tord, il se focalisait là-dessus depuis tout à l'heure. Sûrement pour ne pas penser qu'il lui faisait un effet monstre dans cette tenue. Il faudrait vraiment qu'il est une discussion avec lui. Avec tout ce qu'il devait dire, autant faire une liste.
-Enfin, c'est pas comme si c'était la première fois que tu la voyais habillée ainsi ?
Que répondre ? Il n'avait jamais vu Kamu sous cette apparence, mais vu l'aplomb qu'il avait, ce n'était pas la première fois qu'il s'habillait ainsi.
-Non, mais…
Vite, il devait trouver une raison bidon. Cette histoire commençait à devenir pesante. Il aurait dû dire qu'il venait avec Kamu, un ami ou une amie sans famille, plutôt que de s'empêtrer dans cette histoire de coeur qui n'en avait que le nom.
-On n'est pas tous seuls ici.
-Tu as peur de choquer qui ? De toute façon, Anne-Laure fera ses commentaires et peu importe la tenue. Personne ne sera jamais bien à ses yeux. D'ailleurs, elle sera heureuse si ça ne marche pas entre vous, parce qu'elle pourra dire qu'elle le savait d'avance.
-Bah…
-Tu devrais te concentrer sur toi, au lieu de chercher à savoir ce que les autres pensent ! Si tu regardes bien, tu verras qu'Eva s’embarrasse beaucoup moins que toi, de tout ça.
-Comment ça ?
-Elle s'habille comme elle veut, et n'hésite pas à être près de toi, si elle veut.
C'était vrai. Il avait toujours connu Kamu comme n'en faisant qu'à sa tête. Évidemment, il respectait les lois et n'aurait rien fait qui puisse nuire à qui que se soit. Mais si on lui disait qu'il ne devait pas être un homme, il allait s'empresser de le faire.
Il se prit à sourire. C'était Kamu tout craché.
-Arrête de te poser des questions sur tout. Tu as peur de quoi ?
-Tu avais peur avec maman ?
Son père leva les yeux au ciel.
-A ton avis ?! Tu crois que c'était simple ?!
Nils ne répondit pas. En même temps, ils n'avaient pas choisi le plus simple. Lui non plus, ne choisirait pas le plus simple avec Kamu. Aujourd'hui une jolie femme et demain ? Bon d'accord, demain, il aurait la même apparence, mais ensuite… Il n'était pas sûr de pouvoir supporter tout ça.
Avant qu'il n'ouvre la bouche. La porte de la cuisine s'ouvrit sur Lucas.
-Papa, je…
A nouveau son regard dériva sur Nils.
-Je peux aider ?
-C'est très gentil de ta part, mon grand. Bon, je m'occupe des champignons et des marrons. Nils fait les pommes de terre. Lucas, tu veux bien emmener le poulet.
L'autre paru déçu, mais n'ajouta rien, se contentant de réceptionner le plat. De toute façon, le brun n'avait pas le temps de se poser des questions. Le bruit d'une voiture se garant dans l'allée, attira son attention, et il jeta un coup d'oeil par la fenêtre.
-Tonton arrive, commenta-t-il avant de se dire que son père devait s'en douter. S'il fallait sortir le poulet, pour le faire venir, on aurait dû le faire avant.
-Daniella est avec lui ?
Nils cligna des yeux pour mieux voir.
-Oui. En tout cas, il n'est pas seul.
-C'est déjà une bonne chose qu'elle est acceptée de venir.
-Pourquoi elle a déjà refusée ?
Son père hocha la tête.
-Une fois, il y a deux ans. David a passé la soirée avec elle.
-Sauf que là, il n'est pas là. C'est pour ça que ton oncle a insisté pour qu'elle vienne. Y a plus qu'à espérer que Bertrand ne viendra pas.
Nils fronça les sourcils.
-Pourquoi ? Ca pourrait être le cas ?!
Son père hocha la tête.
-Et alors ?
-Alors quoi ?
-Vous avez fait quoi ?
-On l'a laissé le voir.
Le brun s'énerva.
-Mais pourquoi ?
-On ne voulait pas froisser ta cousine.
Nils secoua la tête.
-Mais on s'en fiche de ça ! Ce type lui fait du mal, il faut le dégager, c'est tout !
-Ta sœur a dit la même chose.
C'était pas possible, aucun d'eux n'avait été capable de faire quelque chose. Ils étaient, décidément, tous trop gentils. Ce qui n'était pas son cas. Depuis toujours, il n'hésitait pas à se battre pour ce qu'il jugeait être une bonne cause.
Évidemment, ses parents n'appréciaient que peu, ces prises de position virulente. Son père ne le comprenait pas, et le comparait sans arrêt à Lucas si calme. Sa mère l'écoutait, mais le réprimandait. Il fallait avoir que du haut de son mètre cinquante-sept, Déborah n'était pas le genre à se laisser faire. Seulement, elle voulait que son fils puisse discuter avant de s'énerver.
Nils soupira.
-J'ai compris. S'il vient, il va vite repartir, c'est moi qui te le dis !
-Nils ! Qu'est-ce que tu vas faire ?
-Ne t'en fais pas. Je lui demanderais poliment de partir. S'il ne le fait pas tant pis pour lui.
-Je t'interdis de te battre ! grinça son père.
Le brun leva les yeux au ciel.
-Très bien. Il restera à la grille alors, et s'il ne bouge pas, tu appelles la police.
-On ne va pas les déranger pour ça, quand même…
Nils secoua la tête.
-Bon, alors avec Eva, on l'arrête.
Son père lui lança un regard surpris.
-Tu peux faire ça ?
-Arrêter quelqu'un ? Oui, je peux le faire. Seulement, il faut que se soit en rapport avec mon département.
-Donc tu ne peux pas…
-Je te rappelle que pour les autres, je suis au service archive. Si je sors mon arme…
François l'interrompit.
-Tu as une arme ?
-Papa ! Bien sûr que j'en ai une. Ta femme aussi, en avait une.
-Ma femme ?
-Maman.
Son père paru se reprendre.
-Ha oui, bien sûr. Je n'aimais pas beaucoup ça, tu sais. C'est pareil pour toi.
-C'est avant tout un moyen de se défendre. Enfin, je te rassure, on n'est pas dans une série télé où on tire dans le tas.
François paru soudain se souvenir de quelques choses.
-Et Eva, elle a aussi, une arme ?
-En fonction de la mission, oui.
-Tu n'es pas censé la protéger ?
-Si, bien sûr. Seulement, on ne sait jamais ce qui peut se passer. C'est une sécurité pour elle.
Son père paru hésiter. Il savait que son fils avait raison, mais n'appréciait pas de le savoir avec un pistolet.
-Après papa, tu sais que je peux faire plus de dégâts qu'une arme à feu ?
Cette révélation n'enchanta pas François.
-Ta mère n'avait pas ce genre de capacité.
-Elle était environnementaliste. Je suis mage de combat.
Il baissa la voix, en disant cela.
-J'aurais préféré que tu sois comme elle.
Nils s'interrogea sur cette phrase. Est-ce que c'était pour honorer le souvenir de la femme qu'il avait aimé ou alors parce qu'il jugeait que c'était trop dangereux avec son tempérament ?
-Ne t’inquiète pas pour moi, papa. Je ne fais pas n'importe quoi avec mes pouvoirs. C'est mon travail de faire respecter la loi.
-Mais tu es toujours en première ligne. C'est toi qui doit prendre les coups. S'il t'arrivait malheur…
Attendri, le brun posa la main sur l'épaule de son père.
-Ne t'en fais pas, ça ira.
La sonnerie du four, les tira de leur discussion. Nils s'élança et l'arrêta, avant de regarder les pommes de terre duchesse.
-Tu les veux plus ou moins croustillantes ?
François jeta un coup d'oeil.
-Ca ira, je pense. Emmène-les sur la table. Je termine la sauce et les champignons et j'arrive.
-Ok.
Armé d'une pelle, il commença à faire tomber les pommes de terre dans le plat, en silence. A nouveau, la porte s'ouvrit sur Lucas.
-Je peux faire quelque chose ?
-Ton oncle arrive. Va l'aider à décharger sa voiture.
Avant qu'il ne puisse le faire, Nils lui colla le contenant dans les bras.
-Emmène ça, je vais m'occuper de porter.
-J'aurais pu le faire, protesta mollement Lucas.
Le mage le savait. Mais il savait aussi que grâce à ses sorts, il se fatiguerait beaucoup moins que son frère.
-D'accord, soupira celui-ci.
Il jeta un dernier regard vers son père, avant de repartir en direction de la salle à manger. A croire qu'il avait quelque chose à dire mais qu'il n'y parvenait pas.
***
Saisissant son manteau, Nils le passa sur ses épaules. Il ne comptait plus le nombre de fois où il s'était habillé et déshabillé dans cette soirée. Il en venait à regretter les pouvoirs de Kamu qui lui permettait de se balader presque nu dans la neige s'il le souhaitait.
Alors qu'il était occupé à boutonné le vêtement, le brun repensait à sa mère. Enfant, il lui suffisait de dire qu'il avait froid pour qu'une douce chaleur l'entoure. Il s'imaginait alors que toutes les mères avaient ce pouvoir magique. Plus tard, il avait appris que non et en avait été encore plus heureux. Sa mère était donc particulière. Elle avait ce truc en plus que n'avait pas celles des autres.
La première fois que Kamu avait utilisé ce sort sur lui, il avait sursauté. Personne d'autre que Déborah ne s'était jamais donné la peine de le protéger ainsi du froid. Ce geste était si inattendu et si pétrie de tendresse, qu'il avait regardé son partenaire à deux fois. Heureusement, celui-ci ne s'en était pas formalisé.
Sous cette apparence, Kamu avait de longue boucle châtain et était plus petit que lui, il avait toujours ce visage calme en toutes circonstances et surtout, il était clairement un homme. En cet instant, il pleuvait à verse, et l'autre souhaitait juste ne pas tomber malade. La pluie se faisait fourbe et commençait à traverser les vêtements. Cela ne posait aucune problème à son coéquipier, mais ce n'était pas son cas.
Sans dire un mot, il avait apprécié cette sollicitude. Même s'il avait été gêné de retrouver une douceur presque maternelle dans le sort, mais cela venait sûrement de ses souvenirs. Depuis, Kamu n'hésitait pas à se servir de sa magie pour le protéger des intempéries.
Enfin près, il passa la porte et gagne la berline d'un gris argenté garé devant la maison. Son oncle, à l'intérieur, parlait avec une jeune femme au visage pâle et triste. Ses yeux cernés de bleutés, étaient rougis. En la reconnaissant, Nils en eut le coeur serré. Où était donc passé l'adolescence pleine de vie qui aimait rire et jouer avec eux ?
Il avait l'impression qu'elle n'était plus que l'ombre d'elle-même. Tout ça à cause d'un connard, qui s'était moqué d'elle et continuait à le faire ! Si ce type venait, il saurait l'accueillir.
Pas de renforcement, souffla une voix dans son esprit, qui ressemblait un peu trop à celle de Kamu.
La portière s'ouvrit sur un homme aux cheveux poivre et sel, plus grand que lui : son oncle Bénédictin. Cela faisait un moment qu'ils ne s'étaient pas vus et on ne pouvait pas dire qu'il était proche. Du coup, Nils opta pour l'approche la plus simple.
-Je suis venu vous aider pour porter les...
Avant qu'il ne puisse terminer sa phrase, son parent l'avait pris dans ses bras pour lui faire deux bises, et accessoirement, lui mettre la main aux fesses. A croire qu'il n'avait toujours pas compris où s'arrêtait le dos. Après, le brun s'y attendait.
-Comment tu vas, toi ?
-Euh… bien.
Comment résumer autrement deux ans de vie ?
-Tu n'as pas grandi.
Nils se crispa. C'était toujours pareil. Ce qu'il acceptait pleinement, devenait rapidement un complexe avec cette famille.
-A vingt-cinq ans, je crois que c'est terminé. J'ai atteint ma taille définitive.
-Combien mesures-tu ?
-1m74.
Ca n'arrive rien d'étrange ou de risible. C'était une taille normale. Sauf dans une famille de géant… Loli l'avait petit à petit rattrapée et aujourd'hui, il ne savait pas qui était le plus grand entre eux deux.
Pour éviter la conversation déplaisante, Nils se dirigea vers le coffre, qu'il ouvrit pour en extraire les deux valises rangées côte à côte. Après avoir murmuré un mot, il se sentit plus fort et les souleva sans le moindre souci.
-Je vais les monter, déclara-t-il.
-C'est pas trop lourd ?
Le brun secoua la tête.
-C'est juste deux valises.
-Attends ! Laisse-le dans le couloir, j'ai des choses à récupérer dedans avant.
Nils acquiesça.
-Dis donc, tu me parais bien assuré. Tu as fait de la muscu ?
Ce n'était pas le cas, mais il ne pouvait pas parler de magie, alors il hocha la tête.
-Je le savais. C'est pour séduire cette jeune fille, n'est-ce pas ?
Sur le coup, il ne demanda de qui son oncle pouvait parler, avant de se rappeler que Kamu et lui étaient censés former un couple. Du coup, cela devait s'adresser à lui.
-Pas vraiment…
-Ne soit pas modeste, ton père m'a tout dit.
Il n'y avait pourtant pas grand-chose à raconter.
-Je ne savais pas que cela nécessitait qu'on appelle les médias, pour si peu…
Bénédictin se mit à rire et Nils ne pus s'empêcher de se demander s'il était sincère ou non. Après réflexion, il jugea que « oui », ce qui avait un côté encore plus effrayant.
-Alors dis-moi tout, elle est jolie ?
-Hum…
Il comptait faire quoi ? Le noyait sous un flot de paroles ? Plus, il faisait ça et moins le brun avait envie de répondre.
-Quel enthousiasme ! Ne sois donc pas modeste, je suis sûr qu'elle est mignonne cette petite.
Ca dépendait sous quelle forme. Il y en avait des plus intéressantes que d'autres, et ça, Nils ne pouvait pas le nier.
-Qu'en pense ton père ?
-Elle lui plaît tellement qu'il serait près à l'épouser, maintenant.
A nouveau, son oncle se mit à rire.
-Tant mieux. Tu as sa bénédiction, c'est une bonne chose. Plein de couple en rêverait. Du côté de sa famille, ça se passe comment ?
-Quelle famille ?
-Celle de ta petite chérie.
Nils se mit à prier pour qu'on l'achève. Qu'est-ce qu'ils avaient tous avec leurs surnoms plus idiots les uns que les autres ?
-Bien, vu qu'elle en a aucune.
-Tu veux dire…
-Ils sont tous morts donc évite d'en parler.
Une expression navrée se peignit sur le visage de Bénédictin.
-Tu fais bien de me le dire. J'aurais pu faire une gaffe sans le vouloir.
-D'autres en font volontairement, lâcha le brun toujours énervé.
Son oncle l'abandonna pour faire le tour de la voiture et obliger Daniella à sortir de l’habitacle.
-De qui parles-tu ? lança-t-il soudain.
-A ton avis…
Le silence se fit entre eux.
-Je vois. Elle ne l'aime pas.
Ce qui était marrant, c'était qu'il n'avait même pas besoin de préciser de qui il parlait pour que les autres le sache. C'était assez magique.
-Elle n'aime personne de toute façon, grogna Nils.
-Qu'est-ce qu'elle lui trouve ?
L'espace d'un instant, le brun hésita. Le mot « vulgaire » s'imprima dans son esprit. Seulement la tenue de Kamu ne jouait pas en sa faveur. Mais quelle idée avait eu cet idiot pour s'habiller ainsi ?
-Demande-lui, peut-être qu'elle te répondra à toi. Papa, n'a eut le droit qu'à des hurlements pour toute réponse.
Son oncle fit la grimace. Profitant qu'il n'ajoutait rien, Nils rentra à l'intérieur et posa les valises, au moment même où Lucas faisait son apparition. C'était à croire que lui aussi possédait des pouvoirs, ceux d'être toujours au milieu de ton chemin.
-Je vais t'aider, déclara-t-il.
Le brun secoua la tête.
-C'est bon. C'est fait.
-Ha… d'accord.
Il resta planté au milieu du couloir comme une grande asperge. Il paraissait vraiment ne pas savoir quoi faire de ces dix doigts. Il parut hésiter à dire quelque chose, mais finalement se reprit.
-Je peux faire quoi ?
Nils retint la réplique cinglante qu'il venait d'imaginer, et se força à se calmer.
-Tonton est avec Dani. Tu pourrais peut-être aller lui parler. C'est toi le plus proche d'elle.
Une lumière s'alluma dans le regard de Lucas.
-Tu as raison. J'y vais.
Le brun le regarda se saisir de son manteau, et secoua la tête. Il était vraiment bizarre, plus nouille que d'habitude. Les répliques violentes de débuts de soirée, avaient laissé place à une espèce de mal-être grandissant que Nils avait du mal à cerner.
Il haussa les épaules. Il laissait à son père le soin de gérer son fils. Tant qu'il restait à bonne distance de Kamu, le brun ne s'en mêlerait pas. Même s'il était gênant de le regarder fixer en coin son partenaire, avant de baisser la tête et rougir. Vu sa discrétion, sa femme devait l'avoir remarqué et il passerait sûrement une mauvaise nuit.
***
-Tonton est arrivé, commenta Loli qui venait de débouler de la salle à manger.
Nils jeta un coup d'oeil derrière lui, comme pour s'assurer que c'était bien elle.
-Ouais.
-Tu fais la tête ?
-Hum…
-Pourquoi tu fais la tête ?
-Je fais pas la tête. Je me dis juste qu'il va falloir réchauffer une troisième fois, ce putain de poulet ! Il va être immangeable. Tout sec, alors qu'il était si moelleux à la base.
Sans savoir pourquoi, il ne put s'empêcher de penser à Kamu. Il allait sûrement le prendre pour un mauvais cuisinier. Ce n'était pas cette image qu'il avait envie de donner. L'autre avait l'air si pressé de déguster la viande, il allait être déçu.
Cela ne faisait qu'énerver Nils qui savait que ce qu'il avait cuisiné devait être bon. Après, il ne pouvait s'empêcher de se demander d'où venait ce puissant désir de briller aux yeux de son partenaire.
Une voix provenant de la cuisine, le rappela à l'ordre :
-Nils soit poli !
Le brun se tourna vers la porte surpris, alors que Loli éclatait de rire.
-Comment il a fait ça ? murmura-t-il.
-C'est papa ! Il a des pouvoirs magiques !
Nils fronça les sourcils. Il savait que ce n'était pas le cas.
-Je ne suis pas encore sourd, déclara François.
A nouveau Loli, se mit à rire.
-En même temps, le gros mot n'était pas nécessaire dans ta phrase, le réprimanda sa sœur.
-Bien sûr, toi, tu es parfaite !
-C'est quand même toi, qui dis le plus de gros mots, d'entre nous trois.
-Pff !
-C'est ça, fait semblant que c'est pas ta faute.
-Mais j'ai rien dis !
Le silence se fit et Nils fixa sa sœur qui ne bougeait pas à côté de lui. Son regard se posa sur le sommet de son crane. Est-ce qu'elle était plus grande que lui ? Il chassa cette pensée de son esprit, c'était à cause des autres et de leurs commentaires qu'il en venait à se poser des questions aussi idiotes.
-Il est où Lucas ?
Le brun retint la remarque cinglante qui lui brûlait les lèvres.
-Vous êtes bien le frère et la sœurs, tous les deux !
-Ca veut dire quoi ?
-Vous êtes toujours en train de chercher quelqu'un.
-Et toi alors ?
-Quoi moi ?
-Ca t'arrive jamais de chercher quelqu'un ?
Nils soupira. A quoi menait ce dialogue ?
-Tu fais quoi, là ?
Loli jeta un coup d'oeil vers la cuisine.
-C'est juste maman qui demande ce que fait papa, et Lucas. Elle veut que j'aille les chercher.
-Je vois et tu restes planter là…
-Et toi, tu fais quoi ?
-J'ai posé la valise de tonton et Dani.
-Et depuis, tu prends racine ?
Nils haussa les épaules.
-De toute façon, c'est Lucas et papa que veut ta mère, pas moi donc je peux bien rester dans le couloir, ça ne posera pas de soucis.
-Pourquoi tu fais la tête ?!
-Mais je ne fais pas la tête !
-Mais si.
Le brun s'interrogea sur les motivations de Loli. Qu'est-ce qu'elle lui voulait à la fin ? Il n'était pas spécialement énervé, mais à force que sa sœur lui répète la même chose, il le devenait.
-Avant t'étais pas comme ça…
-Avant quoi ?
-Tu vois, tu prends mal la chose…
-Mais quelle chose ?
Loli soupira.
-Tu m'énerves !
Sans attendre, elle donne un coup-de-poing dans le bras de Nils. Cette façon de faire qu'il connaissait bien, lui rappela des souvenirs. Sa sœur avait toujours fait ça, lorsqu'il la taquinait. Évidemment, elle ne faisait pas ça pour lui faire mal.
-C'est mou tout ça. Recommence un peu.
Il se prit à sourire en disant cela. Loli, elle joignit le geste à la parole et le frappa à nouveau.
-Et là ?
-Toujours pas. Essaye encore !
-Mais !
Alors que sa sœur s'énervait sur son bras, François ouvrit la porte de la cuisine.
-Bon quand vous aurez terminé de faire les idiots, venez me voir !
Ils se tournèrent tous les deux d'un même mouvement avant de se mettre en route. Au moins, ils étaient sur la même longueur d'onde, en cet instant.
-Papa ?
Ils s'entre-regardèrent en se rendant compte qu'ils venaient de parler en même temps. Finalement, gênés, ils détournèrent les yeux.
-Vous savez tout de l'état mental de votre cousine.
Ils hochèrent la tête.
-J'ai peur qu'elle ne souhaite pas manger avec nous. Du coup, que diriez-vous de lui préparer un plateau repas, ensemble.
-Nous deux ? demanda Nils.
-Oui. Vous pensez pouvoir y arriver sans vous entre-tuer ?
-Pff ! fut la seule réponse qu'il obtint de son fils.
Loli lui jeta un regard comme si elle guettait son approbation. Cela ne l'enchantait pas, mais après tout, ils n'étaient pas obligés de parler des choses qui fâchent.
-Ok. On va y arriver.
Sa sœur s'activa aussitôt pour sortir un plateau du placard, et le posa sur la table. Le brun jeta un regard septique au morceau de plastique sur lequel un chat tigré le regardait avec des lunettes en forme de coeur sur les yeux.
-C'est quoi cette m… abomination ?
-C'est le cadeau que j'ai fait à papa pour la fête des pères, parce qu'il adore les chats, bouda Loli.
-Ha ?
Il avait bien envie de demander à François si le cadeau lui avait fait plaisir, mais s'abstint. Leur père gardait tout et n'importe quoi les concernant de près ou de loin. Alors il utiliserait ce plateau, pour la simple raison que sa fille lui avait offert.
-Mais oui, regarde, il est trop mignon ce chaton !
-Pourquoi quelqu'un lui a mit des lunettes ? C'est un animal. Je doute qu'il en est besoin.
-Tu sais qu'il faut mettre de la crème solaire aux chats blancs ?
Nils haussa un sourcil, mais qu'est-ce qu'elle lui chantait ?
-Si c'est vrai. C'est pour pas qu'ils aient de coup de soleil sur les oreilles. Ca peut leur donner un cancer et après, il faut leur couper les oreilles.
-Ok…
Le brun se demanda depuis quand sa sœur était devenue une experte en oreille de chat.
-Heureusement Zeus est noir, ça le protège.
-C'était pas du droit que tu faisais ?
-Et bah, maintenant, je n'en fais plus !
Tout en disant cela, elle fit claquer le verre qu'elle voulait poser sur le plateau.
François fit signer à son fils de se taire. Tous ces mystères fatiguaient le mage. Il ne voyait pas pourquoi on ne pouvait pas parler des études avortées de Loli.
-Je fais de l'histoire de l'art, maintenant ! Je suis en première année.
Il se demanda comment elle en était arrivée là.
-Et l'année dernière ?
Sa sœur se figea, elle paraissait très mal à l'aise.
-C'est un interrogatoire de police ? Je suis suspecte, c'est ça ? J'ai pris une année sabbatique avec l'accord de papa.
Se fut au tour de Nils de sursauter. Est-ce qu'elle savait ce qu'il faisait ?
Avant qu'il ne puisse répondre, on poussa la porte de la cuisine.
-François pourquoi tu ne m'as pas dit que ton frère était là ?
-Je ne sais pas… Parce que j'étais occupé à faire la cuisine. Tu sais cette chose que tu voulais faire, mais pour laquelle tu as démontré ton incapacité.
Sa femme ne lui répondit même pas.
-Je vais aller lui dire bonjour, il sera content.
-Quelle intervention hautement significative…
Mais Anne-Laure avait déjà disparu.
Pendant ce temps-là, Nils avait choisi quelques morceaux de saumon et les avait mis dans une assiette. Loli, le nez dans le frigo, cherchait une boisson.
-Tu crois qu'elle aimerait du jus pomme-rhubarbe-fraise ? Ou alors du soda orange ?
-Je sais qu'elle aime le soda orange. Après pour le jus, je ne peux pas te dire.
-Bon, on va mettre du soda et de l'eau.
Il la regarda faire, elle paraissait si impliquée. C'était bizarre. Il avait l'impression d'avoir loupé un épisode. Nils aurait voulu pouvoir poser des questions, mais il savait que ce n'était pas le moment. En plus, ça ne ferait que mettre en lumière son manque d'implication des dernières années, pas forcément le genre de choses dont il était fier.
Il faudrait qu'il prenne le temps de poser la question à son père, peut-être pourrait-il l'aider à comprendre. Il devait avouer qu'il l'avait écouté que d'une oreille distraite, quand François lui avait parler des soucis de sa sœur. Après tout, celle-ci avait toujours eu de bons résultats et s'était soudain décidée à tout abandonné au cours de sa troisième année, sous prétexte qu'elle n'allait pas bien. Cela aurait pu passer s'il y avait eu une raison à ce mal-être.
Seulement Loli vivait dans un appartement que son père avait acheté et n'avait pas de soucis financiers. Elle réussissait bien ses études, avait des amies et du succès auprès des garçons. Rien qui aurait pu justifier qu'elle plaque tout du jour au lendemain. Lui n'aurait pas laissé passé, ça. Il avait l'impression qu'elle se moquait de tous ceux qui souffraient, et tout ça dans le seul but, de ne rien faire.
C'était à cette époque qu'il avait arrêté de lui téléphoner. Trop en colère parce qu'il avait appris de son père, il n'avait pas voulu mettre son grain de sel dans l'histoire. En même temps, il avait ses propres problèmes, et ils lui prenaient déjà beaucoup de temps.
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