Savoir lire était une compétence indispensable pour une septa, mais Eleanne avait dû apprendre par ses propres moyens et son niveau de lecture était rudimentaire. Au quotidien, elle s’arrangeait toujours pour déchiffrer à l’avance les textes qu’il lui faudrait lire publiquement, et elle faisait alors en sorte d’assimiler suffisamment les suites de mots pour pouvoir les déclamer ensuite pratiquement par cœur.
S’attaquer à la lecture du journal de Mestre Owain était une épreuve d’un autre genre : alors que les livres de liturgie étaient traditionnellement clairs et aérés, le carnet de notes du mestre était griffonné en tout petits caractères, sans aucune considération pour un potentiel lecteur. Ce type de carnet n’était logiquement destiné qu’au mestre pour son suivi personnel, et aux rats de bibliothèque de la Citadelle, dont la mission consistait à récupérer les travaux des mestres après leur trépas, pour les archives de l’ordre.
Progresser d’une seule ligne dans sa lecture représentait déjà pour Eleanne un réel accomplissement, et lui demandait davantage de minutes qu’il n’y avait de mots. Elle s’était naturellement d’abord dirigée vers les dernières entrées du journal, pour savoir sur quoi travaillait Owain juste avant sa disparition, supposant que c’était là que se trouveraient les informations les plus cruciales. Néanmoins, elle savait que même en ne s’intéressant qu’à cette dernière portion du carnet, il lui faudrait plusieurs journées de décryptage laborieux avant de pouvoir faire un récit détaillé des derniers jours du mestre à Château-Brillant. Plutôt que de s’acharner ligne par ligne, elle sautait de paragraphe en paragraphe, espérant tomber ainsi sur un passage révélateur, et croisant les doigts pour que cette méthode ne la fasse pas passer à côté des détails les plus importants.
Déjà, ses doigts s’étaient arrêtés sur les mots « cadavres » et « poison ». Son cœur s’était emballé, et elle avait mis plus d’application à déchiffrer ces entrées : elle avait ainsi compris que le mestre avait exhumé des dépouilles et révélé à l’aide d’un procédé chimique que les victimes étaient mortes d’empoisonnement.
Ça n’était pas ce qu’elle avait espéré, et cette lecture la fit soudain se rendre à l’évidence que même si Owain avait attenté à la vie de Lord Jakob, il était certain qu’il n’en aurait pas fait le récit dans son journal… Elle avait alors repoussé le carnet et s’était laissée retomber contre le dossier de son siège, démotivée : elle s’était donné bien du mal pour récupérer le journal sans savoir ce qu’elle y trouverait, mais à présent qu’il était entre ses mains, elle se demandait plutôt s’il y avait en vérité quoi que ce soit à en espérer. Elle reprit néanmoins sa lecture après un instant de laisser-aller, mais son enthousiasme était largement retombé.
Lorsqu’on frappa à sa porte, elle considéra l’interruption comme une bénédiction. Elle fit disparaître le carnet dans une poche intérieure de son ample veste gris souris, et rejoignit la porte d’un pas énergique.
« Qui est là ? », interrogea-t-elle.
C’était un serviteur des Wight, qui venait l’informer que Ser Demetrios Palamede -ou plutôt Lord Demetrios à présent- souhaitait qu’elle le rejoigne au septuaire. Elle hésita à emporter le journal avec elle, mais elle mesura rapidement que malgré ce qui était arrivé la veille, l’avoir sur elle restait la meilleure façon de le conserver. Elle descendit les escaliers de la tour sur les pas du domestique, traversa la cour du château où ne s’affairaient plus que des serviteurs portant la livrée noir et sang des Wight, et atteignit rapidement le septuaire. Un vigile arborant l’aigle doré des Palamede l’accueillit à l’entrée, mais ce n’était pas le colossal Ser Amyntas cette fois : elle était parvenue à sauver le capitaine de la garde de la mort, mais celui-ci restait condamné à une longue convalescence après son accident du matin. En dépit de la désorganisation qu’avaient causé les tragédies qui avaient frappé coup sur coup les Palamede, la délégation pléthorique de serviteurs qui les avaient accompagnés au tournoi s’était efficacement pris en main, et la sécurité avait même été renforcée : la protection des seigneurs d’Oestgard était désormais assurée par une escouade de six hommes en armes.
Le jour de leur arrivée à Château-Brillant, Eleanne avait trouvé Ser Demetrios au septuaire, priant le Guerrier de lui donner la force de triompher dans le tournoi. Désormais aux rênes de la gestion de sa maison, c’est vers le Père que le jeune seigneur se tournait à présent.
« Monseigneur », le salua-t-elle après avoir attendu le signe qu’il sortait de sa prière. Lord Demetrios était un damoiseau de seize ans, à peine moins âgé que Grey mais en apparence bien plus ingénu que lui, croyant à la vertu et à tout ce genre de sornettes. Ses cheveux châtain clair tombaient en courtes boucles jusqu’à ses épaules, encadrant un visage à l’expression douloureuse, durcie par les récentes épreuves.
« Merci d’avoir répondu à mon appel ». Sa voix était faible, comme si elle venait de très loin, et affreusement triste. « J’avais besoin de confier mon âme. »
Eleanne lui répondit par le sourire gêné le plus encourageant qu’elle put produire.
« Je compatis à votre douleur, monseigneur. Vous pouvez vous confier à moi en toute confiance. » La phrase était sincère, même si à chaque fois qu’elle la prononçait, Eleanne ne pouvait s’empêcher de penser à la puissance qu’elle représentait : un septon ou une septa mal intentionnée pouvait, par la seule force de son statut, se retrouver en possession de secrets inimaginables. Aucun escroc n’avait-il donc jamais songé à endosser la robe pour soutirer leur pitance aux humbles, ou leur fortune aux puissants ? Enfin, aucun véritable escroc ?
« Si vous saviez… Je ne peux dire ce qui ravage le plus mon cœur, de la peine d’avoir perdu mon frère, de la honte de m’être épris d’une fille indigne, ou du dégoût que je m’inspire pour avoir causé la perte de mon seigneur par orgueil. »
Eleanne avait appris par expérience que ce qu’attendaient ceux qui se confiaient à elle était avant tout son écoute. Elle se contenta de s’installer à côté de lui, s’agenouillant comme lui mais sans rien dire. Son silence encouragea Demetrios à poursuivre.
« Je devrais me donner la mort pour avoir trahi mon seigneur, mon frère. Je l’ai abandonné au moment où il avait le plus besoin de moi, et j’ai condamné ma maison à l’opprobre en le privant de mon soutien. J’aurais aussi bien pu brandir la lame qui l’a occis. »
La tentation était forte de répondre que Lord Elias s’était condamné lui-même, par son propre orgueil. Mais c’était la dernière chose que Demetrios avait envie d’entendre, et elle en avait bien conscience.
« Vous ne pouvez pas changer le passé, seulement le futur. Votre devoir est à présent envers votre maison : il vous faut laisser cet événement derrière vous, et vous montrer fort pour vos gens, et pour votre sœur. »
Theodora était plus solide que lui : elle n’aurait sans doute pas besoin de sa force, mais elle aurait néanmoins besoin qu’il soit capable de faire face, puisque c’était à lui qu’incombait la responsabilité de la gestion de leur maison à présent.
« Comment pourrais-je me présenter devant eux après ça ? Humilié par la femme dont j’ai porté la faveur devant des centaines de spectateurs ? Je serai la risée de tous ! »
« Il vous appartient de faire oublier cet incident, en brillant par votre vertu et votre droiture, par la noblesse avec laquelle vous surmonterez l’adversité, monseigneur. »
Les yeux du jouvenceau plongèrent vers la dalle de granit sur laquelle tous deux se tenaient. Une ligne scintillante apparut entre ses paupières serrées.
« Et comment pourrais-je… ? Quand mon cœur continue de battre pour elle ? »
La mâchoire d’Eleanne s’affaissa malgré elle. Elle s’aperçut alors que Demetrios serrait encore dans son poing fermé le foulard de soie orange qui était le symbole de la faveur que lui avait accordée Myriah Hawk. Que répondre à cela ? Elle n’avait pas vocation à être conseillère dans des affaires de cœur ! et elle aurait été bien mal placée pour l’être… Dans les rues des villes, les miséreux avaient une façon de vivre l’amour bien plus prosaïque que celle qu’on trouvait dans les contes de chevalerie, et depuis qu’elle avait revêtu sa robe de septa, elle confinait ses sentiments dans une sorte de tiroir à fantasmes qu’elle gardait soigneusement fermé : après la vie qu’elle avait eue, elle n’était pas prête à risquer la sécurité que lui assurait le statut de septa pour des questions de sentiments ou de désir.
Il aurait été tout aussi délicat pour elle de s’improviser conseillère diplomatique de la maison Palamede, mais une chose était sûre : le jeune Lord n’avait pas intérêt à conclure un mariage avec Myriah Hawk s’il espérait éviter la propagation et la perpétuation de l’histoire de son humiliation, pour l’instant encore essentiellement confidentielle. Pour lui faire oublier l’élue indigne de son cœur, était-il opportun de l’encourager à rechercher plutôt un mariage avec Lindzy Wight pour poursuivre les projets d’alliance de son frère ? Elle ignorait la position de Grey sur ces questions et l’état actuel de ses ambitions, et elle n’osait pas risquer de pousser les Palamede dans une direction qui serait contraire aux intérêts des Archelon.
« Puis-je avoir un mot avec vous, septa ? » Theodora Palamede était apparue derrière elle pendant qu’elle réfléchissait à sa réponse, et la dispensa d’en trouver une. Eleanne se tourna vers Demetrios pour recueillir son consentement, mais le jeune seigneur s’était entretemps redressé, dirigeant son visage vers les ténèbres pour dissimuler ses larmes : elle considéra ce geste comme un assentiment.
« Ma Dame », répondit-elle humblement en se levant pour faire face à Theodora.
Celle-ci s’éloigna de quelques pas, et Eleanne la suivit jusqu’à un coin d’ombre derrière l’autel de l’Etranger, à l’écart des autres occupants du septuaire. Puis lorsqu’elles furent hors de vue, Theodora se retourna vivement vers elle, faisant voler dans son sillage sa longue chevelure de miel ambré.
« Avez-vous trouvé mon frère réceptif à vos prêches ? » Le ton, comme l’expression de son visage et de son corps tout entier, était accusateur.
« C’est-à-dire que… j’étais présente pour votre frère avant tout par mon écoute, Ma Dame. »
Les lèvres de Theodora étaient pincées, comme si elle s’empêchait de les retrousser pour dévoiler ses crocs. Elle était un tout petit peu plus petite qu’Eleanne et elle avait des traits de poupée, mais elle semblait animée là de plus de fureur qu’une meute enragée et Eleanne se demanda si elle l’avait attirée dans ce coin d’ombre pour la passer à tabac. Theodora resta néanmoins parfaitement digne, malgré la colère qui sourdait de son corps toute entier. Elle poursuivit du même ton accusateur mais mesuré :
« Le moment n’était peut-être pas encore venu ? Mestre Narses nous a fait lire des précis sur l’art de la rhétorique, et de l’influence. La question de la mesure et du rythme en était une des clés. »
« Ma Dame, permettez-moi de dire que je ne crois pas mériter votre colère et que je ne la comprends pas. Si vous souhaitez que je quitte les lieux pour vous permettre de vous y recueillir sereinement, je m’exécuterai sur-le-champ », se contenta de répondre Eleanne, sincèrement confuse.
La réponse tordit le sourire de Theodora en une grimace cynique.
« L’humilité, la piété, la dévotion… Quelle trouvaille que cette robe de septa ! »
Le cœur d’Eleanne manqua un battement et une vague de chaleur glaçante la traversa comme une lame. Le moment de vérité était-il arrivé ?
« Qui pourrait voir le mal dans un homme qui voyage accompagné d’une septa ?… Voilà le paravent parfait derrière lequel s’agiter en coulisses !
Et nous qui nous avancions en faisant étalage de notre richesse et de notre puissance… ! Nous n’avons fait que peindre la cible pour que les lanceurs de couteaux nous assassinent ! »
Avait-elle perdu la raison ? Eleanne lui trouva pour la première fois un air affolé, remarqua la pâleur de son visage et le rosé de ses joues en contraste ; une moiteur imperceptible sur son front, sur sa gorge. Elle s’aperçut qu’il y avait du sang séché sous ses ongles, et espéra que ce n’était que celui de Lord Elias.
Elle aurait peut-être dû avoir peur de se trouver face à cette démence, mais Eleanne retrouva au contraire son souffle en entendant l’orage s’éloigner d’au-dessus de sa tête : Theodora ne faisait que déverser aveuglément sa colère. Elle se débattait dans le noir contre des lames dont elle pensait qu’elles étaient pointées vers elle, mais elle fantasmait ses adversaires, et ne tenait rien de concret qui la concernât, elle.
« Vous faites erreur si vous pensez que nous avons pris quelque part que ce soit à votre malheur, Ma Dame. Nous ne sommes pas vos ennemis. »
« Non ? » interrogea-t-elle avec une naïveté outrée. « Peut-être en effet n’avez-vous aucun grief particulier envers nous. Peut-être ne sommes-nous que l’un des obstacles sur la voie de votre ascension, destinés à être écartés d’une façon ou d’une autre, quelle que soit la méthode. »
« Notre… ascension ? »
« La construction est subtile, et il m’a fallu en être victime pour que j’en voie enfin la trame. Cette méthode est sans doute la meilleure, et nous avons été bien imprudents de nous exposer si ouvertement.
Retirer les obstacles, un par un, sans paraître y toucher. C’est ça, que nous aurions dû faire, bien sûr. Comme vous. Mais nous ne jouons pas avec les mêmes cartes… Nous étions en position de force, à quoi aurait rimé d’éliminer des rivaux ? Nous voulions conquérir des alliés ! » L’éclat de sa voix se répercutait sur les parois du septuaire.
« C’est en allant pleurer comme une enfant devant le terrain de joute que j’ai compris : le tournoi, comme analogie. Vous avez fait disparaître vos rivaux les uns après les autres, sur la lice comme au château. »
Elle plongea des yeux enfiévrés dans ceux d’Eleanne.
« Dites-moi, Ser Marlon se désistera-t-il à son tour en finale ? »
Eleanne ouvrit de grands yeux : elle ne comprenait rien à ce tombereau d’accusations. Theodora poursuivit son délire, sa voix à présent moqueuse.
« La négociation est toujours en cours, peut-être ? Avoir offert aux Lockhart le mérite de la plus belle prise lors de la petite partie de chasse n’a peut-être pas suffi à les mettre dans la main de votre seigneur. C’est tout de même une chose importante pour un chevalier, la victoire dans un tournoi. Avoir ouvert les portes de la finale a Ser Marlon lui a peut-être donné faim de plus. »
Eleanne se prépara à partir : l’échange avait suffisamment duré et il ne leur rendait service ni à l’une, ni à l’autre. C’était la douleur qui s’exprimait à travers ces accusations haineuses, et Theodora retrouverait certainement son calme et sa dignité une fois laissée en paix. Mais la jeune femme perçut son intention, avec un instinct quasi animal : elle se déplaça avec elle, comme pour un pas de danse, lui bloquant le passage.
« Il y a d’abord eu cet accident dans les écuries. Ça a fait un peu parler, mais personne ne pouvait y voir une machination : si quelqu’un était responsable de l’accident, c’était Ser Barthelme Senjak, et qu’avait-il à gagner à l’élimination de Ser Robar Royce ? Sauf que… Ser Robar éliminé, c’est votre maître d’armes qui a pris sa place dans le tournoi.
Senjak était votre pion, n’est-ce pas ? Après avoir offert une place à Ser Mickolas, vous avez fait sortir Senjak de la compétition pour permettre à Ser Grey de passer sereinement le deuxième tour. Et qu’adviendra-t-il ensuite… ? Votre maître d’armes affrontera-t-il le fils de son seigneur, ou se désistera-t-il à son tour ?
La réponse est évidente. Voilà Ser Grey Archelon en finale du tournoi en n’ayant livré qu’une seule joute, contre un compétiteur dont c’était le premier tournoi ! »
Eleanne avait suivi le tournoi avec une certaine distance, mais elle n’avait prêté aucune attention au tableau des appariements proprement dit. A présent que Theodora lui pointait les faits du doigt, il apparaissait effectivement que Grey allait se retrouver propulsé en finale par un concours de circonstances invraisemblable.
« Mais vous avez vu mon frère. Vous l’avez vu jouter, et vous avez vu sa détermination. Il n’y aurait pas de victoire contre lui : pas de manigance pour le faire se retirer, et aucun espoir de l’emporter à la loyale. Alors vous avez décidé de supprimer l’obstacle, tout simplement. Une première tentative manquée, lors de la partie de chasse ; puis une seconde, en le faisant accuser d’assassinat contre Lord Jakob.
Et voici à présent le chemin dégagé pour votre ami Ser Marlon Lockhart. Ser Marlon Lockhart, qui est le cousin de Lindzy Wight et ne demandera donc pas sa main, qu’il remporte le tournoi ou non.
C’est ça, le marché ? A lui le tournoi, à Grey l’alliance avec les Wight ?
Ou bien vous faut-il toutes les victoires ? Ser Marlon se laissera-t-il tomber de selle pendant la finale, en remerciement de quelque faveur, ou par crainte de quelque révélation calomnieuse ? »
Eleanne avait plusieurs fois ouvert la bouche pour tenter de répondre, mais rien n’aurait pu arrêter le flot des accusations de Theodora. Et en acceptant de se placer de son point de vue… Eleanne se rendait bien compte que la théorie paraissait effectivement plausible.
Rien de ce qui était arrivé pendant le tournoi n’avait été planifié par Grey à sa connaissance, mais il se retrouvait bien, en définitive, en situation de remporter le tournoi, ou de briguer la main de Lindzy Wight qui avait été implicitement promise au vainqueur. Mais si Grey n’était pas responsable de cette suite d’événements qui lui était si favorable, qui ? Qui pouvait avoir intérêt à placer Grey dans cette situation, s’il y avait bien une intelligence derrière tout ça ? Ser Marlon Lockhart ? S’il était impliqué, il dissimulait bien sa fourberie parce qu’il s’était toujours comporté en public comme un authentique modèle de chevalerie.
Tout n’était manifestement pas dû qu’au hasard, mais avant que Theodora ne le formule comme elle venait de le faire, Eleanne n’avait pas eu conscience de ce à quoi cette suite improbable d’événements aboutissait. Mais pourquoi aurait-on voulu promouvoir Grey ou Marlon Lockhart, malgré eux ? Le fait que personne d’autre ne semblait profiter de ces incidents en cascade rendait le point de vue de Theodora d’autant plus plausible, si on ignorait l’innocence de Grey. Elle resta longtemps silencieuse et, étonnamment, Theodora aussi.
« Le tournoi est mort avec Lord Elias, Ma Dame », fit finalement observer Eleanne. « On ne disputera pas de finale après ce qu’il s’est passé. » Cette constatation invalidait la théorie de Theodora, et quelque chose vacilla dans son attitude. « Votre frère s’est soumis au jugement des Sept, et il a été jugé par eux. Coupable. Condamné à mort.
Mais il n’y a pas de gagnant ici : nous sommes tous victimes de ce drame. Vous certainement plus que tout autre, Ma Dame, et je comprends votre douleur », conclut-elle en joignant ses mains sur sa propre poitrine en un signe d’empathie. Theodora ne le reçut pas comme tel.
« Oh non, vous ne comprenez pas », souffla-t-elle entre ses dents serrées. « Vous ne savez pas ce que c’est, d’avoir été là où j’étais, admirée dans la lumière… et de se retrouver là où je suis, foulée aux pieds dans le caniveau… comme… ça ». Elle voulut faire claquer ses doigts, mais leur frottement ne produisit aucun son et elle referma aussitôt sa main en un poing de frustration silencieuse.
Eleanne laissa retomber sa tête tristement.
« Je prierai la Mère d’accorder la paix à votre âme, Lady Theodora ; à vous ainsi qu’à votre frère. Et mes prières seront sincères. »
Elle contourna la jeune femme, qui cette fois ne lui fit pas obstacle, et se dirigea vers la sortie du temple. Dans l’ombre derrière elle, Theodora restait figée, silencieuse et pâle comme les statues qui la dominaient.
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