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tome 1, Chapitre 7 tome 1, Chapitre 7

Lionel confirma sa commande d’un clic avant de se détourner de la tablette consacrée à cet effet pour dévisager ses deux amis. Ces derniers avaient déjà validé leur choix depuis près cinq minutes et avaient désespéré que le rouquin le fît un jour. Pour l’instant, ils étaient obligés de se rendre à chaque repas au réfectoire général pour manger, le temps que fussent installés les équipements de commande à distance dans leurs appartements – encore quelque chose qui avait pris du retard. Pourtant ce n’était pas quelque chose que les responsables s’empressaient de résoudre puisque le sujet était sans urgence. A présent, ils devaient attendre la livraison groupée du repas qui ne tarderait pas.

Le sourcil haussé et le sourire en coin de Kreya en disaient long sur sa pensée et Moriss crut bon de la formuler à voix haute, riant presque :

– Eh bien, toujours aussi difficile !

Lionel arbora une moue boudeuse. Il lui était difficile de nier puisque ce même schéma se répétait à chaque repas, avec un délai variable.

– Ce n’est pas le cas. Je prends juste mon temps pour choisir.

– Ce serait bien que tu en prennes un peu moins, de temps en temps, tu sais, soupira la theris en jetant un coup d’œil autour d’eux jusqu’à repérer leur autre collègue humain assise trois tables plus loin.

Elle avait le bonheur d’avoir déjà entamé son repas avec ses amis, elle.

— Surtout le midi – quand on n’a pas forcément le temps de manger.

– Mais on a une pause de trente minutes ! protesta le jeune homme, surpris. Je ne mets pas tant de temps !

– Ça, c’est le temps officiel, rétorqua-t-elle du tac au tac. Dans la vraie vie, selon les analyses que tu lances, ce temps peut être rallongé ou réduit – réduit, le plus souvent.

– Oh, et tu as lancé quoi ? demanda-t-il, curieux, avant d’être distrait par le droïde de livraison.

Ce dernier apparut à côté de lui, chargé de leurs trois plateaux. De forme humanoïde et de couleur gris métallisé, il ne présentait aucun organe sensoriel, si ce n’était les yeux qui imitaient la forme et la couleur bleu sombre de ceux de certains theris. Il posa leurs commandes sur la table et s’en alla sans un mot. Ce système évitait d’avoir à faire la queue et permettait de limiter les passages, notamment près des cuisines et des vitrines. Pour eux, ils avaient ainsi le temps de trouver une table et de ne pas risquer de devoir attendre qu’une se libère, ainsi encombrés. Bien que la possibilité de consommer dans leur salle commune existât déjà pour la plupart des équipes, beaucoup préféraient manger là. Cela permettait notamment de se réunir entre membres de différentes équipes car la salle commune, quoique grande, était insuffisante pour des rassemblements trop importants. Sans compter qu’il était difficile d’avoir l’adhésion de tous ses membres pour en initier un si certains ne faisaient pas partie du groupe en question et ne désiraient pas être dérangés.

Ils ne tardèrent pas à entamer leurs entrées et ainsi occupé, Lionel en oublia sa propre question. Ce fut la réponse de Kreya qui la lui rappela :

– J’ai dû relancer des ensemencements sur gel solide et sur liquide en effectuant davantage de dilutions, ça a tellement poussé la première fois que c’était inexploitable. Je veux aussi voir la croissance à différents temps pour voir s’il ne serait pas plus pertinent de prélever des colonies plus tôt. A côté de ça, je dois bientôt recevoir les résultats du banc réactionnel et du spectromètre de masse pour me donner une idée générale. Et vous, ça avance ?

La theris se chargeait pour l’instant de trier et de répertorier les microalgues et les espèces de phytoplanctons présentes en suspension dans l’eau ou déposées sur les parois rocheuses et recueillies sur les calques. Pour cela, elle travaillait en binôme avec un bactériologiste d’une autre équipe pour éviter de confondre ces dernières avec une bactérie, ce qui n’était pas forcément évident.

– Doucement, souffla le rouquin, dont le visage se contracta soudain à la pensée de tous les clichés qui l’attendaient encore.

Même après la fin de ce tri grossier, ce serait loin d’être terminé. C’en était si désespérant qu’il s’était mis à prier pour que les autres fissent des découvertes qui leur permettraient d’avancer plus rapidement. Une fois de plus, il ne put s’empêcher de penser à sa propre algue. Pour le moment, il évitait de lui infliger quoique ce fût, préférant la laisser continuer à s’habituer à son nouveau milieu avant de commencer à effectuer des prélèvements ; de toute façon, il lui fallait encore réfléchir à la façon dont il devrait procéder pour effectuer ses analyses sans se faire remarquer. Il en était même venu à apprendre le plan exact de leurs locaux pour essayer de déterminer un moyen de les réaliser sans se faire repérer. Malheureusement, seul l’accès par le couloir était disponible, sans compter les portes qui reliaient les salles adjacentes entre elles ; c’était donc moyennement concluant. Malgré tout, il ne désespérait pas d’y arriver à un moment ou à un autre.

Il retourna bien vite à la conversation tandis que Moriss répondait lui-même et décrivait les problèmes qu’il rencontrait pour exploiter les calques. Là encore, ils prêchaient par leur méconnaissance totale de la flore et par sa diversité trop importante. La comparaison des résultats entre les différentes méthodes leur permettrait sans doute de se sortir la tête de l’eau et d’être capable d’isoler certaines espèces mais pour cela, il fallait les obtenir.

– … mais j’ai quand même réussi à isoler deux espèces – je pense qu’il s’agit d’une sorte de lichen symbiotique, à première vue, à confirmer.

– C’est cool, ça te fait quelque chose, fit distraitement Kreya en écartant le ramequin pour prendre son assiette dont elle retira la cloche qui maintenait le plat au chaud.

Une épaisse vapeur s’éleva et se dissipa aussitôt, remplacée par des fumées plus légères et transparentes. Elle révéla une tranche de viande baignant dans une sauce violette presque noire accompagnée de tubercules plats et orangés. Lionel grimaça à sa vue. Kreya haussa un sourcil qui ne se voulait pas interrogateur, pourtant il laissa échapper :

– Je ne sais pas comment tu fais pour avaler ce truc, fit-il en désignant la viande.

C’était celle d’un oiseau autochtone de belle taille présent en grand nombre sur l’ile, tant que l’espèce avait été classée chassable – c’était l’une des rares, d’ailleurs. Du fait du problème des ressources sur leur planète d’origine, les Arguéens consommaient très peu de viande depuis plusieurs années. Concernant les darniens, espèce végétalienne, le dilemme ne se posait même pas. L’élevage, seule forme de détention d’animaux qui faisait déjà polémique sur son principe-même, ne se faisait presque plus et serait certainement bientôt interdit pour consacrer les cultures exclusivement à la consommation des peuples Arguéens. La chasse était de son côté très réglementée et autorisée seulement pour les espèces inscrites sur une liste positive. Toute espèce n’y figurant pas était considérée comme non chassable et la sanction était, dans ce cas, particulièrement sévère. Bien sûr, cette liste était régulièrement mise à jour, mais c’était généralement en défaveur des chasseurs – la tendance allait plutôt au retrait d’espèces, puisque la plupart tendait à disparaitre. En réalité, aucune n’y avait été ajoutée depuis plus de quinze ans.

Ce système avait été adopté sur l’ile, bien qu’il n’y eût aucun souci d’espèces à préserver, pour éviter d’arriver de nouveau, à terme, à de telles extrémités. Seules celles dont un nombre conséquent d’individus avait été recensé y avaient été incluses. Il y en avait encore peu mais avec les mois et les études, la liste se rallongeait peu à peu.

Kreya haussa les épaules puis planta sa fourchette dans la tranche de viande, pas perturbée le moins du monde par le dégoût évident de son collègue, tandis que Moriss dégageait lui-même son plat. Lionel n’y prêta pas attention puisqu’il n’y avait qu’un mélange de légumes et des boulettes de céréales.

– Parce que j’ai faim, que le reste ne me tentait pas et que je ne me force pas à ne pas manger de viande, finit-elle par marmonner, malgré son désintérêt pour la question. De toute façon, cet oiseau est loin de risquer de disparaitre.

– Je ne me force pas, répliqua l’humain en se renfrognant.

– Ce n’est pas ce que j’ai dit.

Beaucoup d’Arguéens s’étaient tournés vers une alimentation quasi voire complètement végétale, comme c’était le cas de Lionel. Des denrées animales, lui-même ne consommait plus que les œufs d’oiseaux, surtout sous forme de préparations, mais il songeait à les abandonner définitivement eux aussi. La question de la pertinence à continuer à consommer ou non de la viande faisait régulièrement débat sur Argos, entre ses occupants theris et humains. Certains voyaient la viande comme une simple denrée parmi tant d’autres, mais dont il fallait raisonner considérablement la consommation pour ne pas épuiser davantage les ressources – sur ce point, presque tout le monde était d’accord —. D’autres la considéraient comme un immense gâchis à l’intérêt discutable – parce que l’appréciation du goût de la viande et des autres denrées n’en était pas vraiment un, selon eux –, quand le débat ne dérivait pas sur l’aspect éthique de la question. La situation avait failli déraper entre Lionel et Kreya à cause de cela, peu après leur rencontre, au cours du trajet dans le vaisseau spatial. Moriss avait dû jouer le médiateur entre eux, auquel cas ils auraient jeté un froid dans l’équipe avant même qu’elle n’eût pris du service. A présent, ce n’était plus pour eux qu’un sujet ennuyeux dont ils se détournaient rapidement par indifférence, ne désirant pas relancer un débat qu’ils savaient stérile.

Ce qu’ils firent une fois encore.

Lionel soupira avant d’entamer son propre plat. Du coup de l’œil, ils virent Untrill passer près d’eux sans les voir avant de s’installer à une table avec un groupe de theris qu’ils ne connaissaient pas. Après les avoir observés quelques secondes, Moriss afficha une moue dubitative.

— Nous devrions peut-être faire quelques efforts pour nous intégrer un peu plus au sein de notre équipe. Je ne dis pas que ce n’est pas sympa de n’être que tous les trois mais…

Lionel haussa un sourcil et leva la tête pour fixer Untrill, qui se trouvait être dans son champ de vision face à lui. Peut-être ce dernier le sentit-il car leurs regards se croisèrent un instant et il lui sourit avant de retourner à sa discussion avec ses camarades. Il haussa ensuite les épaules.

— Comme tu peux le voir, ce n’est pas que de notre fait. Mara et Untrill préfèrent manger avec leurs anciens collègues.

— C’est normal qu’ils aient envie de les voir, je peux les comprendre, les défendit Kreya. Ce sont leurs amis et ils ont moins l’occasion de se retrouver. Mais tu as raison, on ne peut pas dire que l’on se parle beaucoup pour autant, même si nous nous croisons tous les jours… on devrait peut-être leur proposer de manger une fois ensemble, histoire de discuter et de faire plus ample connaissance ?

— Si vous voulez, lâcha Lionel, neutre, alors qu’à l’inverse Moriss se réjouissait de la proposition.

Quelques secondes plus tard, il perdit le fil de la conversation et se contenta de mâchonner, perdu dans ses pensées. Hormis les voix de ses deux amis, il percevait diverses conversations des tables mitoyennes à la leur, qu’il tenta parfois d’écouter d’une oreille distraite avant de cesser. Discuter n’empêchait pas Kreya d’en faire de même, car elle aimait aller à la ‘pêche aux informations’ comme elle le prétendait, et Moriss était en tous points similaires à elle de ce côté-là. Lionel, lui, était bien trop étourdi pour effectuer une écoute efficace même dans le cas où il l’aurait voulu. Ce repas-ci ne fit pas exception.

Pourtant, un coup de pied bien placé dans le tibia l’extirpa bien vite de ses pensées et le fit couiner.

– Mais c’est quoi ton problème ? râla-t-il à l’encontre du darnien en lâchant sa fourchette.

Il saisit sa serviette et s’essuya les lèvres, agacé. Il avait craché son contenu suite à la douleur, car le coup était loin d’avoir été modéré, et la surprise n’avait pas aidé.

– Cela fait plusieurs fois qu’on t’appelle, se justifia son persécuteur, une moue désolée tordant ses lèvres – ceci étant, elle disparut bien vite pour recouvrer une certaine neutralité —. Je suppose que tu n’as rien entendu ?

– Qu’aurais-je dû entendre, si ce n’est mon os se brisant sous tes coups ? ironisa Lionel, mais son ton marquait nettement son interrogation.

Oui, qu’avait-il pu entendre qui l’interpelle au point de le frapper pour avoir son attention ? Il avait intérêt à ce que ne fût pas un potin sur un couple en devenir ou une autre absurdité du même style !

– Des collègues dans les stations expérimentales de Danao, Hoka et Jantaba ont relevé des modifications anormales de la température de l’eau depuis quelques jours, pas le moins du monde corrélées avec des changements de température extérieure ou des variations du climat. C’est bizarre, non ?

Ces stations se trouvaient être les plus proches de la fosse, la première se situant même sur l’ile à son autre extrémité. Beaucoup moins étendues que le complexe et limitées à un seul bâtiment, elles servaient de relais et permettaient l’accomplissement de quelques études de routine – notamment celles des paramètres du climat pour détecter d’éventuelles variations liées à leur présence et à leurs activités. Cela n’avait pas été le cas jusqu’à présent et ils espéraient bien que cela restât ainsi. Sinon cela pourrait, à terme et selon la nature, le degré et l’étendue des modifications, mettre à mal le Projet dans sa globalité.

– Pourquoi ? Peut-être ont-ils juste un problème d’étalonnage de leurs sondes, fit Lionel en haussant un sourcil.

C’était mieux que le potin, mais pas aussi pressant qu’il l’aurait espéré.

– Apparemment non, c’est la première chose à laquelle ils avaient pensé, rétorqua Moriss, sérieux. Ça commence à les inquiéter un peu d’ailleurs. C’est pour cela que les autres en ont entendu parler.

Le jeune homme ne se montra pas davantage intéressé par la question.

— Et qui a dit ça ? Ce n’est peut-être qu’une simple rumeur, affirma-t-il avec un soupir.

– Et ça fait combien de temps ? Quelques jours, tu dis ? Ce n’est pas très significatif, fit remarquer Kreya qui, d’abord intriguée, avait fini par rejoindre Lionel dans son point de vue.

Déjà, les pensées de la theris se tournaient vers ses boites à analyser et sur le programme de l’après-midi qu’elle commençait à établir dans sa tête.

– On n’en sait rien, répondit finalement Moriss, qui ne savait pas quoi dire d’autre.

Finalement, la vague inquiétude qui l’avait habité avait disparu, remplacée par une certaine indolence placide.

– Ce n’est peut-être pas le cas.

La discussion fut ainsi close et la question en elle-même ne se posa même plus, car en sortant du réfectoire, ils avaient déjà oublié l’anecdote.

**

– A demain ! reçut Lionel en réponse peu avant qu’il ne rentrât dans sa chambre.

La porte se referma dans un bruit feutré juste après son passage, isolant le jeune homme des sons en provenance de la salle commune. Malgré l’épaisseur qui l’en séparait, il pouvait encore entendre les conversations étouffées de ses collègues, signe qu’ils n’avaient pas quitté les canapés pour se rendre dans leurs chambres respectives. Cependant, il était encore tôt ; l’astre diurne venait à peine de disparaitre dans le ciel à présent d’un bleu sombre encore teinté de rouge. C’était plutôt lui qui était parti précocement et pour cela, il avait prétexté une certaine fatigue. Ceci n’était ni tout à fait vrai, ni tout à fait faux non plus. Son mal d’yeux n’arrangeait pas ses affaires. Une migraine menaçait de se révéler et le rendait inconfortable. Il hésitait à prendre des médicaments mais ne voulait pas en systématiser l’utilisation. Finalement, il opta pour la seconde option, c’est-à-dire attendre que la douleur passât tout en espérant qu’elle ne s’aggraverait pas. De toute façon, une fois qu’il aurait fini, il irait immédiatement se coucher. Il se lèverait un peu plus tôt le lendemain mais ce soir, il ne se sentait pas en état. L’entretien de son algue était plus important que d’éviter un décalage de quelques heures dans la maintenance de son hygiène corporelle. Et puis, il ne transpirait pas beaucoup et il n’avait pas fait d’efforts particuliers en ce jour. Ses draps devraient s’en remettre.

Il se défit de sa tenue de travail et, pour éviter de risquer de salir sa tenue de nuit, il se vêtit d’un vieux t-shirt large et bien trop grand pour lui, si long qu’il pouvait faire office de robe. Il régla la luminosité la plus faible possible – juste le nécessaire pour ne pas se cogner contre des meubles – et d’un pas silencieux, il se rendit auprès de son armoire. Après avoir pianoté sur l’écran tactile, le battant s’ouvrit et laissa apparaitre le grand aquarium dans lequel baignait l’algue. Une lumière tamisée s’alluma juste au-dessus du bassin, tout juste suffisante pour lui permettre de voir ce qu’il faisait. Ce n’était pas l’optimum pour la plante qui vivait dans un abysse obscur mais c’était le meilleur compromis qu’il était en mesure de lui offrir pour le moment.

L’eau commençait à prendre une teinte un peu trouble et les parois à se couvrir d’une fine couche gluante et opaque, ce qui l’étonna un peu. Etaient-ce des microorganismes qui en étaient responsables, ou la plante excrétait-elle une substance qui venait ensuite se déposer de cette façon ? Il lui semblait voir également quelques petites bulles s’échapper, comme si du gaz était produit, sans que l’origine ne fût claire. Intrigué, il entreprit d’en prélever. Comme beaucoup de chercheurs, il avait un peu de matériel de base dans ses affaires, notamment le nécessaire pour faire une lame et un ensemencement. Sur gel solide ou liquide ? Peut-être les deux, puisqu’il n’avait aucun critère pour discriminer l’un ou l’autre. Il avait un frigo qui lui permettait de garder les échantillons à une température faible un court laps de temps mais il n’avait pas d’incubateur et ne pouvait donc lancer de manipulation tout de suite. Il lui faudrait donc utiliser les appareils du laboratoire. Heureusement pour lui, ce type d’analyses était si anodin que des boites et des tubes supplémentaires passeraient aisément inaperçus. Au pire, personne ne comprendrait d’où ils sortaient et finiraient par les jeter. Ce serait du gâchis mais sans réelle conséquence pour lui.

Une fois ses échantillons prélevés et placés en réfrigération, il entreprit de nettoyer le bac et de changer l’eau, étonnamment chaude. Il avait inclus, un jour plus tôt, une pompe pour faire circuler l’eau hors du bac et assurer sa redistribution, cependant il lui fallait encore ajouter un système de nettoyage dans ce passage hors bac. A terme, il espérait ne plus avoir à retirer l’eau et donc laisser l’algue dans des conditions à l’air ambiant, d’autant plus qu’un transvasement de la plante, pour nettoyer les parois du bac, n’était même plus possible à présent qu’elle s’était bien enracinée, et il ne désirait pas se risquer à l’arracher de nouveau. C’étaient autant de facteurs de stress susceptibles de fausser ses analyses plus tard.

Alors qu’il allait curer le fond du bac pour mettre en suspension le plus gros des déchets avant de retirer l’eau sale, il aperçut de petites plaques oranges qui s’étaient formées et suspendit son geste. De loin, elles ressemblaient à de la mousse, comme celles aperçues dans la fosse. Et lorsqu’il y regarda de plus près, la sensation ne l’avait pas quitté.

C’est réellement ça, en fait…, se fit-il la réflexion en se penchant, presque couché sur le sol, la tête en biais pour observer plus en détail ces plans vus de profil au travers de la vitre translucide. C’étaient exactement les mêmes mais en plus petits, comme s’ils venaient tout juste de se former – ce qui était le cas, puisqu’ils n’étaient pas visibles encore le matin-même —.

– Mais qu’est-ce que vous foutez là, vous ? marmonna-t-il pour lui-même en se redressant.

Son mal de tête n’empirait pas mais faisait un bruit de fond désagréable. Toutefois, sa curiosité éveillée, il le nota à peine. Il cligna des yeux plusieurs fois en fixant l’algue rouge mais l’auréole orangée qui l’entourait désormais ne disparut pas. Comment expliquer son existence ?

Des spores étaient présentes sur l’algue, peut-être ? Cette hypothèse l’étonnait un peu, surtout du fait de la répartition de la plaque orangée, organisée de manière concentrique autour de l’algue. Selon sa propre impression, les deux plantes devaient avoir une certaine relation entre elles – de nature symbiotique, peut-être ? – qui expliquerait une telle organisation. Après tout, celle-ci avait été observée dans la fosse. Cependant, il savait qu’il ne fallait pas sauter trop vite sur des conclusions trop hâtives. Un cliché scanigraphique serait sans doute assez adapté ; en segmentant en tranches la visualisation 3D, il verrait l’organisation des racines et pourrait tenter de retracer leur origine commune si elles en avaient une et, peut-être, émettre des hypothèses sur les phénomènes responsables de leur apparition. Cela ne suffirait pas mais apporterait sans doute des informations intéressantes. Prélever l’un de ces mini-plants pour l’y soumettre également et lancer quelques analyses ne serait sans doute pas une mauvaise idée. Ainsi que des calques sur l’algue ; cela ne lui ferait aucun mal et éliminerait l’hypothèse des spores s’il n’en observait nulle part.

Après que d’autres échantillons eurent rejoint les précédents, Lionel abandonna l’idée de curer le fond de la cuve, enthousiasmé par ces petites découvertes. Il se contenta de racler là où la plaque orange n’était pas présente pour éviter de la léser. Cela lui prit un peu plus de temps mais ce fut moins pénible qu’il ne l’aurait pensé. La suite promettait de futures avancées bien plus fulgurantes qu’au laboratoire, tout du moins pour cette plante-là.

Et cela l’enchantait tout particulièrement.


Texte publié par Ploum, 27 janvier 2020 à 16h50
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