Restée seule, Kamu s'interrogea sur la démarche à suivre. Deux solutions s'offraient à elle dans son esprit : tenter de tester les dernières personnes ou alors faire un tour discret de la maison à la recherche de magie. Mieux valait opter pour la seconde solution. Pour se faire la meilleure des idées, était de devenir invisible. Cela ne lui posait aucun problème. Plus à Nils, qui lui disait d'utiliser ses pouvoirs avec parcimonie. Enfin, c'était un peu l'hôpital qui se foutait de la charité, vu ce qu'il faisait des siens.
De toute façon, elle ne pouvait pas rester dans le couloir. Dans la cuisine, elle entendait la belle-mère du brun, râler. Mais la mage avait aussi l'impression qu'elle sanglotait. A quoi s'attendait-elle ? Il ne l'aimait pas, elle ne pourrait rien faire pour changer ça.
Ca te va bien de penser ça, pauvre fille...
En silence, elle poursuivit son chemin dans le couloir, évitant le salon. Elle tomba sur une salle à manger dont la porte était restée ouverte. En y jetant un coup d'oeil, Kamu s'aperçut qu'il n'y avait personne.
Un murmure, une main tendue, un résultat… C'était aussi simple que cela. Aucune trace résiduelle… Après, si cela remontait à plus de dix ans, il était fort possible de ne rien trouver, le temps ayant fait son œuvre.
Quel était l'enchantement du pendentif ? Mystère…
C'était encore plus risqué. La mère de Nils devait avoir pris beaucoup de précautions, c'était ce qu'elle-même aurait fait. En plus, elle n'était pas seule. Julianne la maître des sceaux étaient présentes, ce qui ne faisait qu'augmenter les risques. Seulement pour les mages, pour peu qu'elle eut été compétente…
Il reste si peu de maîtres de sceaux, que cela devenait difficile de trouver des professeurs. Parfois, c'était aussi difficile aux professeurs de trouver des élèves. Les mariages libres avaient causé la disparition de ce groupe qui avait autrefois tendance aux mariages consanguins pour garder ce qu'ils nommaient « la pureté de leur lignée ».
Il n'y avait rien ici. Kamu quitta la pièce.
Une silhouette attira son attention. Zeus trottinait tranquillement sur ses coussinets. Il s'arrêta devant une porte, la gratta de la patte, avant de planter ses yeux verts dans les siens. Etait-ce un signe ? Cherchait-il à lui faire comprendre quelque chose ?
Le change-forme posa la main sur la poignée et ouvrit. Elle fut déçue de se rendre compte qu'à l'intérieur, ce n'était qu'une bibliothèque. Des étagères couraient sur tous les murs, pleines de livres plus ou moins précieux. Elle en avisa à la reliure de cuir. Une édition ancienne sans doute. Le reste du mobilier, se composait d'un divan dont les coussins étaient d'un joli bordeaux, mettant en valeur le bois sombre qui l'entourait.
Une table en verre se trouvait au centre de la pièce, et seule une chaise en fer forgé noir, permettait d'y prendre place. Il ne devait pas y avoir beaucoup de passage dans la pièce. Cependant, le chat y trouva tout de suite ses aises et prit place sur l’oreiller disposé sur le siège.
Kamu sourit face à la scène. Tendant la main, elle murmura encore une fois, les mêmes paroles. Ce coup-ci, la magie réagit et s'illumina au contact de la sienne. Curieuse, elle s'approcha des résidus au sol, juste devant l'étagère où se trouvait les livres précieux.
Bon, il y avait eu quelqu'un qui s'était servit de sa magie, ici. Laissant courir son doigt sur la tranche des livres, elle préleva un peu de la substance obtenue. En la fixant, elle prononça une autre parole.
Cette signature magique… Elle l'aurait reconnue entre mille…
-Nils, murmura-t-elle.
-Qu'est-ce que vous faites, ici ?
D'un geste, elle fit disparaître toute trace de magie. Un humain normal aurait été incapable de la voir, mais mieux valait ne pas tenter le diable.
L'autre s'approcha d'elle. Près… Trop près même…
Qu'est-ce qu'il voulait ? Soit, il s'amusait à lui faire peur. Ce qui était mal la connaître. Comme un simple humain, elle ne risquait rien.
Soit elle lui plaisait et il s'approchait volontairement au maximum d'elle. C'était comme jouer à un jeu dangereux, et excitant. Plus il était proche, plus il risquait de la frôler par inadvertance. Il s'attendait sûrement à ce qu'elle s'esquive, gênée.
Ne joue pas à ça, mon grand, tu as plus à perdre que moi, je te l'assure…
Un large sourire aux lèvres, elle se retourna pour lui faire face.
-Je regardais juste, les ouvrages disponibles dans cette bibliothèque. Ils doivent être anciens.
La voyant le visage si proche du sien, se fut Lucas qui recula d'un pas.
Bien. Mais je n'en ai pas terminé avec toi.
Le voyant faire, elle s'approcha à nouveau. Il hésita sur la conduite à tenir. Il ne voulait sûrement pas reculer jusqu'à se trouver coincer contre une bibliothèque. Son petit jeu se retournait contre lui.
Kamu posa la main contre son torse, caressant sa chemise, avec délicatesse.
-Ce tissu est vraiment de grande qualité. Où avez-vous acheté cette chemise ? lui demanda-t-elle, avec l'air de ne pas y toucher.
Il déglutit difficilement.
-Je ne sais pas.
A ce niveau-là, il avait l'air d'avoir perdu beaucoup de ses connaissances et souvenirs.
-Je vois, c'est votre femme qui vous l'a offert.
-Je doutes que vous ayez le budget pour, répliqua-t-il en se reprenant quelque peu.
-Vraiment ?
Elle plongea ses yeux dans les siens, papillonnant des cils.
-Dommage, j'aime tant faire des surprises à Nils. J'aime aussi prendre soin de lui, et il adore quand je m'occupe de lui.
L'autre paraissait toujours aussi gêné.
-Qu'est-ce qu'il y a ? Vous me paraissez tendu. Quelque chose ne va pas ?
-C'est à dire… Il faudrait…
Elle fit un pas, le faisant à nouveau reculer.
-Je sais ce qu'il faudrait. Asseyez-vous !
-Non, mais je…
Ne lui laissant aucune possibilité de répliquer, elle posa ses mains sur ses épaules pour le pousser sur le divan.
-Voilà, c'est mieux.
Gardant la main sur sa clavicule, elle fit le tour du siège, pour venir se placer derrière lui. Posant ses doigts sur sa nuque, elle les enfonça doucement dans la peau. Il se raidit, un peu plus. Souriant de plus belle, elle se pencha pour souffler à son oreille.
-Détendez-vous. Tout ira bien.
Sa main caressa la peau nue de son cou, et il se redressa un peu plus, gêné. Mais pas tant que ça, puisqu'il ne l'arrêtait pas. Elle fixa ses doigts : non-mage. Cela n'avait rien d'une surprise, mais au moins, elle était fixée.
Maintenant, le souci, c'était qu'elle ne pouvait pas s'arrêter en si bon chemin. Tant pis, elle était partie pour faire un massage à un type insupportable. Avec un peu de chance, sa femme arriverait et ça serait marrant.
Kamu accentua la pression, sur la base de son cou, avant de descendre sur ses mains sur ses épaules. Ce type était une vrai boule de nerf et pas sûr qu'elle en était la seule responsable. A coup sûr, Nils était pareil. Si seulement, il acceptait qu'elle l'aide.
Glissant ses doigts, le long de sa colonne, il laissa échapper un petit bruit de contentement. La mage lui souffla à l'oreille :
-J'aime les hommes expressifs, tu peux continuer, ça ne me dérange pas.
-Je…
La suite ne vint pas.
-Tu…
Il ne sembla même pas remarquer la familiarité qu'elle avait utilisé. Elle continua néanmoins à faire courir ses doigts sur son dos, dénouant les tensions, les unes après les autres. Après avoir terminé les épaules, elle s'approcha de la colonne vertébrale, à nouveau. Comme la fois précédente, il émit un bruit étouffé.
Première fois, elle voyait quelqu'un qui aimait autant cela. Elle retira ses mains, il ne fallait pas pousser non plus.
-Ce devrait aller mieux, à présent.
Il resta silencieux.
Finalement, il fit rouler ses épaules dans tous les sens, pour en vérifier la mobilité.
-Dommage que tu habites si loin. Je pourrais te payer pour ça.
-Très bien, je t'enverrais mes honoraires !
Elle tourna les talons, le plantant sur place. Finalement, elle hésita, en entendant des bruits de pas. Prévoyant déjà qui allait venir, elle se dirigea vers le coussin où était lové le chat et passa la main dans ses poils. Celui-ci redressa la tête, heureux d'être au centre de l'attention.
-Ho oui, tu aimes ça, pas vrai, mon grand ? Tu les aimes mes caresses, hein ?
Les pas s'accélèrent. C'est presque trop facile. Et l'autre, qui la fixait avec l'air ahuri. Ca allait mal tourner pour lui, et ça serait bien fait.
-Tu es un beau garçon ! Tout à fait mon type !
Comme elle s'y était attendue, la tornade entra en trombe dans la pièce et hurla :
-Lucas !
Son regard se plante d'abord sur elle, puis le chat, avant d'aller à son mari.
-Qu'est-ce que tu fais là ?
-Euh… Je…
Ce type avait décidément beaucoup de vocabulaire.
Kamu se redressa, en s'excusant d'un regard auprès de Zeus, qui lui lança un miaulement déçu, avant de se recoucher.
Sa deuxième cible était présente. Même si, compte tenue de ce qu'elle savait sur son mari et ses filles, il était presque impossible de penser qu'elle puisse avoir un rapport quelconque avec la magie, elle voulait en avoir la certitude.
-Qu'est-ce que tu fais ici, avec…
Le regard de Lucas allait de sa femme à Kamu, mais il restait silencieux. Lui, il allait sûrement prendre cher.
La mage passa s'approcha d'Estella, et vive comme l'éclair saisit son collier.
-Magnifique pendentif !
L'autre fut surprise et ne répliqua pas, d'abord. Finalement, elle récupéra son bien dans la main de Kamu.
-Vous ne pouvez pas nous laisser seuls ?!
Haussant les épaules, elle continua son chemin.
-Comme vous voudrez.
Elle se retourna, alors qu'Estella ne la voyait pas et envoya un baiser à Lucas, avant de lui faire un clin d'oeil. Il la foudroya du regard. Pourquoi ? Après tout, c'était lui qui avait commencé et non elle.
Elle porta un simple regard à sa main, qui lui permit d'affirmer : non-mage.
A peine eut-elle fait quelques pas dans le couloir, qu'elle entendit qu'on haussait le ton dans la bibliothèque. Elle ne put s’empêcher de sourire. Il ne valait mieux pas jouer avec elle.
Excédé par le bruit, Zeus quitta la pièce et traversa le couloir. Une fois à quelques pas devant Kamu, il se retourna et la fixa.
-Je vois. Tu es mon guide.
Elle le suivit, jusqu'à l'escalier. Il lui manquait deux cibles à tester : une qui râlait dans la cuisine et l'autre qui s'était esquivée. Se servant de ses pouvoirs, elle étouffa le bruit de ses pas, et rejoignit l'étage. Ici, il n'y avait personne pour la voir.
Quelques paroles murmurées, et elle était devenue invisible. Il lui restait juste à se dépêcher, avant que quelqu'un s'interroge, et en vienne à la chercher. Elle ne savait pas où était la chambre de la sœur de Nils, mais sûrement dans le même coin que celle du mage.
Son compagnon avait celle la plus proche de la porte du couloir. Son regard erra sur le sol. Dans la chambre d'à côté, il n'y avait aucune lumière. Mieux valait chercher celle qui serait éclairée. Elle continua à progresser dans le noir. Cela avait quelque chose de grisant. Ici, personne ne pouvait la voir, elle se confondait totalement avec les ombres. C'était un peu comme disparaître.
Il y avait eu tellement de moment, où elle avait souhaité ne jamais réapparaître. Après tout, ils étaient tous là, pour elle soi-disant, mais quand venait le soir, Kamu était seule dans son petit appartement. Le même qu'elle occupait toujours, et dans lequel elle avait emménagé à ses seize ans.
Elle qui avait perdu son double, c'était retrouvée seule dans un grand bâtiment. Certes, la mage aurait pu téléphoner à Giles, le supplier de ne pas la laisser. Elle n'en avait rien fait. S'il ne voulait pas d'elle chez lui, il devait avoir une raison. Sa famille n'était peut-être pas prête à accueillir une fille traumatisée. Au fond, elle les comprenait.
Qui aurait eut envie de s'occuper de quelqu'un incapable d'avoir une apparence fixe ? D'ailleurs, elle ne devait même pas être sur cette mission, jusqu'à ce que Giles se dise qu'elle serait obligée de garder le même corps deux jours de suite. Une épreuve pour elle…
Seulement, elle ne pouvait abandonner Nils. Il avait besoin d'elle, pour trouver ce maudit pendentif. Trouver un remplaçant pour les fêtes n'aurait pas été simple. Tout le monde s'était déjà organisé et le pauvre environnementaliste sur qui cela serait tombé, ne se serait sûrement pas montrer compréhensif.
Non, il fallait que se soit-elle. Même si elle devait souffrir, à cause de son apparence. Mais pour le supporter, Kamu savait qu'il n'y avait qu'une apparence qu'elle pouvait prendre. Une avec laquelle Nils ne l'avait jamais. Une, qu'elle ne montrait jamais. Celle qu'elle reprenait tous les soirs en rentrant chez elle. Enfin presque tous les soirs…
Avisant un halo lumineux s'échappant de sous la porte, elle sourit. Elle devait être au bon endroit. Malheureusement, même invisible, elle n'en passait pas moins à travers la matière. Elle aurait pu, mais ce n'était pas ce qui s'avérait le plus simple. Autant revenir aux basiques…
Sans attendre, elle toqua à sur le battant.
-Ouais ?!
N'obtenant aucune réponse, la jeune fille bougea pour ouvrir. Dans le couloir, il n'y avait personne. Enfin personne de visible…
-C'est quoi cette connerie?!
Loli cligna des yeux.
-Nils ? Lucas ? Si vous voulez me faire peur, ça marche pas. J'ai plus douze ans !
Elle n'était pas rassurée et c'était perceptible. A regret, Kamu entendit les doigts pour toucher sa main, le contact fut bref mais suffisant. Loli sursauta et hurla, avant de claquer la porte de sa chambre et de la verrouiller.
Dans son portable qu'elle tenait à la main, une voix inquiète se faisait entendre.
-Allo ? Il vient de se passer un truc ! Quelque chose m'a touché ! Je sais pas quoi ! Y avait rien ! Le couloir était vide ! C'est pas une blague…
La mage s'en voulu pour le vilain tour qu'elle venait de lui jouer. Cependant elle avait eu ce qu'elle voulait : non-mage. A présent, il lui restait une dernière victime.
Tournant les talons, elle redescendit. Son guide félin l'avait abandonné pour aller se reposer ailleurs.
A proximité de l'escalier et après un dernier coup d'oeil, Kamu revint visible. Nils serait sûrement satisfait de son travail, elle aurait bien avancé pendant son absence. Pourquoi avait-elle des pensées aussi stupides ? Ce qu'elle faisait c'était avant tout son travail, elle ne le faisait pas pour un homme, même s'il l'intéressait beaucoup.
Foutue apparence… C'était sûrement de là que venait le problème. Seulement, quand elle était près de lui, elle n'arrivait plus à se concentrer sur autre chose que sur le brun gueulard qui l'accompagnait. Sa seule envie était qu'il la prenne dans ses bras et la serre contre lui. Elle en avait tellement besoin.
Kamu sentit les larmes lui monter aux yeux. Ce n'était pas le moment. Ce corps était trop sensible. Elle fit défiler dans son esprit diverses images joyeuses, tout en évitant la nostalgie. Elle ne pouvait pas se permettre de craquer si près du but.
Désolée Loth, je dois rester concentrer.
Après une grande respiration, elle redescendit, en silence et une fois en bas, annula le sort. A présent, tout le monde pouvait à nouveau l'entendre. Son regard se tourna vers la cuisine. Une dernière personne à voir.
Sans attendre, elle poussa la porte de la cuisine. Un visage se tourna vers elle, soulagé, avant de se crisper. Ce n'était visiblement pas elle qu'on attendait. Qu'importe…
-Je viens vous aider. Que faut-il faire ?
L'autre la regarda, bouche bée.
-Je ne sais pas, avoua-t-elle brusquement.
Elle paraissait tellement perdue que s'en était risible. Anne-Laure se reprit.
-Je n'ai rien à vous faire faire. Je me débrouille très bien seule.
C'était fou, comme elle préférait rester sur son navire en train de couler plutôt que d'accepter de l'aide d'une inconnue.
Elle lui fit un geste de la main pour la faire partir. Kamu la regarda s'agiter avec un sourire et pointa du doigt une tâche de sauce tomate sur son chemisier.
-Je crois que vous vous êtes sali.
-Et alors ? A croire que ça ne vous arrive jamais. Êtes-vous donc si parfaite ?! répliqua avec humeur la belle-mère de Nils.
Bien sûr que non, elle n'était pas parfaite, mais elle ne l'avouerait pas devant cette femme.
-Utiliser un tablier me semblerait adapté à la situation, constata-t-elle.
-C'est tout ce que vous savez faire énoncer des évidences ! Je n'ai pas besoin de votre aide, alors retourner donc vous agiter devant ce cher Nils, puisqu'il a l'air d'apprécier cela !
Kamu lui fit un grand sourire.
-Mais je crois qu'il n'est pas le seul à apprécier. D'ailleurs, à ce propos, si vous pouvez dire à votre fils de modérer ses ardeurs ça m'arrangerait bien. J'adore avoir le corps d'un homme contre le mien mais de préférence un qui ne soit pas marié, et qui me plaise un minimum.
La réaction ne se fit pas attendre. Anne-Laure jeta son bras en avant dans le but de la gifler. Seulement Kamu, avait déjà anticipé et elle lui bloqua la main.
-Pas très gentil tout ça.
L'autre la regarda surprise. Elle ne s'était sûrement pas attendue à ce que la jeune fille est une telle poigne.
-Je plaisantais. Mais ses regards très appuyés me mettent mal à l'aise pour sa femme. Vous feriez mieux de lui en parler, vous êtes sa mère, et puis, pour avoir vécu la situation, vous n'avez sûrement pas envie qu'il suive le même chemin que son père.
Au tremblement qu'elle perçut dans son bras, elle su qu'elle avait fait mouche. Anne-Laure dégagea sa main.
-Sortez de ma cuisine, je ne veux plus vous voir.
-Comme vous voudrez ! Mais je vous rappelle que vos petites-filles dorment.
Kamu haussa les épaules et fit un pas en arrière.
-Ne vous approchez pas de mon fils.
-C'est plutôt lui ne devrait pas s'approcher de moi, il pourrait être surpris. Je vous conseille donc de lui demander de me laisser tranquille. J'en ai déjà un de mec, j'ai pas besoin d'en avoir plusieurs. Je ne prévois pas de commencer une collection.
-Vous n'êtes qu'une fille vulgaire et sans éducation, sortez de cette pièce ! Il est clair que vos parents ne vous ont rien appris, même pas le respect de vous-même, sinon vous ne paraderiez pas, aussi peu vêtu.
Avec un sourire la mage baissa la tête sur ses vêtements.
-Pourtant elle est jolie ma robe. Moi, je l'aime beaucoup.
-Vous vous croyez irrésistible, attendez un peu que le temps fasse son œuvre et que vous vous retrouviez seule !
Elle avait l'air tellement satisfaite d'elle. Pourtant, Kamu ne l'enviait en rien. Elle ne faisait que s'accrocher à un homme qui avait passé sa vie à être amoureuse d'une autre, et qui lui était toujours fidèle dans son coeur.
De toute façon, la mage était déjà seule. Elle n'avait plus de famille. Quant à l'effet du temps sur son corps, cela n'avait que peu d'importance pour un change-forme. Tout cela n'était qu'une apparence. Une apparence n'était rien pour quelqu'un comme elle.
Peu désireuse d'entendre encore plus de bêtises, Kamu quitta la cuisine, accompagnée d'un concert de cris. A peine eut-elle passé la porte, qu'elle oublia cette femme et sa méchanceté. En regardant ses mains, elle eut la conformation qu'elle attendait : non-mage. Du coup, aucun d'eux ne pouvait percevoir le pouvoir du pendentif, hormis Ben. Cela leur laissait le champ libre.
La porte d'entrée s'ouvrit, laissant passer Nils et son père.
Les regards des deux mages se croisèrent, ils ne dirent pas un mot, mais ils surent qu'ils avaient des informations à échanger. Kamu s'approcha de son ami, en souriant. Tous deux se mirent sur le côté et laissèrent François entrer dans la cuisine. Il y fut reçu par un tonnerre de cris. Anne-Laure croyant sûrement que c'était le change-forme qui était de retour.
-Tu m'as l'air bien content de toi. Qu'est-ce que tu as fais de beau ? lui demanda Nils.
-Tant de choses…
-Tu m'en donnes un aperçu ?
-Je ne sais pas si ça te plaira, mais j'ai avancé.
Nils fronça les sourcils.
-Pourquoi ça ne plairait pas ?
Kamu soupira. Elle ne se voyait pas lui cacher quoique se soit, alors elle répondit d'une voix douce :
-J'ai fait un massage à ton frère, mit ta belle-sœur de mauvaise humeur, effrayé ta sœur et je me suis fait insulter par ta belle-mère.
Le brun resta silencieux, un instant.
-Tu as fait un massage à mon frère ?
La mage ne put s'empêcher de sourire. C'était ça qu'il retenait finalement. Cela lui faisait tellement plaisir de sentir une pointe de jalousie chez lui. N'y tenant plus, elle décida de le titiller un peu.
-Pourquoi tu as fait un massage à ce con ?
-Il est si viril et sexy.
Elle éclata de rire devant la mine déconfite de Nils.
-Mais non, idiot. Personne n'est plus viril et sexy que toi.
Kamu profita de son trouble pour venir se blottir dans ses bras. Elle y était tellement bien. Si seulement, il pouvait le comprendre. Elle ne voulait que son bonheur.
Il la repoussa doucement, mais cela lui brisa le coeur. Cependant, la mage ne dit rien, se contentant de sourire, en espérant que peut-être un jour, il changerait d'avis.
-Mais t'as fini de me raconter des conneries. Bon alors, c'était quoi toute cette histoire ?
-Je me suis arrangée pour les toucher tous les quatre. Aucun d'eux n'est mage.
-Tant mieux, ça nous laissera le champ libre.
Elle aurait voulu qu'il lui fasse un compliment, qu'il est un geste envers elle. Il n'en fit rien. Que pouvait-elle y faire ? Devait-elle lui prendre à nouveau la main ?
Pouvait-il seulement imaginer à quel point elle avait été heureuse lorsqu'il l'avait embrassé ? Savait-il qu'elle rêvait de ce moment depuis longtemps ?
La suite l'avait déçu. Pas un mot gentil, pas un geste tendre, juste une froide indifférence… Kamu en souffrait plus qu'elle n'aurait voulu l'avouer. Sentant les larmes lui monter aux yeux, elle détourna le regard en souriant. Elle devait absolument donner le change.
Ces sentiments… C'était une juste une apparence. Elle savait en changer depuis toujours, elle pourrait bien faire semblant d'être heureuse. Après tout, la jeune femme ne pouvait pas le forcer à l'aimer.
Mais être dans ses bras…
Elle désirait tant pouvoir s'y blottir comme pour se soustraire à la noirceur du monde. Elle aurait tant voulu qu'on lui donne de l'amour, au lieu d'en prendre. Mais comme d'habitude, Kamu ne savait pas se comporter correctement. Elle était bien plus à l'aise pour faire le genre de coup qu'elle avait fait à Lucas, que pour réussir à avouer ses sentiments.
Il devait sûrement croire que ce n'est pas important pour elle, et qu'elle voulait juste m'amuser avec lui. Comment lui montrer la sincérité de ses sentiments ? Elle n'avait pas la réponse à cette question. Tout ce qu'elle pouvait faire, c'était rester à ses côtés et attendre qu'un jour, il la remarque.
Elle aurait mieux fait de changer d'apparence, pour ne plus se poser toutes ses questions stupides, sans réponse. Ce serait la première chose qu'elle ferait en rentrant. Plus jamais elle ne reprendrait cette forme stupide. De toute façon, il s'en fichait d'elle. Mieux valait se concentrer sur la mission.
-Et elle ? lui demanda Nils.
Elle se força à relever la tête, et à sourire. Un sourire faux, mais de toute façon personne ne voyait jamais la différence. Ils lui demandaient si elle allait bien, et il lui suffisait de sourire, en formulant sa réponse pour les rassurer. Peu importe si Kamu pleurait à l'intérieur. Il n'y avait jamais eu que Loth pour s'en soucier.
Brusquement, une douleur lui traversa le bras. Il fallait absolument qu'elle se reprenne. Elle ne pouvait pas se laisser aller. Pas ici, ni maintenant.
Prenant une grande respiration, elle se força à se calmer. A repousser le chaos des émotions en elle, qui menaçaient de la submerger. Kamu sentit une chaleur l'entourait comme pour lui donner du courage, et remercia mentalement, Loth.
Anxieuse, elle passa la main sur son bras, mais il n'y avait rien. Elle avait enraillé le processus avant que cela commence. Elle n'avait plus qu'à veiller à ce que cela ne se reproduise pas.
-Eva ! Eva ! Kamu !
Elle tourna la tête vers Nils, qui paraissait inquiet.
-Qu'est-ce qu'elle t'a dit ?
-Hein ?
-Qu'est-ce qu'elle t'a dit ?
-Que j'ai vulgaire et sans éducation.
-Je vais lui parler du paysage !
Nils voulu s'élancer, mais elle le retint. Pourquoi paraissait-il aussi fâché, s'il n'en avait rien à faire d'elle ? Voulait-il la protéger en tant que Kamu, sa coéquipière ou Eva, sa prétendue petite-amie ? Était-ce sincère ou un rôle ?
-Non, c'est pas grave. Je m'en fiche.
Il la fixa.
-Tu es bizarre depuis tout à l'heure. Ca te touche plus que tu ne le dis, j'en suis sûr.
A nouveau, il voulut entrer dans la cuisine, mais à nouveau, elle le retint.
-Nils ! Je…
Elle resta interloquée par ce qu'elle avait failli faire. Avait-elle vraiment envisagé de lui dire « je t'aime » dans cette situation ?
-Oui ?
-Je suis plus forte que ça.
-Je sais ! Mais quand même…
Avant qu'elle puisse répliquer, Anne-Laure sortit en trombe de la cuisine et se précipita vers l'escalier, sans un regard pour eux. Trop occupés par leur conversation, ils n'avaient rien suivi de la scène qui se jouait à côté d'eux.
-Nils, tu viens me donner un coup de main ? demanda son père.
Le brun hocha la tête.
-Ha. Tu veux peut-être rester avec Eva ?
Il se tourna vers elle, en l'interrogeant du regard.
-Vas-y et ne t'en fais pas pour moi.
Si elle n'était toujours pas morte, après tout ce qui lui était arrivé, elle survivrait bien s'il venait à la délaisser pour faire la cuisine. Au moins, personne ne mourait de faim ou d'intoxication alimentaire, ce qui était déjà une bonne chose en soi. Après tout, elle faisait partie de ceux qui prendraient leur repas, ici.
Nils fit quelques pas, avant de lui demander.
-Excuse-moi, est-ce que tu peux amener le téléphone à Maxime, il voulait appeler sa grand-mère.
-Bien sûr. Je m'en occupe.
Ca elle pouvait le faire. En plus, ça lui donnerait une bonne raison de quitter la maison.
Au moins, elle comprenait pourquoi le brun ne voulait pas venir passer son Noël dans cette famille. Mais au moins, il allait pouvoir passer un peu de temps en compagnie de son père.
Son père…
Le seul qu'elle n'avait pas testé.
Nils lui avait dit qu'il était lattant, un mage dont le pouvoir ne s'était pas éveillée. Une réserve de magie pour des gens sans scrupules, qui allait jusqu'à les tuer. Seulement, Nils lui avait aussi dit « teste tout le monde ».
La première fois, elle avait hésité, et à présent, elle se posait toujours la question. Ce n'était pas seulement pour son ami, c'était aussi pour confirmer une intuition. Quelque chose qui la tracassait depuis son arrivée.
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