Lord Lyonel Corbray venait tout juste d’être démonté par Ser Marlon Lockhart quand l’attention de Mickolas, debout en lisière des lices, fut attirée par l’animation qui semblait gagner les serviteurs de Lord Alleister Wight.
L’enclos où se tenaient les joutes était situé à une centaine de mètres du château. De là où il se tenait, Mickolas pouvait voir qu’un petit attroupement s’était d’abord formé derrière l’entrée de la forteresse -dont les portes étaient pour l’heure grandes ouvertes-, avant que plusieurs serviteurs ne se lancent dans de nombreuses allées et venues à l’intérieur puis à l’extérieur de l’enceinte. Puis, l’intendant de Lord Alleister était allé trouver son maître jusque dans sa tribune pour lui parler à l’oreille.
Mickolas s’était alors dirigé vers le château pour comprendre ce qu’il se passait, précédant le seigneur Wight qui s’était levé de son siège et s’excusait auprès de ses invités d’honneur de devoir leur fausser temporairement compagnie.
Suivant les signes d’agitation pour remonter à leur source, Mickolas atteignit rapidement l’écurie, où palefreniers, écuyers et même chevaliers se mêlaient en ordre épars.
Deux hommes en armes étaient à terre. L’un, complètement étendu et visiblement inconscient, arborait sur son armure le blason et les runes de la maison Royce. Mickolas reconnut Ser Robar, le fils aîné de Lord Yohn Royce : le jeune homme s’était déjà attiré une petite renommée en tant que jouteur en atteignant les phases avancées lors de tournois mineurs dans le Val et alentour. Le côté de sa tête était enturbanné d’un linge blanc où perçait un minuscule point sanglant. A quelques pas de lui, assis à terre mais adossé à une stalle, un chevalier dont la présence en ces circonstances causa instantanément un indéfinissable malaise chez Mickolas : Ser Barthelme Senjak, le visage souillé par la poussière et la paille qui jonchait le sol de l’écurie, et qui se tenait le crâne d’une main gantée de fer.
« Que s’est-il passé ici ? », interrogea Lord Alleister en arrivant à son tour sur les lieux et en découvrant la scène.
Mickolas avait imaginé une bagarre entre les deux chevaliers, mais le palefrenier, un grand type aux cheveux couleur de chaume coupés au bol, le détrompa en bredouillant :
« J’chuis navré m’seigneur. La bête s’t’emballée alors qu’j’la sortais, e’ s’est mise à s’cabrer et à ruer dans t’les sens, l’a tapé les deux seigneurs qu’sont là. »
Alleister Wight considéra la situation d’un œil grave, le sourcil froncé. Deux invités blessés -peut-être même grièvement- durant ses festivités, ce n’était naturellement pas une bonne nouvelle pour leur hôte.
« A qui appartient le cheval ? »
L’animal, toujours tenu en bride par le palefrenier, était à présent redevenu aussi calme qu’un équidé pouvait l’être avec autant de monde autour de lui.
« Je crains que ce ne soit le mien, Milord », annonça Ser Barthelme en se redressant péniblement pour s’adresser au seigneur.
Mickolas prit une profonde -mais silencieuse- inspiration : cette réponse renforçait son pressentiment que tout ceci puait le coup fourré.
« Si votre bête ne peut être contenue, elle n’a rien à faire ici, Ser ! », tonna Lord Yohn Royce, arrivant sur les lieux avec sa propre escorte. Un homme qui devait être son mestre le dépassa pour s’accroupir au côté du jeune chevalier toujours inconscient. Ser Robar étant l’héritier de la deuxième plus puissante famille du Val, si sa blessure s’avérait aussi sérieuse qu’elle en avait l’air, les choses pouvaient s’envenimer très rapidement.
« C’est un cheval fougueux, Milord », tenta d’expliquer Ser Barthelme, « mais ce n’est pas une mauvaise bête. »
Le mestre se tourna à demi vers Lord Yohn, et la grimace qu’il lui adressa n’était pas du meilleur augure.
« Un cheval fougueux, et qui a mutilé mon fils ! Qu’on l’abatte immédiatement ! », gronda sombrement Lord Yohn. Sa sentence fit murmurer entre eux tous les spectateurs de la scène. Abattre la monture d’un chevalier engagé dans la lice, c’était à coup sûr le priver de participer à la compétition.
Dire de Ser Robar qu’il était « mutilé » était clairement excessif : son visage n’était que légèrement ensanglanté. Mickolas avait déjà vu les dommages que pouvait causer une ruade de cheval. Il avait vu des hommes en mourir. Ser Robar ne mourrait probablement pas de sa blessure, mais il ne pourrait sans doute pas participer au tournoi non plus.
La vie d’un cheval pour la privation des honneurs d’un chevalier… Le jugement était cruel, mais il n’était pas inéquitable. C’est sans doute ce qui fit hocher la tête à Lord Alleister, en signe d’assentiment. C’était après tout à lui d’en décider, l’incident s’étant passé sous son toit.
« L’animal doit être abattu », convint-il avec gravité. « Ser Barthelme, exécuterez-vous vous-même la sentence ? »
Les muscles des mâchoires de Ser Barthelme jouaient sous la légère barbe qui couvrait ses joues. Il hocha la tête à son tour, puis tira son épée. A peine eut-il pris le temps d’une respiration, qu’il plongeait déjà sa lame dans le poitrail de la bête, droit vers son cœur. Le cheval hennit de terreur, mais la vie le quitta presque instantanément.
Et ainsi, en quelques secondes à peine, l’affaire fut résolue. Les serviteurs de Lord Yohn Royce emportèrent son fils pour le soigner, et la plupart des curieux qui avaient suivi la scène commencèrent à s’en détourner. Restaient Lord Alleister et son intendant, qui murmuraient entre eux. Le seigneur parut avoir tranché rapidement la question qui les embarrassait, puisqu’il se tourna bientôt vers le chevalier des Terres de l’Ouest.
« Ser Barthelme, vous deviez affronter Ser Dalton Sewell ; nous allons nous mettre en quête d’un chevalier pour vous remplacer dans la compétition, nous ne pouvons pas nous permettre d’annuler deux joutes sur les huit de ce premier tour. »
« Milord, à moins que vous ne souhaitiez punir le chevalier pour sa monture, je n’entends pas quitter la compétition, pour ma part. Je me fais fort de trouver un nouveau destrier avant mon entrée en lice. »
Lord Alleister, son intendant et Mickolas ouvrirent de grands yeux de surprise, mais la réponse parut satisfaire le seigneur, qui approuva de la tête.
« Fort bien, nous compterons donc sur votre présence tout à l’heure. Quant à Ser Robar… Nous pouvons retarder l’heure de sa joute en espérant qu’il se rétablisse, mais il nous faut anticiper la possibilité qu’il ne puisse participer. »
« Les inscriptions pour la joute ont malheureusement été arrêtées bien avant l’arrivée des invités au Château, monseigneur », signala l’intendant. « Aucun autre chevalier n’a apporté d’équipement pour participer… ».
Bien qu’il restât immobile de corps comme de tête, le menton calé dans sa main droite, les yeux noirs de Lord Alleister allaient de droite et de gauche tandis qu’il réfléchissait aux solutions qui s’offraient à lui. C’est alors que son regard se posa sur Mickolas, et que son visage s’éclaira. La main qui tenait la pointe de son menton s’ouvrit en une paume qu’il offrit en direction du maître d’armes.
« Vous, Ser Mickolas ! Si je ne me trompe, vous êtes arrivé hier avec votre armure, n’est-ce pas ? »
Du fait de son rôle de commandant de la garde de Carapace, et en tant que protecteur de Ser Grey pour ce séjour hors de leur foyer, Mickolas portait effectivement toujours sur lui son armure. Pour un homme entraîné comme lui, elle était comme une seconde peau, au point qu’il ne pensait la plupart du temps même plus au fait qu’il en était revêtu. Se tenant là, debout face à ses interlocuteurs dans son haubert et son plastron parfaitement entretenus, il lui aurait été difficile de nier.
« Ma foi… oui, Monseigneur. Mais il s’agit d’une armure de guerre, pas d’une armure de tournoi. »
Paradoxalement, les armures de tournoi étaient en réalité plus lourdes que les armures de guerre, pesant généralement près de trente kilos, parfois jusqu’à quarante-cinq. Elles étaient également plus rigides, moins articulées. Le visage de Lord Alleister prit une teinte de déception inquiète.
« Verriez-vous un inconvénient à participer néanmoins dans cet équipement si nous devions remplacer Ser Robar ? »
Une telle invitation, dans le contexte d’un tournoi de seulement seize places, était particulièrement honorifique : Mickolas savait déjà qu’il ne pouvait pas la refuser sans offenser son hôte.
Mais s’il était désormais maître d’armes, cela faisait des années que Mickolas ne s’était plus entraîné lui-même à la joute : depuis la Rébellion de Robert neuf ans plus tôt, il était devenu un véritable homme de guerre, et ne s’était plus livré à ces simulacres de combats, bien absurdes pour qui avait dû en livrer d’authentiques.
« Ce serait un très grand honneur, Lord Alleister », fut la seule réponse qu’il put néanmoins émettre.
Alleister hocha la tête avec un sourire de satisfaction affirmé : son problème était résolu.
« Parfait, messers. Je vous invite alors à vous préparer, car les jeux se sont poursuivis pendant notre absence. Je m’en retourne pour ma part vers les lices. » Et après un salut de tête tout militaire, il les quitta en tournant aussitôt les talons.
L’attitude du jeune seigneur révélait sa rectitude et son souci d’efficacité, deux traits que Mickolas jugeait indispensables chez tout meneur d’hommes. Il espérait que son propre élève ferait preuve des mêmes qualités quand son tour viendrait de diriger la maison Archelon.
Revenant à ses préoccupations personnelles, il s’inspecta lui-même rapidement, et constata qu’il n’aurait à ajouter à sa tenue actuelle que ses éperons, sa cervelière et son heaume pour être équipé ; son cheval en revanche n’était pas du tout préparé. Il regretta le choix fait par Lord Hayden de n’envoyer qu’une délégation réduite au plus strict minimum : il lui faudrait aller chercher lui-même dans ses quartiers ses pièces d’armures complémentaires, tandis que ce serait le palefrenier local qui s’occuperait de sa monture. Il donna au garçon ses instructions, et regagna la tour de Lord Jakob au pas de course.
Lorsqu’il revint vers les lices un quart d’heure plus tard, tenant son destrier par la bride, il croisa deux chevaliers en armure qui rejoignaient à pied leurs pavillons respectifs, dressés entre le château et le champ où les compétiteurs s’affrontaient. L’un des deux avait conservé sur sa tête son heaume peu ornementé, qui dissimulait entièrement ses traits. Sur son bouclier trônaient trois ours dressés sur leurs pattes arrière.
Le matin-même, lorsqu’il avait découvert ce blason, Mickolas avait interrogé les organisateurs pour savoir quelle était la maison représentée par ce chevalier car il ne l’avait jamais vu auparavant. Il lui avait été répondu que nul ne connaissait ce participant. Il s’agissait d’un « chevalier-mystère », comme en comptaient souvent les tournois : un participant à l’identité inconnue et dont la présence épiçait toujours l’événement, chacun imaginant mille personnalités possibles.
L’hypothèse qui était aussitôt venue à l’esprit de Mickolas était qu’il s’agissait du fameux Seth Wight, frère de Lord Alleister disparu peu de temps après que ce dernier ait pris la succession de leur père… Quelle meilleure tribune qu’une victoire lors du tournoi, devant toute la noblesse du Val, pour clamer sa légitimité à reprendre à son jumeau le contrôle de leur maison ?
L’idée paraissait tout à fait plausible, et si le chevalier-mystère devait effectivement l’emporter, sa victoire aurait des conséquences totalement imprévisibles pour les Wight, et peut-être même pour la région : un conflit diplomatique, voire une véritable guerre, pouvaient-ils éclater dans ce petit coin du Val ?
En acceptant la présence de ce participant mystérieux, aux motivations inconnues, Lord Alleister avait accru la popularité de l’événement qu’il avait organisé pour célébrer son intronisation. Il avait peut-être aussi pris un risque considérable pour le pouvoir qu’il visait justement à légitimer.
Le chevalier aux trois ours l’avait-il emporté dans sa première joute ? Impossible de le dire à la seule vue de sa silhouette anonyme qui filait prestement. S’arrêtant devant le pavillon des Corbray, Mickolas vit l’expression de Ser Lyn, tandis qu’il se faisait retirer son armure : il y lut l’agacement, la colère, le dépit. C’était le visage d’un homme qui venait d’essuyer la défaite.
Ainsi, analysa Mickolas, avec l’élimination de Lord Lyonel plus tôt dans la journée, la maison Corbray ne comptait déjà plus de représentant dans la compétition.
Lyn Corbray était pourtant réputé fin combattant, car il avait hérité de Dame Affliction, l’épée ancestrale de sa famille, lors de la mythique bataille du Gué aux Rubis. Mais briller à la guerre et remporter une joute étaient deux choses bien différentes, comme le savait pertinemment Mickolas. Lui-même sentait qu’il risquait fort de partager le sort de Ser Lyn s’il devait effectivement entrer en lice, tout maître d’armes qu’il fût.
Lorsqu’il rejoint le champ de joute, les deux compétiteurs suivants étaient en train de saluer le public et leur hôte.
Le plus jeune des deux était un damoiseau aux cheveux châtains bouclés, plutôt beau garçon et dont les traits lui parurent familiers. Il comprit d’où lui venait cette impression en découvrant l’aigle doré qui ornait les faces de sa cotte de soie cramoisie : c’était le frère du Lord Elias Palamede et de la charmante Theodora.
Domenique…? Danterio ? Demetrios, avait dit sa sœur.
Le jouvenceau s’était approché de la tribune des dames, et il avait offert une rose à une jeune Dornienne aux beaux yeux clairs, qui l’avait acceptée en souriant. Elle avait attaché en retour à la pointe de sa lance un foulard représentant sa faveur.
Une agitation amusée commença de se propager dans les tribunes, et l’adversaire de Demetrios se racla la gorge de façon ostensible et exagérément sonore. C’était un homme plus âgé, massif, aux cheveux courts d’une blancheur éclatante.
Lord Alleister s’était levé. Depuis son promontoire, les deux mains sur la rambarde, il interpela ce dernier d’un ton joyeux :
« Il semble que votre fille vous préfère votre adversaire, Lord Estevan ! »
A quoi répondirent les éclats de rire de toute l’assemblée.
« Je vous prie de croire que lorsque je démonterai ce damoiseau, ce ne sera pas l’expression de ma désapprobation, Lord Alleister ! »
Et les rires de redoubler. Si la jeune fille partageait la bonne humeur générale, le visage de Demetrios en revanche avait pris une expression outrée, et une teinte proche de celle de sa cotte. Il adressa un dernier regard à la Dornienne, puis enfila son heaume.
Chacun des deux chevaliers rejoignit son extrémité de la lice, et le silence se fit progressivement. La disproportion physique entre les deux hommes était telle que Mickolas ne donnait pas cher des chances du jeune Ser Demetrios. Engoncé dans une armure qui semblait doubler sa masse, le Dornien face à lui ressemblait à une forteresse à cheval : déséquilibrer un tel roc demanderait une puissance folle. A l’inverse, l’impact de la lance du jeune chevalier sur l’armure énorme pourrait être suffisant pour le projeter, lui, à bas de sa monture…
L’étendard fut abaissé, et les éperons s’enfoncèrent dans les flancs des deux chevaux, les projetant en avant, l’un vers l’autre, sans que plus rien n’existât autour.
Comme souvent, à l’instant de la rencontre, le bris du bois des lances fit pousser un hoquet de stupeur à la foule. La lance du Dornien avait touché son adversaire en pleine poitrine, et Demetrios était parti à la renverse, ses épaules allant jusqu’à se coucher sur la croupe de son alezan. Mais le jeune homme fit preuve d’une indéniable maîtrise en conservant néanmoins son assiette, et en se redressant en fin de course pour brandir fièrement son poing. La foule acclama ce bel échange, tandis qu’une nouvelle lance était tendue au Dornien pour le deuxième assaut. Celle de Ser Demetrios était restée intacte, ce qui constituait un avantage pour son adversaire : si aucun des deux jouteurs ne devait être démonté au terme de 7 courses, ce serait celui qui aurait brisé le plus de lances qui serait désigné vainqueur.
Lord Estevan n’entendait visiblement pas attendre jusque-là : il chargea de nouveau, lance parfaitement orientée vers la poitrine de son vis-à-vis. Ce dernier dévia la pointe de la lance d’un mouvement de son bouclier, mais concentré sur ce mouvement défensif, il ne parvint pas à atteindre non plus le Dornien : l’échange était nul. Les deux hommes se saluèrent à nouveau depuis leur extrémité respective de la lice. A la pointe de la lance de Demetrios flottait toujours le foulard orange de la fille de Lord Estevan.
Ils se croisèrent encore une fois, puis deux, sans parvenir à se départager.
Le tonnerre des sabots retentit pour la cinquième fois, et les jouteurs se croisèrent cette fois plus haut sur le terrain du Dornien : pour puissante et racée que fut sa monture, un « cheval des sables » de Dorne à la robe rousse, celle-ci commençait à souffrir manifestement du poids de l’homme et de son armure. Les deux lances atteignirent leur cible, et se brisèrent presque simultanément dans un nuage d’esquilles de bois. Les épaules des deux chevaliers furent projetées en arrière, celles de Lord Estevan légèrement de côté.
Le déséquilibre le fit glisser très lentement, comme au ralenti, jusqu’à ce qu’il ne puisse plus tenir en selle. Il s’abattit au sol dans un lourd fracas métallique, sous les vivats du public.
De l’autre côté de la lice, Ser Demetrios avait pour sa part de nouveau réussi à rétablir son assiette, et il se tenait fièrement sur sa monture, brandissant sa lance brisée. Il releva sa visière pour révéler un large sourire triomphant, et son regard parcourant la foule se riva bientôt à celui de la fille qui lui avait donné sa faveur.
Si Mickolas avait bonne mémoire, cette victoire de Ser Demetrios signifiait qu’il affronterait au prochain tour son propre frère et seigneur, Elias : l’occasion pour le jeune chevalier de prouver sa valeur, s’il était capable de surmonter cette pression toute particulière.
Par ses talents de cavalier, il avait montré en tout cas qu’il ferait partie des compétiteurs à surveiller dans ce tournoi, ce que Mickolas n’avait pas manqué de noter… Car c’était à présent son tour d’entrer en scène, comme vint le lui confirmer l’intendant de Lord Alleister : Ser Robar ne se remettrait pas à temps de sa blessure pour participer à la joute.
Un pied dans l’étrier, Mickolas se hissa donc lestement sur le dos de son cheval, et partit au pas se poster à l’endroit où il était attendu. Après quelques minutes d’attente qui lui parurent le double, le héraut lança son appel :
« Ser Connor Wight, de Château-Brillant ! Avancez-vous, et prouvez votre valeur ! »
L’entrée du frère du seigneur du château fut saluée par un formidable concert de cris et d’applaudissements : cette belle démonstration de popularité acheva de convaincre Mickolas qu’il n’aurait pas le public en sa faveur, ce à quoi il ne s’était de toute façon pas attendu.
Ser Connor était le chevalier qu’ils avaient observé à leur arrivée, s’entraînant au tir à l’arc dans la cour du château devant un parterre de seigneurs et de dames qui semblaient apprécier ses talents d’archer. Mickolas s’estimait lui-même un archer décent, et il espérait qu’il aurait plus tard l’occasion de montrer ses talents dans ce domaine pour compenser sa probable défaite sur le champ de joute, où il était bien moins dans son élément.
La barbe et les cheveux de Ser Connor étaient d’un blond tirant sur le même roux que ceux de sa sœur Lindzy, et son visage agréable comme son expression joyeuse rappelaient avec évidence leur parenté. Il n’avait en revanche que peu de traits communs avec ceux d’Alleister, plus mince et bien plus sombre.
Le chevalier s’accorda un tour de piste complet pour saluer tous les spectateurs avant de se poster aux pieds de la tribune où siégeaient ses frères et sœurs.
Plongé dans ses pensées, Mickolas avait dû manquer l’appel de son nom, car ce furent des serviteurs qui le pressèrent d’entrer à son tour après un instant de flottement. Il allait lui falloir se reconcentrer s’il voulait éviter de se ridiculiser devant toute la foule qui le dévisageait à présent. Il adressa quelques signes de tête aimables à une poignée de visages anonymes choisis au hasard dans l’assemblée, certains parmi le peuple, plusieurs parmi les dames, tout en se dirigeant calmement, droit vers la tribune. Ser Connor et lui se saluèrent d’un sourire avant de se séparer.
Parvenu à son extrémité de la lice, Mickolas fit volter son destrier noir réglisse, puis enfila son heaume, en essayant de se mettre dans l’état d’esprit du guerrier qui allait livrer une véritable bataille.
« Celui qui hésite a perdu », s’encouragea-t-il comme s’il s’était agi de conseiller son élève. Puis, faisant le vide dans son esprit, il se concentra sur l’étendard brandi par le héraut et rabaissa sa visière, restreignant brutalement son champ de vision à ce couloir qui le séparait de sa cible, et à la distance qu’il lui faudrait parcourir pour l’atteindre.
Le drapeau s’abattit, et Mickolas s’élança.
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