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tome 1, Chapitre 12 « Chapitre 5.3 » tome 1, Chapitre 12

Pendant que Taëdyl contemplait le Renard, Féhnaël avait réussi à se redresser pour s'adosser au mur. Son visage, livide et parsemé d'ecchymose, faisait peine à voir. Son œil gauche avait enflé, il virait au bleu marine et le jeune homme peinait désormais à l'ouvrir. À présent qu'elle y prêtait attention, Taëdyl s'aperçut que le jeune homme avait reçu des soins sommaires. Des bandelettes adhésives fermaient les entailles de l'arcade et de la pommette tandis qu'une pommade avait été appliquée sur l'hématome ; la peau brillait à ces endroits.

– Mais comment tu t'es retrouvé dans cet état ?

– J'ai tenté de m'enfuir.

Elle serra les dents, un peu vexée qu'il ait songé à partir sans elle.

– Comment ? Seul ?

– J'ai eu une ouverture, j'en ai profité. Mais pas assez vite. Me regarde pas comme ça, tu aurais fait pareil.

Il a pas tort...

– Faux. J'aurais réussi, moi.

Avec précaution, Salomée s'approcha.

– Tu vas pas me mordre ?

Un œil mi-clos, l'autre fermé, Féhnaël la dévisagea d'une mine fatiguée.

– Je suis un hybride, pas un canidé. Je ne mords pas les gens... sauf s'ils le demandent, au lit.

Son ricanement se termina en gémissement, sa respiration s'accéléra, il déglutit avec peine.

Il a mal.

Salomée quant à elle ne semblait pas s'en apercevoir. Les joues empourprées, elle secoua la tête, tenta de reprendre contenance.

– Ces gens... comment ils ont réagi quand tu t'es enfui ?

– Je n'en ai pas eu le temps, soupira-t-il. L'anesthésie engourdissait encore mes muscles, la médecin a réussi à fermer la porte avant que je l'atteigne. Après... j'ai pas eu le courage de la tuer, même pas de la blesser... et l'infirmier a eu le temps de revenir. Il m'a fracassé le...

Féhnaël marqua une pause, le regard dans le vide.

–... crâne au sol.

Puis, tandis que sa paupière se fermait, son corps glissa sur le côté.

– Il doit avoir une commotion. Peut-être même une hémorragie cérébrale, on voit ça dans les films !

Les sourcils de Taëdyl se froncèrent d'inquiétude.

Pour avoir de telles traces, ce malade a dû le cogner assez fort. C'est problématique pour notre fuite, il risque de nous ralentir, voire de tout faire échouer. Pas question de se traîner un poids mort.

– Hey, Féh ! Reste avec nous ! Tu voudrais pas qu'on t'abandonne sur place, n'est-ce pas ?

Dans un effort évident, le métis rouvrit l'œil. Néanmoins, il préféra se rallonger avant de poursuivre.

– Je me doute bien que vous n'aurez peut-être pas le choix.

– Quoi ? Comment ça, s'offusqua Salomée d'une voix suraiguë. Il va vous donner des informations pour fuir, faut l'emmener, le faire soigner, il faut...

– Sauver sa propre vie avant tout. Tu n'es pas dans un film terrien Salomée, tu es dans la vraie vie. Et dans la vraie vie, on sauve sa peau avant celles de parfaits inconnus, surtout s'ils ne te servent à rien.

– Taëdyl a raison, souffla Féhnaël. C'est chacun pour soi.

– On agit donc tous ensemble mais chacun pour soi ? C'est quoi ce concept ? On a plus de chance de survivre tous ensemble à une évasion, contra l'Humaine.

– L'instinct de survie veut qu'on pense d'abord à soi. Ça me sert à quoi de sauver l'hybride pour qu'on meure tous les deux cinq minutes plus tard ? À rien. Si tu veux survivre, Salomée, c'est une leçon que tu dois intégrer. Sers-toi des autres, mais ne t'en encombre pas.

La jeune fille recula, soudain méfiante.

– Donc... tu te sers de moi ?

Y a-t-il vraiment une bonne réponse à cette question ? Si je confirme, elle fuit, si je réfute, elle continuera de se méfier et crisera quand elle découvrira que je me sers d'elle...

Elle se démenait avec ses pensées contradictoires quand Féhnaël lui sauva la mise :

– Tout le monde se sert de tout le monde. Si ça te gêne, libre à toi de faire cavalier seul petite. Assez parlé de ça, écoutez-moi, il reste peu de temps. L'idéal sera de tenter une évasion à votre retour dans la cellule.

– Pourquoi si vite ?

– Parce que nous sommes sur le flanc d'un volcan, et que si on en croit l'alarme, le niveau de magma élevé suggère une éruption imminente.

Face à lui, Salomée secoua vigoureusement la tête. Tout son être, de ses yeux plissés à ses bras croisés montrait son désaccord.

– Personne de normalement constituer ne resterait faire des expériences en cas de danger imminent.

– Arrête de crier nom d'Eden, j'ai vraiment mal au crâne, gémit Féhnaël. Et ces idiots de scientifiques pensent que ces alertes sont dues à des dysfonctionnements.

– Et pas toi ?

– Pas nous, non, le Citadin...

De nouveau, Féhnaël interrompit sa phrase. Cette fois, son visage se crispa de douleur pendant que ses mains se pressaient sur ses côtes.

–... est d'accord avec moi.

– Ils ne t'ont pas frappé qu'à la tête...

– Je... ne me souviens pas vraiment. J'étais au sol, il cognait et cognait encore... on s'est battu avant, je crois que je l'ai blessé mais... je n'en suis plus très sûr.

Dents serrées, Taëdym s'installa à ses côtés pour relever le bas de sa tunique bleue.

Elle est neuve, ils ont dû la changer. Par Eden, s'il n'a pas de côtes cassées ce sera un miracle !

– C'est plutôt moche. Mais on dirait qu'ils ont passé de la crème ici aussi.

Un rire qui tenait plus du couinement échappa à l'Hybride.

– Régoël, pas eux... mais un des infirmiers... nous a donné cette pommade... et les pansements. Pas aussi efficace que celle de Saë... je rêve d'en avoir un pot sous la main ha... revenons... au plan.

Malgré un discours haché, Féhnaël parvint à leur faire comprendre le fameux plan. Rien de bien compliqué, celui-ci misait surtout sur l'effet de surprise, la faiblesse du troisième geôlier ainsi que sur le moment choisi pour cette mutinerie : le retour des trois femmes dans la cellule. Ou plus exactement, le moment où les scientifiques ouvriraient la grille. Les combattants du groupe immobiliseraient alors le trio pendant que les deux autres maintiendraient la porte ouverte et subtiliseraient les armes.

En théorie, ça semblait facile. En réalité... même s'ils réussissaient, ils devraient encore trouver comment sortir du complexe, sans parler de la présence d'autres équipes, peut-être même de soldats au-delà de l'unique porte menant à leur couloir. L'hybride admit que tout dépendait d'une part non négligeable de chance ; il ignorait combien de temps son corps tiendrait face à une évasion sportive.

Maîtriser leurs geôliers était une chance, affronter le reste des scientifiques une autre, et s'il affirmait pouvoir remplir la première partie du plan, la seconde le laissait plus qu'incertain. À leur grande surprise, Salomée leur apporta un début de solution, même s'ils ne comprirent pas immédiatement de quoi elle parlait : bourrer le jeune homme de paracétamol ou ibuprofène — des antalgiques terriens.

Kessa, Taëdyl et elle allaient se retrouver enfermées dans ces étranges pièces qui, si elles ne comportaient pas d'armes, renfermaient des pilules. Peut-être que l'une de ces plaquettes renfermerait les précieux antalgiques ? Si comme d'habitude les chercheurs les abandonnaient un temps dans la pièce, elles auraient le loisir d'en fouiller les placards.

Bien trop vite à leur goût, le trio les interrompit pour les emmener... aux douches, et non dans les salles d'examen. Le cœur battant, Taëdyl se décrassa. Elle songeait à leur plan si imparfait, imaginait tout ce qui pourrait le faire échouer. Beaucoup de choses en fait.

Et s'ils nous changeaient de cellule ? Ils avaient jamais séparé hommes et femmes encore. Et si'ils se débarrassaient de nous ? Non, on serait pas passée par la case douche. Et s'ils nous ramenaient directement à la cellule ? Ce serait fichu pour les antalgiques.

Son inquiétude grimpa d'un cran lorsqu'ils dépassèrent les habituelles salles d'examen. La sueur inonda son front quand la femme poussa la porte d'une pièce inconnue. Les trois prisonnières se retrouvèrent dans un sas, on les dévêtit pour leur enfiler des chemises blanches ouvertes dans le dos, on leur enveloppa les cheveux d'un autre tissu blanc, puis on les abandonna dans une deuxième pièce, en tout point semblables aux salles d'examen.

Sitôt la porte refermée, Salomée se tourna vers Taëdyl :

– On fouille. Vite ! Il nous faut ces pilules pour le zombie !

Moue boudeuse, Barossa les ignora. Le magazine qui trônait sur l'un des plans de travail focalisait tout son intérêt.

– Tu crois que c'est le moment de lire les derniers potins de la famille impériale ? grinça la mercenaire. Aide-nous plutôt à chercher des antidouleurs pour Féhnaël !

– Moi ? Bouger le petit doigt pour un hybride ? Jamais.

Je vais la frapper.

Toutefois, elle se contint, se contentant de lâcher d'un ton agacé :

– Sans lui, nos chances d'évasion sont maigres.

– Faux. Avec lui blessé, elles sont maigres. Sans lui tout court, elles sont bien plus élevées. Je suis d'avis de le laisser crever.

Elle est... elle est... raaaah, ignore-là, elle n'en vaut pas la peine !

Face à l'impossibilité de la raisonner, Taëdyl et Salomée entreprirent la fouille méthodique de tous les tiroirs. Tous vides. Pas le moindre instrument ici, pas le moindre médicament. Un cuisant échec que Kessa ne se gêna pas de commenter, moqueuse.

L'Elfvar, hors d'elle, s'apprêtait à lui écraser le poing dans la figure quand une Haute-Zévrine apparut dans l'encadrement de la porte.

– Amenez-moi Deux, nous commencerons par elle.


Texte publié par Carazachiel, 16 juillet 2018 à 12h17
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