Kamu traversa la cours sans savoir où elle allait. Elle était ridicule de tout prendre à coeur comme ça. Elle savait bien que Nils n'allait pas la demander en mariage. D'ailleurs, personne ne le ferait. Sachant cela s'était ridicule d'être triste.
Sans savoir où aller, elle contourna les voitures et fit le tour de la maison. Derrière, elle trouva un autre jardin. Il faisait sombre, il faisait froid. Normal, on était en plein mois de décembre, et elle, elle se baladait sans la moindre peur.
Normal le monstre tapi dans le noir, cela avait toujours été elle. Enfant déjà, elle se cachait pour surprendre son père. Situation qui ne l'amusait guère et lui avait voulu d'être puni. La mage n'allumait jamais la lumière du couloir pour se rendre en bas, que se soit pour aller aux toilettes ou boire un verre d'eau. C'était ainsi qu'elle s'était fait surprendre immobile sur le tabouret, les yeux dans le vague, alors qu'elle réfléchissait à sa journée. Son parent avait étouffé un cri, avant de l'envoyer se coucher.
Ensuite, il n'y avait plus eu personne. Elle pouvait rester debout toute la nuit sans aucune lumière, tout le monde s'en fichait. Puisqu'en apparence, Kamu était une « fille » sage, tout allait bien. Qu'importe qu'elle passe ses soirées avec des inconnus beaucoup plus âgés, si le matin, elle était levée et préparée.
La mage chassa ses pensées. Ce n'était pas de ça dont elle voulait se souvenir, à présent. Elle préférait remplacer le tout, par les baisers et les caresses de Nils. Même s'il ne l'aimait pas, ce n'était pas grave, puisqu'elle, elle l'aimait. En avait-il au moins conscience ?
Avisant un banc, elle s'y assit.
C'était étrange comment était la vie… A nouveau, elle se retrouvait seule au milieu de la nuit…
Dans sa main, elle serrait son téléphone portable qui commençait lui laisser des marques du fait de la pression. La mage l'avait attrapé par réflexe, comme s'il pouvait y avoir quelqu'un qu'elle pourrait appeler.
Kamu le déverrouilla et hésita. Devait-elle envoyer un message à Giles ? Lui dire que c'était trop dur de ne pas changer de corps ? A quoi bon, de toute façon, il ne comprendrait pas.
Voyant un message s'afficher sur le téléphone, la mage regarda de qui il s'agissait. C'était Florentina.
« Joyeux Noël, poupette ! J'espère que tout se passera bien. Si y a un gâteau, vole une part pour me la ramener ! On se voit demain, c'est moi qui assure la permanence du 25 ! Tu me raconteras comment ça s'est passé avec Nils. J'espère qu'il a été gentil avec toi, sinon je lui jette son rapport à la figure. Je t'envoie une photo de la bûche que mon frère a faite. Bisous, bisous »
Kamu ne put s'empêcher de sourire. Elle ne se sentait pas de répondre pour le moment, mais au moins quelqu'un penser à elle. Si la mage en avait eu le courage, elle aurait confié ses craintes à son amie. Mais ce n'était pas le moment. Si elle passait la soirée avec son frère, autant la laisser tranquille. Celui-ci travaillait à l'hôpital et il y serait sûrement le lendemain voir les autres jours de fête.
Elle ferma les yeux. Elle se sentait si fragile. Est-ce qu'elle était encore en train de pleurnicher sans en avoir conscience ?
Kamu posa ses doigts sur ses joues. Elles étaient sèches.
Mais la panique commençait à la gagner. Ce n'était pas bon. Pas bon du tout… Outre le fait que c'était assez désagréable pour elle, si elle ne maintenait pas un minimum de cohérence dans son esprit, son apparence pouvait en être affecté.
Chante, Kam !
Comme à l'hôpital ?
Oui. Ca va te calmer !
Chanter quoi ?
N'importe quoi !
Il avait raison. Elle avait besoin de se reprendre. Mais elle devait avouer que rien qu'entendre Loth lui mettait du baume au coeur. Il était toujours de bon conseil avec elle.
D'une voix hésitante, Kamu commença le seul chant qui lui venait en tête :
-Chanteras-tu pour moi, après ma mort ? Danseras-tu pour moi, après ma mort ? Penseras-tu à moi, après ma mort ? Que suis-je pour toi, qui a l'éternité ? Te souviendras-tu seulement que j'ai existé ? Serais-là dans ton coeur, pour l'éternité ? Qu'est-ce donc que ma vie pour toi, qui a l'éternité ?
Les larmes lui montèrent aux yeux.
Excellent choix de chanson, Kamu. Parfait pour aller mieux.
-C'est pas très joyeux tout ça !
Elle sursauta et se tourna en direction de la voix. Elle ne l'avait pas entendu venir. Sans doute parce qu'il n'y avait pas de porte à enchanter vu qu'elle était en extérieur.
L'autre s'approcha. Qu'est-ce qu'il lui voulait encore ?
Sans un moment, il s'assit sur le banc à son côté. Lucas la couvait du regard. Cela commençait à devenir gênant.
-C'est une chanson composée par un petit groupe. C'est en rapport avec un livre.
Kamu ne savait pas quoi dire alors autant parler de ce qu'elle chantait.
-Un livre ?
-Mais je pense que tu t'en fiches pas mal, de toute façon…
-Non, c'est intéressant. Ca raconte quoi le livre ?
La mage resta silencieuse quelques secondes puis reprit la parole.
-C'est l'histoire d'une jeune fille qui a perdu ceux qu'elle aime et qui rencontre un vampire. Il est immortel et elle non. Du coup, cette chanson raconte sa tristesse à l'idée de mourir et de le laisser seul.
-Tu l'as lu ?
-Oui, plusieurs fois, entre mes douze et quatorze ans. J'aimais tellement ce livre que je l'ai donné à une amie en quittant l'hôp…
Elle s'interrompit soudain.
-L'hôpital ?
Kamu resta muette.
-Ca finit comment ?
-De quoi ? Le livre ?
-Oui.
Elle soupira.
-Un autre vampire arrive tue des gens dans la région, l'autre veut défendre la femme qu'il aime. Ils se battent et meurent tous les deux. L'héroïne reste seule.
L'autre fronça les sourcils.
-D'accord. Je ne suis pas sûr que j'aurais envie que mes filles lisent ce genre d'histoire déprimante.
Elle secoua la tête.
-C'est triste, mais c'est aussi terriblement beau. La force de leur amour est tellement touchante. Quand on est adolescente, on voudrait tous vivre ce genre d'histoire…
Lucas la fixa à nouveau.
-Je suis désolé…
C'était un premier pas. Restait à savoir pourquoi il s'excusait.
-De ?
-Je voulais juste que tu saches la vérité…
-La vérité ?
-Il est clair que Nils ne veut pas s'engager. Tu méritais de le savoir.
En même temps, elle s'en doutait bien. Encore plus parce que son côté change-forme pouvait gêner certaines personnes : son coéquipier en premier. Évidemment, elle ne pouvait pas le dire à Lucas.
-Tout ça pour moi ? C'est trop d'honneur.
-Je suis un gentil garçon.
Elle écarquilla les yeux. Est-ce qu'il était bête à ce point-là ?
-Donc toi, ta technique de drague, c'est de dire « je suis un gentil garçon » après avoir foutu la merde entre les gens ?
Il fit une moue boudeuse.
-Tu ne voulais pas savoir la vérité ?
Elle haussa les épaules.
-C'est pas comme si j'apprenais quelque chose de nouveau…
-Et tu restes avec lui, malgré tout ?
Kamu se mordit les lèvres. Que dire ?
Elle baissa les yeux.
-Je l'aime.
C'était la vérité. Elle était sincère. Elle était tombée amoureuse de lui, depuis ce jour où il l'avait protégé. Personne n'avait jamais fait ça pour elle.
Kamu s'en souvenait comme si c'était hier. De ce moment, où il l'avait attiré contre lui, pour la protéger. Évidemment, pour lui, ce n'était rien. Mais pour elle…
Rien que de s'en rappeler la faisait frissonner. Elle aimait tellement cet homme qu'elle était prête à faire n'importe quoi pour l'avoir ne serait-ce que quelques minutes pour elle.
-Malgré tout ?
La mage hocha la tête.
-Et toi ?
L'autre la regarda d'un air grave. Lorsqu'il répondit, Kamu prit conscience qu'il n'avait pas compris la question. Plutôt que de lui parler de sa femme, il lui parlait d'elle.
-T'es différentes des autres femmes. J'ai l'impression que tu as quelque chose en plus.
Tu n'imagines même pas mon petit, les choses que j'ai en plus.
Elle retint un sourire.
-Oui, je sors avec ton frère. C'est une chose que les autres n'ont pas, répliqua-t-elle d'un air excédée.
-Non, c'est pas ça. L'éclat changeant de tes yeux me passionne.
-Tu me récites un poème ?
Il sourit.
-Mais non, je dis ce que je pense. Tu as un regard vraiment très mystérieux. On l'impression que la couleur de tes yeux changent en permanence. Je n'arrive pas à déterminer s'ils sont bleus, gris, vert ou…
-Ils sont bleus.
Mais qu'est-ce qu'il lui chantait celui-là ? Il était en plein délire. Il allait falloir le calmer avant qu'il ne se rende encore plus ridicule, avec ses pitoyables tentatives de drague. On aurait cru un ado cherchant à inviter une fille à sortir avec lui.
A moins que…
Prise d'une certaine intuition, Kamu approcha son visage de celui de Lucas. Il se mit à rougir.
-Alors ils sont de quelles couleurs mes yeux ?
L'autre paru se concentrer, malgré la proximité.
-Bleu, vert…
D'accord, il y avait un problème avec celui-là. Problème qu'il fallait régler vite, avant qu'il ne lui arrive la même chose en regardant Nils. Cela lui ferait se poser tout un tas de questions, dont la réponse était à chaque fois en lien avec la magie.
-Ferme les yeux !
-Pourquoi ?
-Fais ce que je te dis !
-J'aurais une récompense ?
-Oui.
Il ferma ses paupières.
-Bien. Reste comme ça, et tends tes deux mains.
-C'est un jeu ?
-Oui, oui.
Que pouvait-elle répondre ? Qu'elle travaillait à réparer ses propres bêtises et que parce qu'elle était plus intéressée par Nils, que par faire attention à ce qu'elle faisait, elle avait fait une erreur.
Du bout du doigt, elle traça un symbole sur sa paume. Celui-ci s'illumina lentement, lui confirmant ce qu'elle craignait. Humain normal certes. Mais maintenant humain « éveillé » à cause de son sort de test… Déjà, il percevait le reflet de la magie dans ses yeux, et bientôt dans ceux des autres aussi. A présent, Lucas pourrait voir la magie et ne rien y comprendre. Il fallait qu'elle règle le problème et vite !
Bravo Kamu, toujours aussi performante ! Dès que tu es sous cette apparence et qu'il y avait un mec dans le coin, tu fais n'importe quoi. Surtout, si c'est Nils.
Parce qu'au fond, c'était lui surtout lui qui l'intéressait. Si elle avait juste voulu coucher avec un mec. Il lui aurait suffi de sauter sur l'autre idiot avec les yeux fermés. Sûr qu'il aurait accepté. Mais ce qu'elle voulait vraiment, c'était plaire à Nils. Elle voulait se montrer compétente et professionnelle. Sauf que là, c'était pas gagné.
Le pire restait à venir. Comme ils étaient de la même famille, elle allait devoir refaire le test sur chacun d'eux. C'était ça de griller les étapes.
Enfin, pour le moment, elle ferait tout aussi bien de s'intéresser au type qui avait les mains en l'air. Après avoir pris une grande respiration, elle traça délicatement les symboles pour sceller cet état. Ainsi, il ne se rendrait compte de rien.
-C'est rigolo, ça chatouille !
Kamu leva les yeux au ciel. Elle ne s'amusait pas, elle.
Il tressaillit lorsqu'elle posa son doigt au milieu de son front. Mais la mage ne dit rien. Elle avait fait suffisamment de bêtises pour aujourd'hui. Là, elle apposerait tous les scellés pour être sûr qu'il n'y aurait pas de problème. Ca lui prenait un temps fou. Cette magie n'était pas la sienne. Elle devait en permanence rééquilibrer chacune de ses actions.
C'était là, qu'elle commençait à ressentir la fatigue. Mais elle était la seule à pouvoir le faire. Nils ne connaissait que les capacités de combat qui ne serait d'aucune utilité.
Pour économiser son énergie, Kamu annula son sort visant à maintenir une température clémente autour d'elle. Le froid la mordit sauvagement. Mais cela ne la détourna pas de sa tâche. Il lui en rester un à poser.
Faisant le tour du banc, elle posa les doigts sur la nuque de Lucas. Il n'y avait plus qu'à espérer qu'il n'était pas aussi sensible que Nils. Avec attention, elle dessina le dernier symbole. A partir de maintenant, il ne devrait plus percevoir la magie, et ce, jusqu'à la fin de sa vie, si tout se passer bien.
-Ca va, tu n'es pas trop sensible ?
-Pas plus qu'ailleurs. Mais si tu veux savoir…
Kamu posa son doigt sur ses lèvres. Elle n'avait pas envie de savoir.
-Garde un peu de mystère.
Fatiguée, elle se rassit sur le banc. Son corps tremblait. Elle se força à inspirer calmement.
-C'est fini ? Je peux ouvrir les yeux ?
-Oui, vas-y.
Lucas ouvrit les paupières et regarda ses mains. Évidemment, il devait se demander le but de tout ça. Seulement, elle ne pouvait pas lui dire.
-Alors ? demanda-t-il avec un sourire. C'était quoi le sens de tout ça.
Comme elle ne répondait pas, il baissa la tête. Kamu avait le nez dans son portable.
-Ha, j'ai compris. C'était juste pour que j'ai l'air con, c'est ça. T'as pris des photos pour te moquer ?!
Il paraissait sincèrement blessé.
Prenant sa main, Kamu y déposa son portable.
Il fronça les sourcils.
-C'est quoi, ça ?
-Ta récompense.
Autant attirer son attention ailleurs, cela éviterait qu'il pose des questions stupides sur ce qui venait de se passer. Enfin, il faudrait quand même qu'elle mette Nils au courant de tout. Il n'allait pas apprécier. Il allait sans doute lui crier dessus, en la traitant d'idiot. Mais elle assumait ses erreurs.
Lucas prit le téléphone, surpris.
-Tu veux que je fasse quoi avec ?
Elle soupira. Alors lui, il était champion du monde. Il voulait un truc, mais quand il l'avait, il faisait preuve d'autant d'initiative d'un gamin de primaire.
Kamu le déverrouilla et lui montra une photo. C'était celle de la robe rouge que Nils ne lui avait pas laissé porter. Du coup, ça ne lui faisait pas grand-chose de lui montrer une tenue qu'elle aurait pu porter le jour même.
-T'en penses quoi ?
L'espace d'un instant, il répondit rien, trop happé par la photo.
-Tu es vraiment…
Elle s'attendait à tout, venant de lui.
-Vraiment très belle. Cette robe te va parfaitement. J'aimerais te voir avec en vrai.
Kamu ricana.
-Nils la déteste. Je voulais la porter ce soir, mais il m'a dit qu'elle était parfaite pour faire le trottoir, mais pas pour venir ici.
Lucas resta bouche bée.
-Mais comment peut-il te dire des choses aussi dégradantes ?! Il n'a honte de rien ?! Comment peux-tu aimer un type de ce genre ?
-Comment peux-tu aimer ta femme ?
L'espace d'un instant, leurs regards se croisèrent.
-Tu es tellement magnifique, et gentille avec lui. Comment peut-on être méchant avec toi ? Tu mérites un homme qui prendra soin de toi.
-Tu veux dire un homme comme toi ?
Avant qu'il ne puisse répondre, elle l'avait devancée.
-Ha non, j'oubliais. Tu es marié. Moi, les mecs déjà occupaient ailleurs, ça me branche pas. En plus, ça va peut-être te choquer, mais je suis fidèle.
-A lui ?
-Oui.
-Même s'il ne t'épousera jamais. Même s'il s'en fout de toi et qu'il n'y a que ton corps qui l'intéresse ?!
Elle sentit une larme coulait sur sa joue. Lucas avait touché juste. Il n'y avait que son corps qui l'intéressait. Ce corps-ci. Celui qu'elle détestait le plus. Les autres apparences n'existaient pas pour lui. Si elle n'était plus Eva, il ne la regarderait même pas.
En même temps, lorsqu'elle était Eva, elle ne connaissait que trop le comportement séducteur qu'elle adoptait, sans savoir pourquoi. C'était comme si cette parcelle de sa personnalité ressurgissait de manière exacerbée. Depuis combien de temps désirait-elle cet homme ? Six mois où Kamu n'avait fait que se languir de lui, le contemplant en silence dans l'espoir qu'il la regarde un jour.
En moins d'une soirée, elle avait brisé toutes ses barrières pour le faire sien. Ce n'était qu'une question de temps avant qu'il ne cède. Elle le voulait et l'aurait. Même si c'était juste pour une fois, cela lui était égale, tant que la mage pourrait sentir la chaleur de sa peau contre la sienne.
Le souvenir des baisers passionnés qu'il avait échangé lui revint en mémoire. Il était clair que s'ils avaient été seuls tous les deux, Nils ne se serait pas retenue. Cette idée lui réchauffait le coeur. Elle garderait au moins, ces doux souvenirs pour elle.
De toute façon, les hommes ne restaient jamais avec Kamu. Soit ils n'étaient pas mage et donc ne pouvaient pas comprendre, soit.. Comme son partenaire, il ne voulait qu'une seule version d'elle-même.
-Je l'aime tellement que je lui donnerais tout, même si je n'aurais que des miettes en échange.
Lucas la fixa avec un regard triste.
-Tu ne mérites pas ça…
Qui peut dire ce que je mérite ?
-Je ne suis pas quelqu'un de bien, c'est pour ça.
Le frère de Nils laissa tomber le potable sur ses genoux, pour prendre ses mains dans les siennes.
-Bien sûr que si, tu es quelqu'un de bien. C'est lui qui t'a dis ça ?!
-Non, j'ai pas besoin de son avis. Je suis capable de me juger seule.
Ils se regardèrent un instant, avant que Lucas ne se penche sur elle. Le voyant faire, elle tourna la tête et il lui embrassa la joue.
Kamu le repoussa.
-Mais à quel moment, tu t'es dit que c'était une bonne idée ?
Il recula gêné.
-Désolé. Tu avais l'air si mal…
-Du coup, tu t'es dit : « je vais en profiter » ?! Merci, ça fait vraiment plaisir.
Énervée, Kamu se releva d'un coup et s'éloigna de quelques pas. Pourquoi ce n'était jamais le bon qui s'intéressait à elle ? S'en était rageant !
-Attends !
Lucas lui couru après. Elle se retourna.
-Quoi encore ?
Il lui tendit son portable. La jeune femme s'en saisit, et continua à lui tourner le dos. Bien évidemment, Nils n'était pas là, quand elle avait besoin de lui.
-Je suis désolé.
-De quoi ? D'avoir raté ton coup ?
L'autre baissa la tête.
-Comme si les mecs mariés ça m'intéressaient !
-C'est juste que je me suis dit…
Kamu se retourna.
-Je sais ce que tu t'es dit : « c'est une salope, donc elle attends que ça. Ca ne change rien pour elle que je sois marié ».
-Non. Non, tu te trompes. J'ai jamais pensé quelque chose d'aussi laid…
La mage tremblait. Un contrecoup de l’apposition de sceller qu'elle avait dû faire en urgence. Ca et aussi le fait, qu'elle n'avait pas encore récupérait suffisamment de magie pour se permettre d'en dépenser pour réchauffer son corps. Elle était physiquement, psychologiquement et magiquement épuisée. Heureusement que pour le dernier point, elle récupérait rapidement.
-Tu as froid ?
Il retira sa veste et la couvrir avec. L'espace d'un instant, elle craignit qu'il ne tente de l'enlaçait, mais il n'en fit rien.
-C'est juste…commença-t-il.
Elle ne répondit pas et mais ne l'arrêta pas non plus.
-Je me suis dit que comme on était malheureux tous les deux, il était possible qu'on… Enfin, c'était stupide.
-En quoi tu es malheureux, toi ? Tu es marié, tu as un bon travail et deux jolies petites filles.
Il fixa le sol.
-Tu les trouves vraiment jolies ?
Kamu haussa les épaules.
-Évidemment.
Elle ne mentait pas. Les deux enfants étaient adorables.
-Tu veux que je te montre des photos d'elles ?
Il avait déjà beaucoup plus enthousiasme. La mage hésita, mais n'était pas comme si elle avait quelque chose d'autre à faire. En plus, au fond d'elle, elle avait envie de voir leurs petits visages heureux.
Lucas s'assit sur le banc et tira son portable de sa poche. Petit à petit, il faisait défiler les photos en lui expliquant quand elles avaient été prises. Kamu nota qu'à chaque fois, ils n'étaient que tous les trois que se soit au parc, chez le glacier, pour voir les illuminations de Noël.
-Tiens, ça ce sont les deux, avec le père Noël. Après, on a pris le petit train. Ca les a bien amusées.
-Ta femme n'aime pas les photos ? Y en a aucune d'elle. Elle t'a interdit de la prendre en photo ou quoi ?
Il eut un sourire gêné.
-C'est à dire qu'elle n'était pas là…
-Attends, tu veux dire que pour chacune des photos, tu étais tout seul avec les petites ?
Un éclair de tristesse passa dans son regard.
-C'est juste qu'elle m'a dit qu'elle était occupée. J'ai pas insisté. Je crois qu'elle n'avait pas envie de venir.
Kamu commença à comprendre ce qui se passait.
-Tu élèves tes filles, seul ?
-Non, elle est là. Mais… C'est juste qu'elle n'aime pas trop les petits enfants…
La mage croisa les bras.
-Enfin là, c'est pas n'importe quel petit enfant. Ce sont les siennes.
Il ne trouva rien à répondre sur le coup.
-C'était un peu par accident qu'elle est tombée enceinte…
Kamu fronça les sourcils.
-Deux fois ?
-Euh…
La mage n'insista pas. Elle savait qu'il avait déjà qu'il avait compris même s'il ne voulait pas se l'avouer.
-Ma mère m'aimait tellement qu'elle a poussé la porte de la maison quand j'avais trois ans, et n'est jamais revenue. Il faut croire que s'occuper de jumeaux était trop difficile pour elle.
-Des jumeaux ?
Kamu hocha la tête.
-Tu as un frère jumeau ?
-Avait…
Il posa doucement la main sur son épaule.
-Je suis désolé, ça a dû être très dur pour toi.
Une voix résonna soudain :
-C'est comme ça que tu réunis tout le monde !
Nils s'approcha comme une furie, attrapa la main de son frère et la repoussa loin de Kamu.
-Tu ne la touches pas.
-Écoute, c'est pas ce que tu crois…
Attrapant son frère par ses vêtements, il le força à se lever alors même qu'il le dépassait en taille.
-Si tu savais comme je m'en fous de tes piètres arguments. Je t'ai demandé de lui foutre la paix, qu'est-ce que tu n'as pas compris, là-dedans ? Faut que je t'en mette une pour que tu comprennes enfin ?!
Kamu eut presque envie de sourire devant le ridicule de la situation. Nils n'avait pas été là, lorsqu'elle était mal et déboulait à présent qu'elle avait une conversation normale avec Lucas.
-Tu faisais quoi, là, hein ? Pourquoi elle porte ta veste ?
-Parce qu'elle avait froid, pauvre abruti.
La mage se leva, et attrapa le bras de son compagnon.
-Arrête Nils ! Il me montrait juste des photos de ses filles.
Pour preuve, elle lui tendit le téléphone sur lequel les deux petites étaient avec le père Noël. Il fixa l'image, avant de lâcher son frère.
-Rentre, on va peut-être finir par réussir à bouffer quelque chose dans cette maison.
Après un dernier regard pour Kamu, Lucas partit sans dire un mot.
-Il t'a fais chier ce connard ?
-Tu es trop dur avec lui.
Nils la dévisagea en manquant de s'étrangler avec sa salive.
-Attends c'est lui qui te poursuit, et c'est moi qui suis trop dur ?
Kamu plongea son regard dans le sien.
-Depuis combien de temps, tu ne l'as pas vu ?
-Je sais pas. Deux ans, je crois… Peut-être moins…
-Il avait déjà cette tête-là ?
-Sa gueule de con, il l'a depuis que je le connais. Il tient de sa mère.
La mage soupira.
-Non, Nils, est-ce qu'il avait déjà ses cernes noirs sous les yeux ? Ce visage triste lorsqu'il pense qu'on ne le voit pas ?
L'autre paru réfléchir.
-Je ne crois pas.
-Il va plus mal qu'il ne veut le dire. Ca se voit quand même, non ?
Au froncement de sourcils de son collègue, elle comprit qu'il n'avait absolument rien vu. N'y avait-il qu'elle qui s'en était rendu compte ?
-Maintenant que j'y pense, il a voulu me dire un truc tout à l'heure…
-Et alors ?
Nils haussa les épaules.
-Comme si j'en avais quelque chose à faire de ses histoires.
Kamu ouvrit des grands yeux.
-Tu ne vas pas l'aider ?
-C'est pas comme si on avait beaucoup en commun tous les deux…
-Mais Nils, c'est ton frère !
-Demi-frère !
Elle croisa les bras sur sa poitrine.
-Ca ne change rien.
Il soupira.
-Le problème, c'est que je ne vois pas trop quoi dire… On a failli se foutre sur la gueule quand même…
-Non, ça, c'était toi tout seul, mon chéri.
Soudain, sans qu'elle s'y attende, il l'attira contre lui. Kamu ne put s'empêcher de sourire face à ce contact aussi délicieux qu'inattendu. Nils passa la main tendrement dans ses cheveux, avant de descendre sur son visage.
-On verra. Mais pour le moment, je préfère me concentrer sur une seule personne à la fois.
-Qui est le chanceux ?
-Toi.
Imaginait-il seulement combien il lui faisait plaisir ? Alors qu'elle se laissait aller contre lui, laissant son visage reposait sur son épaule, il murmura.
-Kamu ?
-Oui.
-Tu n'avais pas vraiment froid, n'est-ce pas ?
La question qui fâche. Soit elle disait la vérité, soit elle lui mentait.
-Si.
-Comment ça, si ?
-Disons que j'ai eu un petit sort à jeter…
Nils fronça les sourcils.
-Un petit sort ? Petit comment pour réussir à te vider totalement ?
Au moins, il se retenait de lui criait dessus, c'était déjà bon signe.
-Tu veux que je t'explique maintenant ? demanda-t-elle d'une petite voix.
Nils la fixa, il lui caressa délicatement le menton.
-Toi, tu m'as l'air d'avoir fait une belle connerie, non ?
Kamu détourna le regard.
-Si peu…
Le brun lui tourna le visage vers lui.
-Tu as fait quoi ?
Comme elle hésitait, il lui asséna le coup de grâce.
-Dit à ton supérieur, ce que tu as fait !
Elle lui lança un regard malicieux.
-Sinon quoi ? Tu vas me punir ?
-Hum… Ne me tente pas.
Il lâcha Kamu et tourna les talons. C'était donc ça, sa punition ?
-Si tu ne veux pas m'en parler, on va pas en faire tout un foin. Allons manger tant que c'est encore possible.
Elle ne bougea pas.
-Nils !
Il se retourna.
-Quoi ?
-Je vais t'expliquer.
-Tu ne fais plus de mystère…
Elle s'approcha et prit sa main.
-Il est possible que j'ai accidentellement « éveillé » ton frère.
Nils passa la main sur son visage.
-N'emploies pas les deux mots dans la phrase, ça ne colle tellement pas…
-Quels deux mots ?
-Éveillé et mon frère.
Kamu leva les yeux au ciel.
-Nils ! C'est sérieux. Si lui l'est, il est possible que les autres le soient aussi…
-Comment tu as réussis ce tour de force ?
-J'ai peut-être sauté une étape en les testant…
-Kamu, merde ! Je te croyais plus compétant quand même ! A quoi tu pensais ?!
Elle ne répondit pas. Que dire ? Qu'elle ne pensait qu'à lui à ce moment-là et qu'elle voulait absolument lui plaire ?
-J'ai réparé le truc. Je vais m'occuper des autres. Y aura pas de soucis…
Nils secoua la tête et tourna les talons. Elle le regarda s'éloigner le coeur serré. Il se retourna.
-Bon alors, tu fais quoi ? Viens !
-Hein ?
-Tu veux manger ou pas ?
Elle hocha la tête.
-Alors vient !
Kamu se mit à courir et s'accrocha à son bras, avec l'énergie du désespoir.
-Tu ne m'en veux pas ?
Il haussa les épaules.
-C'est des choses qui arrivent. En plus, personne n'est mort que je sache alors c'est pas bien grave.
La mage le regarda avec un sourire tendre. Il ne lui en voulait pas. C'était déjà l'essentiel.
Nils se tourna vers elle.
-Quoi ?
-Je te trouve… très beau.
-T'as d'autres conneries à sortir comme ça, en réserve ?
Kamu se sentit gênée.
-Je suis sincère, tu sais.
Il secoua la tête.
-Viens manger plutôt que de raconter n'importe quoi…
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