– C’est la première fois que nous allons entrer là-dedans. C’est un peu intimidant.
– C’est un logement commun comme un autre, tu sais. Kylio et Valène aussi vivent ici, ainsi qu’Untrill.
– Oui mais ce n’est pas pareil.
Habituellement, après avoir monté les escaliers et gagné l’étage et son long couloir, les trois collègues ne réfléchissaient pas et rejoignaient la porte qui menait à leur propre salle commune, soit la première. Pourtant, cette fois, ils avaient poursuivi leur chemin pour faire face à la seconde. Une telle idée ne leur aurait jamais traversé l’esprit puisqu’ils n’étaient pas suffisamment proches de leurs autres collègues pour songer à s’y rendre et à leur rendre visite. Ce jour, une raison justifiait un tel acte ; le Docteur Rocombell elle-même les y avait invités. Pourquoi ? Les trois compagnons avaient déjà une petite idée. Ce ne pouvait qu’être lié au souci qu’ils observaient actuellement, à savoir l’état de la fosse et les modifications thermiques de l’eau. Si les hypothèses de Kreya et de Moriss n’allaient pas plus loin, Lionel s’était davantage penché sur la question et craignait obtenir confirmation. La cheffe de l’équipe suspectait-elle une intervention quelconque de la part d’un membre de son équipe et prévoyait-elle de les interroger ensemble en premier lieu, avant de basculer vers une enquête officielle, afin de tâter le terrain ? Cette perspective le terrifiait et en même temps il se sermonnait, essayant de se persuader que son angoisse amplifiait cette certitude infondée et qu’à ce jour, rien ne permettait de relier l’incident à autrui et encore moins à lui. Qu’elle soupçonnât l’un d’entre eux voire lui-même était donc peu probable. Ils ne connaissaient que peu de choses de ces fonds et presque rien de sa végétation. Cependant, la réunion à laquelle avait participé Bérénice ne datait que de quelques heures et de ce fait, Lionel ne pouvait s’empêcher d’y voir là un lien avec cette invitation surprenante. De quelle nature ? Aucune autre idée ne lui venait à l’esprit. A moins que ce ne fût rien de plus qu’une initiative pour rapprocher l’ensemble des membres de l’équipe ? Etant donné les circonstances, aucun des trois n’y croyait réellement, sans compter qu’ils occupaient leurs postes depuis quelques semaines déjà sans qu’il n’y eût rien eu de ce genre.
– Hey, vous êtes arrivés en avance, il est encore tôt ! s’exclama la voix amusée de Mara tandis qu’elle s’approchait d’eux.
Lionel lui sourit et ignora ceux goguenards de la theris et du darnien alors qu’il se retournait vers elle et que Mara vint se placer près de lui. Du trio, Lionel était celui qu’elle connaissait le mieux et dont elle s’était rapprochée, au contraire des deux autres à qui elle avait à peine parlé. Ces derniers aimaient détourner les faits et s’en imaginer des plus plaisants. Lionel retint un soupir à cette pensée. Il était peut-être un peu tôt pour qualifier Mara d’amie, mais ce n’était sans doute qu’une question de temps. Pour l’heure, ils partageaient une relation strictement amicale et cordiale à la grande déception des deux autres.
– Tu es un peu pâle non ? Ca ne va pas ?
– Pardon ?
Lionel s’extirpa de ses pensées et se rendit compte qu’une fois encore, Mara venait de parler. Elle le fixait avec une lueur d’inquiétude dans le regard. Lionel retint une grimace. Bien qu’ils ne se connussent que depuis peu, il avait déjà eu le temps de constater que malgré les apparences, Mara était très observatrice. Un peu trop sans doute. Il s’aperçut qu’en réponse, Kreya et Moriss s’étaient mis à le scruter avec curiosité. Il se tendit, anxieux. Il n’avait pas besoin de cela.
– Je te demandais si tu allais bien, tu es plutôt pâle, reprit Mara en fronçant les sourcils tout en continuant de le jauger avec insistance. Tu sais, si ça ne va pas, je suis sûre que Bérénice et les autres comprendront que tu veuilles te reposer et –
– Ce ne sera pas la peine, je vais bien. Ne t’inquiète pas, répliqua-t-il, rassurant.
Son absence le rendrait encore plus suspect. Elle afficha une moue sceptique.
– Sûr ?
– Oui, fit-il en acquiesçant.
Le silence de ses amis devenait pesant. Il imaginait facilement leurs esprits entremetteurs en train de bouillonner interpréter la scène à leur sauce. Au mieux, ils s’arrêteraient à des allégations romancées aussi inutiles qu’infondées. Au pire, ils iraient plus loin.
La porte coulissa devant eux pour céder le passage à Kylio. Le theris était si grand que la hauteur de la porte ne surplombait son crâne lisse que de quelques centimètres. Sa tenue décontractée, constituée d’une tunique beige sur un legging à la teinte plus claire, détonnait tant avec la rigueur de son uniforme qu’ils tiquèrent. Le secrétaire s’arrêta brusquement lorsqu’il les vit, avant de se cogner contre Lionel qui se trouvait juste devant lui. Il les regarda tour à tour, intrigué.
– Vous êtes déjà là ?
– Comme tu peux le voir, ironisa Mara en croisant les bras, moqueuse.
Kylio secoua la tête et rougit, gêné, avant de se décaler pour leur laisser le passage.
– Je suis désolé, j’aurais dû vous proposer d’entrer d’abord. Mais vous êtes venus tôt ; le Docteur Rocombell ne devrait pas arriver avant une dizaine de minutes.
Le petit groupe pénétra à l’intérieur de la pièce avec curiosité en prêtant à peine attention aux paroles de leur interlocuteur qui avait pris leur suite. Comme Bérénice vivait là, le trio d’amis, fraichement arrivé, s’était attendu à beaucoup de choses concernant ce logement : des aménagements et des options supplémentaires, des pièces plus grandes, un cadre plus agréable encore et surtout plus luxueux ; or il n’en était strictement rien. La salle commune était la copie conforme de la leur, si ce n’était que l’ambiance de celle-ci était dans les tons vert et eau. Hormis cela, les mêmes modèles de meubles avaient été disposés, comme les éléments de décoration et la literie. Seules les plantes en pot y étaient plus nombreuses.
Une moue moqueuse recouvrit les traits de Mara tandis qu’elle étudiait leur surprise dépitée et leur immobilité à mesure qu’ils scrutaient les lieux. Elle se retint de ricaner et gagna le canapé le plus proche d’un pas nonchalant avant de s’y affaler. Il n’y avait personne d’autre dans la pièce hormis eux. Ils ne s’interrogèrent que vaguement sur l’absence de Valène et d’Untrill.
– Tu sais pourquoi Bérénice nous a convoqués ? demanda Kreya à Kylio alors que Moriss et Lionel prenaient place à leur tour sur le canapé.
Lionel s’assit à côté de Mara et il se retint de rouler des yeux en voyant la satisfaction transpirer des traits de Moriss. La jeune femme bailla et étira ses jambes avant de se laisser glisser un peu, adoptant une position plus vautrée. Une de ses jambes vint coller celle de Lionel ; le sourire de Moriss s’agrandit. La cible plissa les yeux, agacée.
– Pas vraiment, non, répondit Kylio en gagnant un fauteuil avant de lever la main pour malaxer son front avec ses doigts. Elle m’a juste dit que la réunion s’était révélée peu satisfaisante et que des mesures seraient nécessaires à prendre à notre échelle puisque les hautes instances du Projet sont plutôt frileux quant à mettre en place les mesures qu’elle juge nécessaire. Elle a également évoqué la possibilité qu’elle soit moins disponible ces prochains jours. Je suppose qu’elle voudra discuter de tout cela.
Lionel se tendit à ces propos. Ils avaient réveillé la crainte qui sommeillait en lui pour se distiller dans son esprit, plus virulente que jamais. Personne ne s’en rendit compte.
– Tu ne souhaitais pas sortir, au fait ? Quand on t’a croisé, demanda Mara d’un ton badin.
Kylio haussa les épaules.
– Oui, mais ce n’est rien d’important. Je pensais faire un simple aller-retour à l’infirmerie mais tout compte fait vous tombiez bien, j’aurais certainement été en retard. J’irai tout à l’heure.
– Mal de tête ?
Maux le plus commun sur cette planète avec les problèmes respiratoires. Question d’acclimatation. Kylio acquiesça.
– Oui mais la migraine est légère. Elle devrait finir par passer d’elle-même – enfin je l’espère.
Mara acquiesça vaguement, peu intéressée par sa réponse. Son attention dérivait déjà vers son environnement comme si elle y cherchait quelque chose. Elle fit la moue, déçue.
– Pas de distributeur ?
Kylio leva une mine étonnée vers elle.
– Pourquoi voudrais-tu qu’il y en ait un ? Vous n’en avez pas plus non plus.
Mara vivait sur la planète depuis quelques années déjà, alors elle savait qu’il y avait peu de chance d’en trouver au sein du Complexe. Pourtant, elle ne cessait d’espérer tomber sur l’un de leur représentants chaque fois qu’elle découvrait une nouvelle pièce, à l’exclusion des salles d’études et de recherche. Une habitude d’Argos qui avait du mal à disparaitre ; elle avait été une très grande habituée de ces machines durant ses études et son absence avait provoqué un choc pour elle.
Le bruit feutré d’une cloison coulissante attira leur attention et ils tournèrent la tête vers son origine, et donc vers l’une de celles qui donnait sur une chambre. Untrill se dressait à son encadrement, lui aussi vêtu d’une tenue plus décontractée que leur uniforme. Lionel se sentit assez déphasé avec la sienne, plus cintrée. Il n’était cependant pas le seul puisque Mara portait une robe près du corps, droite et stricte, et il se raccrocha à cela pour se sentir moins isolé. Comme Untrill arborait en tout temps une allure professionnelle lorsqu’ils se voyaient, ils étaient plusieurs à s’être attendu à retrouver chez lui les mêmes habitudes que chez le rouquin ; Kreya et Moriss y avaient également pensé. Ses vêtements présents, ainsi que la brève vision à laquelle ils avaient eu droit de sa chambre, étaient aux antipodes de cette croyance. Il partageait davantage de points communs avec Moriss avec un intérieur peu rangé, toutefois pas aussi apocalyptique que le darnien. Un mythe venait de se briser.
– Tiens, déjà là ? fit Untrill en s’avançant dans la pièce, un cylindre doré calé entre deux de ses doigts, encore intact.
Ceux qui le voulurent n’eurent pas le temps de répliquer un Encore ? ironique à la question posée car Kreya les devança.
– Tu fumes ? s’exclama-t-elle d’un ton joyeux.
Elle paraissait si heureuse de s’être trouvé un partenaire de fumée que cela amusa ses collègues. Moriss et Mara gloussèrent, de même que le physiologiste.
– Oui, répondit-il sobrement.
Il rangea la cigarette dans une petite boite avant de glisser cette dernière dans sa poche, comme si leur présence l’avait dissuadé de l’utiliser. Le briquet dans son autre main connut le même sort et disparut de la même façon dans la poche opposée.
– Cela m’arrive de temps en temps, avoua-t-il avant de prendre place à son tour sur l’un des sièges.
Il fit face à Lionel. Il lui adressa un signe de tête en guise de salutation silencieuse avant de river son attention sur son mini-entolon portable emporté avec lui. L’objet calé entre ses cuisses, il se détacha aussitôt de la conversation autour de lui. Le système holographique inactivé, il leur était impossible de déterminer ce qu’il faisait ni si cela était dans un cadre professionnel ou personnel. Encore moins si cela avait un rapport avec la raison de leur présence.
Lionel l’observa avec curiosité pendant quelques secondes avant de cesser avec la même nonchalance que ce dernier. L’attitude tranquille et posée des autres acheva de le détendre lui-même, à défaut d’effacer complètement son inquiétude ; ce n’était pas aussi efficace que la présence rassurante de Jörn mais l’effet était là.
Si Bérénice pouvait finir par oublier la raison de son invitation, ce serait réellement parfait.
– Il manque encore Valène, fit remarquer Mara d’un ton laconique.
– Elle n’est pas dans sa chambre, révéla Kylio sur le même ton.
Le regard rivé vers le plafond, il arborait un air profondément ennuyé sur ses traits.
– Elle est sortie il y a une demie-heure, confirma Untrill en levant les yeux de son écran. Elle n’a pas précisé pourquoi. Mais elle sait que Bérénice souhaite parler à tout le monde, elle ne devrait pas tarder à arriver.
– Bonjour !
La voix profonde n’avait rien à voir avec celle fluette de la collègue dont ils discutaient. Elle causa un sursaut de leur part et se tournèrent vers la porte d’entrée pour en observer la propriétaire, qui n’était autre que Bérénice. La femme d’âge mûr leur sourit avec entrain alors qu’elle s’avançait dans la pièce. Aussitôt, tous les membres de l’équipe à l’exception d’Untrill, plus flegmatique, qui se laissa une nouvelle fois distraire par son entolon en vue de l’éteindre, se levèrent pour céder leur place assise. Bérénice leur fit signe de ne pas prendre cette peine et les invita à se rasseoir. Ils obtempérèrent, dépités. Elle les observa tour à tour, pour constater l’absence de l’un d’entre eux.
– Valène n’est pas avec vous ? Vous savez où elle se trouve ?
– Elle est sortie il y a une demie-heure, elle n’a pas vraiment dit pourquoi, répondit Untrill en calant son mini-entolon portable contre sa jambe. Tu veux que nous l’appelions ?
– Nous pouvons bien attendre cinq minutes, nous ne sommes pas si pressés, répliqua Bérénice en lui faisant signe d’abandonner l’idée. Je dois être partie dans une heure tout au plus, nous avons du temps.
– Dans une heure ? Vous avez encore une réunion à cette heure ? s’étonna-t-il.
Bérénice acquiesça, un air crispé sur son visage.
– Oui, le Directeur en a organisé une autre avec ses propres administrés afin de rediscuter des… dispositions qu’a décidé de prendre les hautes instances du Projet et de celles que nous prendrons de notre côté, conformément à ce qu’ils ont dit. Comme je suis une de ses plus proches collaboratrices, ma présence y est plus que requise.
– On dirait que vous n’êtes pas d’accord avec ce qui a été dit, souleva Kreya, et l’interrogation curieuse sur le visage de ses collègues témoignait de leur accord.
Bérénice poussa un soupir las et un instant, son regard se perdit dans le vide.
– Effectivement, je ne peux rien vous cacher ; non, je ne le suis pas. L’Assemblée prend les événements bien trop à la légère. Nous préconisions une suspension provisoire de certaines de nos activités voire de la totalité afin de se consacrer à la recherche de l’origine de ces troubles mais ils ont refusé ; c’est tout juste s’ils ont concédé à la création d’une cellule d’enquête en vue d’étudier cela mais c’est bien loin de ce que nous espérions. Je dois vous avouer que je suis assez déçue.
Lionel ne sut s’il devait en être rassuré ou craindre davantage pour la suite des événements. Cela signifiait-il donc que les événements dont elle parlait étaient plus graves que ce qu’il avait cru ? Il se sentit défaillir. C’était pire encore que ce qu’il avait imaginé. Etait-il réellement responsable de… ?
— Lionel ? Tout va bien ?
Lionel sursauta et revint à la réalité pour s’apercevoir que cette fois, la question venait d’Untrill. Il constata avec dépit qu’en un instant, il était devenu le centre d’attention. Tous le fixaient désormais avec inquiétude. Il déglutit. Il avait bien envie de répondre que non pour lui donner l’occasion de se réfugier dans sa chambre, comme l’avait proposé Mara quelques minutes plus tôt, seulement ne pas savoir ce qui se dirait à quelques murs de lui aurait un effet bien plus dévastateur. Il se connaissait ; il s’imaginerait toutes sortes de choses et par la suite il interpréterait chaque regard comme autant d’accusations ou de suspicions portées à son encontre. Son environnement se transformerait en milieu hostile. Plus anxieux et renfermé que jamais, il ne lui faudrait pas longtemps pour devenir presque fou. Ainsi, il n’était sûr que ce fût plus souhaitable de rester mais il préféra cette option.
Il secoua la tête en signe de dénégation, dans l’unique but de se défaire de leur attention :
— Si, si, ça va, je… c’est juste de la fatigue.
L’excuse laissa ses collègues perplexes.
— La fatigue ? Nous aurions plutôt observé des cernes et des traits tirés, et ça ne serait pas venu brusquement, rétorqua Mara en se redressant de sorte à mieux observer son visage. Décidément, tu es juste pâle et tu parais… inquiet ?
Les autres n’en pensaient pas moins. Lionel sursauta lorsque la main de Bérénice se posa sur son épaule, mais elle n’était là que dans le but de le rassurer. Il aperçut son visage rassurant en se tournant vers elle.
— Tu n’as pas à te ronger tant les sangs à ce sujet. Même si mes propos laissent penser que ces événements sont graves, nous sommes encore incapables de le certifier avec exactitude. Ce phénomène peut être totalement bénin sur cette planète, pour ce que nous en savons, mais nous préférons jouer la carte de la prudence avant de se confronter à une réelle catastrophe, avant d’atteindre un stade tel qui nous obligerait à évacuer. Nous sommes loin d’en être là.
Evacuer… De ses paroles, Lionel retint essentiellement ce mot. Seraient-ils forcés d’en arriver là ? Lionel hocha la tête pour témoigner de sa compréhension, malgré sa gorge serrée et son cœur palpitant. Elle avait voulu le tranquilliser mais avait obtenu l’effet inverse sans le savoir ; peu convaincu, il était même plus abattu encore qu’avec ses craintes seules. Il n’avait pas été jusque-là dans son propre cheminement de pensée. Risquaient-ils d’être obligés de se résoudre à cette perspective, après tout ce qu’ils avaient fait pour habiter sur cette nouvelle planète, toutes les années qu’il avait fallu sacrifier pour arriver au résultat actuel ? Tout cela balayé par un événement particulier, quelques semaines à peine après leur arrivée ? Une vague sensation d’étouffement le saisit et il se sentit un peu étourdi. Aurait-il réellement réussi à gâcher les efforts de tous et par la même occasion le seul espoir qui s’était présenté à eux ?
Il voulait encore croire que non mais à cet instant, tout son être était pétrifié par cette idée et de fait, il n’arrivait à en envisager une autre.
— Hé, Lionel !
— Ce n’est pas le moment où on devrait l’emmener à l’infirmerie, là ?
Avec difficulté, Lionel se força à se ressaisir et se concentra sur sa respiration laborieuse qu’il s’efforça de rendre silencieuse pour éclipser toutes ces pensées négatives qui l’envahissaient. Après tout, s’ils ne démontraient que de la sollicitude à son égard, cela signifiait qu’aucun soupçon ne pesait encore sur lui. Il se raccrocha à ce constat et après un instant, il réussit à reprendre contenance. Il peina à leur adresser un sourire, plutôt maigre, mais il fit davantage d’efforts pour secouer la tête et ainsi refuser la proposition :
— Ce n’est pas la peine, je n’en ai pas besoin.
Le problème n’était pas physique mais mental, il en avait conscience. Jamais il n’irait se confier à la psychothérapeute du Complexe sur la source de son problème. C’était quelque chose qu’il devait gérer seul. Mais certainement pas le partager avec autrui. Peut-être devrait-il envisager la possibilité de reprendre des anxiolytiques, au moins le temps que durerait le gros de cette crise ? Ou du moins jusqu’à ce qu’il eût quelque chose qui prouverait sa non-responsabilité dans les phénomènes observés.
Seul Untril s’était redressé. Comme personne ne s’était jeté sur lui pour l’emmener auprès du service de santé, il estima qu’il avait réussi à calmer leurs craintes, malgré leurs moues dubitatives. Il pria pour qu’ils en restassent là.
— Lionel, tu devrais peut-être te reposer, insista Mara en posant sa main sur son épaule pour témoigner de sa sollicitude.
Untrill hocha la tête pour appuyer ses propos. Près d’eux, ses deux amis ne dirent rien mais échangèrent un regard entendu. La theris plissa les yeux, incertaine et suspicieuse, et un éclat hésitant passa brièvement dans les yeux de son homologue darnien avant qu’ils ne se remplissent de détermination. Cet épisode ne faisait que raffermir leur volonté à comprendre ce qu’il se passait. Ils se rendaient bien compte que Lionel était de plus en plus obessionnel mais surtout paranoïaque et hyper anxieux, et rien dans cette situation n’était bon pour lui.
— Oui, tu n’as vraiment pas l’air bien.
— Ca va, c’est passé, affirma Lionel en se frottant la tempe.
Il ne s’appesantit pas sur le sujet. Il ne sut jamais si quelqu’un voulut protester à cet instant car le bruit de la porte retentit près d’eux, détournant les regards de lui. Il bénit la personne responsable en faisant de même, pour reconnaitre Valène. La darnienne avait le visage confus à cause de son retard. Lionel l’apprécia encore plus pour cela ; ses excuses balbutiées achevèrent de classer son propre dossier. Il se cala un peu plus confortablement contre le dossier du canapé et étendit ses jambes.
— Je suis désolée, je n’avais pas vu l’heure…
— Ce n’est pas grave, cela ne fait que cinq minutes, répliqua Bérénice avec enthousiasme.
Elle lui fit signe de les rejoindre. Comme elle, Valène dut se contenter de la position debout, et cette fois seul Kylio fit mine de se lever pour lui céder la place mais elle refusa d’un signe de tête. Il se rassit. Bérénice jeta une œillade vers Lionel mais comme il se montrait désormais plus nonchalant, elle abandonna. Elle s’éclaircit la voix avant de se lancer :
— Je vais aller au plus simple. Je vous ai fait venir ici comme j’aurais pu vous l’annoncer à l’accueil ou dans une salle de réunion mais je trouve ce cadre-ci plus convivial et informel et entre collègues, il est normal de venir de temps à autre dans la salle commune des autres, n’est-ce pas ?
Les quatres membres de l’équipe de l’autre salle la jaugèrent, étonnés, réfléchissant à d’éventuels sous-entendus. Elle poursuivit sur sa lancée sans s’en préoccuper :
— Comme vous l’aurez compris avec ce dont nous avons discuté – sans toi Valène, fit-elle sur un ton d’excuse, nous allons mettre en place un certain nombre de mesures à la suite des événements actuels et cela va forcément passer par… tous les tracas administratifs qui accompagnent cela. Comme vous devez déjà le savoir, jusqu’à ce que je prenne la tête de votre équipe, j’étais l’une des plus proches collaboratrices du Directeur ; ainsi, afin de coordonner au mieux les applications des mesures qui seront prises sur le terrain, j’en viendrai à être moins présente ces prochains jours à vos côtés pour ce qui est de l’avancée de votre mission.
Elle se tourna alors vers Untrill.
— Tout ceci ne se fait pas de manière très officielle mais techniquement, puisque je n’ai pas de chef de mission suppléant, que tu es le plus expérimenté de l’équipe et que tu as déjà été amené à en gérer une à Wilsgaw, je souhaiterais que tu la supervises le temps que les choses se lancent ; ceci fait, je devrais revenir sans plus tarder mais je ne sais pas combien de temps cela prendra et il ne faut pas que cela empiète sur votre mission. Les informations que vous pourriez découvrir nous seront très utiles pour comprendre ce qui est en train de se produire dans la fosse et nous offrira peut-être une solution pour sortir de cette crise. Votre travail est, plus que jamais, crucial.
Untrill acquiesça, le visage impassible malgré la surprise. S’agissant d’une petite équipe, en lui-même il ne se faisait pas de réel souci ; l’expérience qu’il avait, même si elle concernait un champ d’expertise différent, lui suffirait.
Une mine satisfaite transparut brièvement sur les traits de leur supérieure.
— Et concernant les mesures qui vont être prises ? Savons-nous de quelle nature elles vont être ? s’inquiéta Valène.
Bérénice soupira.
— Pas grand-chose vous concernant, pour le moment. Malheureusement, votre charge de travail n’ira pas en diminuant, et vous serez davantage amenés à collaborer avec les autres équipes chargées d’études dans la fosse – peut-être même à des étages supérieurs au nôtre. Dans un ppremier temps, les mesures vont surtout concerner les expéditions et leurs modalités alors, évidemment, nous en serons impactés. Une cellule d’enquête va être mise en place mais là encore, rien n’est encore clairement défini. J’aurai davantage de détails à vous apporter dans les jours à venir.
Elle porta brièvement son regard à son poignet. La réunion était encore loin, elle avait donc le temps. Elle se leva. Son regard erra un instant vers la fenêtre. Au-dehors le temps était clair et invitait à la paresse. En d’autres temps elle s’y serait volontiers abandonné mais elle avait des choses à faire avant cela. Elle avait à faire. Une sieste n’aurait pourtant pas été de refus, car elle serait occupée jusque tard le soir.
— C’est un temps à sortir, ça. Vous devriez en profiter, c’est vraiment une belle journée.
Elle se retourna pour se retrouver face à la porte d’entrée. Elle jeta une brève œillade à Lionel.
— Vous aussi, et peut-être même surtout vous. Sortir prendre l’air vous fera le plus grand bien.
Sur ces mots, elle les salua et les quitta sans plus de forme. Lionel se mordit les lèvres. Le sujet ne semblait pas si clos que cela. Déjà, Valène rivait un œil curieux sur lui. La supposition sembla se confirmer lorsque Mara lui secoua le bras et une fois qu’elle eût attiré son attention, elle lui demanda brusquement :
— Alors, c’était quoi ce truc que tu nous as fait ? Une crise de panique ?
Lionel se retint de réfugier son visage entre ses mains et de soupirer. Il était assuré qu’avec elle, la question ne s’arrêterait pas entre ces murs.
Et en observant les autres, en particulier ses deux amis, il sut qu’elle n’était pas la seule.
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