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tome 1, Chapitre 5 tome 1, Chapitre 5

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Tout le village s'était réuni dans une immense salle commune pour préparer le repas et y participer par la suite. Trois longues tables en bois blanc remplissaient la salle chacune pouvait accueillir environ cent cinquante personnes. Les placements étaient totalement libres et aucune hiérarchie n'était détectable. Ni ici, ni dans les champs.

- T'as vraiment rien de bizarre ?

- Pourquoi j'aurai quelque chose de bizarre ?

- J'en sais rien, comme ça.

- Soit...

Même si c'était le cas, il ne lui répondrait certainement pas. Et encore moins si ça devait toucher son physique.

- Ce n'était qu'une question. Garde ton regard mauvais pour ton reflet, il le vaudrait davantage.

- Qu'est-ce que t'as en ce moment ?

- Et toi ?

Sian posa violemment le couvert qu'elle tenait dans sa main contre la table. Son regard bleu et sévère s'était posé sur Faust et Hayjie. C'était la première fois qu'ils la voyaient réagir de cette façon. Ça n'avait rien de négatif, c'était juste étonnant venant de sa part.

- Vous avez fini ? J'aimerais pouvoir manger dans le calme.

- Désolée Sian. On arrête.

- Merci.

Le reste du repas se passa plus calmement et presque dans la bonne humeur.

* * *

- Attends-moi, je n'ai pas l'habitude de ce genre d'escapades !

- Pourtant, tu grimpes plutôt bien.

- Ça aurait pu se présenter plus catastrophique, mais s'il te plaît, ralentis !

Hayjie s'installa aussi confortablement que possible avec les prises qui étaient à sa disposition contre la paroi rocheuse pour attendre que son amie arrive à sa hauteur. Elle ne reprit son ascension seulement lorsque Siannlie la dépassa de plusieurs mètres. Plus qu'une dizaine de prises et elles seraient arrivées au pied de l'habituel arbre centenaire.

- Prête pour la seconde session d'escalade ?

- La seconde session ?

- L'arbre. T'es un félin, ça devrait être facile pour toi.

- Félin ou pas, je ne me suis jamais amusée à grimper aux arbres.

- Tu viens d'escalader une falaise. Et ça s'apprend vite.

Elle n'attendit pas plus longtemps pour se hisser sur la première branche.

- Et si je tombais ?

- Impossible.

- Comment tu peux en être aussi sûre ?

- Un arbre n'est qu'un jeu d'enfant à comparé d'une falaise. Et si besoin, je ne suis pas loin.

- Mais tu es déjà en-haut !

- Mais je descends tout aussi rapidement.

- D'accord...

Hayjie s'était accroupie sur une des plus hautes branches, prête à intervenir si son amie venait à être en difficulté durant son ascension. Même si celle-ci fut laborieuse, Sian arriva tout de même à son niveau.

- Ce n'était pas si compliqué finalement.

- Mais ce n'était pas l'idéal.

- C'est seulement une question d'habitude. Ton détail encombrant est toujours existant ?

- Oui... Je te dirais demain ce qu'il en est. Qu'est-ce que tu penses de Faust ?

- Qu'il est gentil, mais qu'il devrait apprendre l'humilité.

- C'est tout ce que tu as à dire à son sujet ?

- Il devrait y en avoir plus ?

- Je ne sais pas. Tu penses qu'il lui arrive des étrangetés ?

- Je n'en sais rien, il est difficile à cerner et s'il n'a pas envie de répondre, il ne le fera pas.

- Et s'il est le seul à n'avoir rien eu ?

- Sa fierté sera salement touchée et il le prendra certainement très mal.

- Je me doute... Comment on fait ?

- Comme d'habitude. On n'est pas obligé de lui en parler.

- Ce n'est pas très honnête.

- Ce n'est pas mentir non plus.

- D'accord...

Siannlie quitta sa position assise pour se lever avec un équilibre incertain sur la branche qu'elle parasitait depuis plusieurs minutes. Hayjie l'imita tout en gardant un œil sur elle, par précaution. Son regard, émerveillé en découvrant la vue qu'offrait ce point d'observation lui tira un sourire. Les rayons de l'astre du jour se reflétaient sur les immenses joyaux des îlots volants qui renvoyaient mille couleurs sur l'immense étendue d'eau bleutée.

- Reviens quand tu veux.

- Merci.

* * *

Le matin venait de se lever et la lumière du jour l'éblouissait malgré le rideau de perles colorées qui ornait sa fenêtre. Son lit se trouvait juste en dessous, un bureau meublait le mur d'en face et une commode occupait le dernier. Sa chambre n'était pas très grande, mais toutes les décorations colorées qu'elle avait pris soin de l'affubler au fil des années la rendaient rassurante. Celles-ci allaient de la guirlande d'oiseaux en papier, en passant par la structure ornée d'une multitude de pierres phosphorescentes de toutes les couleurs accrochée au plafond, sans oublier les nombreux tissus aux teintes vives agencés de façon très anarchique sur les murs, ainsi que le tapis de pompons blanc près de son lit.

Elle se redressa rapidement dans son lit, encore sidérée par le cauchemar étrange dont elle sortait. Son dos rencontra le mur de sa chambre et la couverture fut remontée sur ses genoux le temps qu'elle se remette du stress que ça avait engendré.

Hayjie enfouie son visage dans ses bras qu'elle avait posés sur ses genoux remontés contre sa poitrine, essayant d'oublier les plumes qui l'envahissaient et la meurtrissaient depuis son réveil.

Analysons un peu la situation deux secondes... Des plumes s'approprient douloureusement mes épaules... Mes sens partent en vrille... Va savoir sur quel oiseau je vais tomber...

- Hayjie ? Tu es réveillée ? Il va bientôt falloir y aller.

- Je le suis, mais ça va être compliqué.

La voix de sa mère semblait étrangement proche alors que celle-ci devait se trouver dans la pièce à vivre qui se trouvait à deux pièces de son nid. Hayjie n'émergea de la bulle qu'elle s'était mentalement créée seulement quand sa mère entra dans sa chambre.

- Quelque chose ne va pas ?

- Un détail douloureux et pas très discret qui parasite une grande partie de mes épaules, dos et qui remonte jusque sur ma nuque. Mais sinon, ça va.

- Je vois ça. Je leur dirais que tu es malade. Veux-tu que je prévienne le clerc pour qu'il vienne te voir dans la journée ?

- Pas sûr qu'il puisse vraiment m'aider, mais sait-on jamais. Tu me diras comment vont Faust et Siannlie ?

- Si je les vois, je te le dirai. Il reste du pain de maïs et de la confiture dans le placard pour ton déjeuné et il y a des œufs dans le panier si tu veux te cuisiner quelque chose à midi. Ça va aller ?

- Pourquoi ça n'irait pas ?

- Tu vas être seule pendant six heures.

- Ça devrait aller. Tu as entendu crier ?

- Non, personne n'a crié. Tu es sûre que ça va aller ?

- Oui. Tu peux partir tranquille.

- Prends soin de toi.

- Promis.

Sa mère vint l'embrasser sur la tempe avant de partir rejoindre le reste du village dans les champs avec Manakel. Ses singularités n'avaient pas l'air de la choquer malgré leur originalité, ce qui était agréable mais invraisemblable venant de sa part.

Quelqu'un avait crié, il n'y avait pas de doutes. Mais c'était trop éloigné pour que sa mère entende et pas assez pour qu'Hayjie ne l'entende pas. Les voisins proches étaient donc à exclure des responsables, ce qui laissait encore un large choix de possibilités qu'elle n'avait pas envie d'explorer davantage durant les prochaines heures.

* * *

- Penses-tu qu'on devrait faire intervenir Circa maintenant ?

Astalie, les bras croisés sur sa poitrine, faisait les cent pas dans le Hall aux mille Glaces sous le regard de sa soeur qui tentait de rester sereine pour compenser le stress de la première et lui répondit avec un ton aussi calme que ce qui lui était possible.

- C'est beaucoup trop tôt, elle n'en est qu'au début. Ce ne serait pas pertinent.

- Odona a disparu de l'océan et les autres Gardiens craignent de dévoiler leur position en nous contactant, ça devient urgent.

- Odona nous en donne quand elle le peut. Notre priorité est de savoir où elle est retenue pour agir ensuite. L’élue viendra après.

- Elle a besoin d'être formée dans les plus brefs délais.

- Elle n'en est qu'au troisième jour. Laisse-lui le temps de s'habituer à sa nouvelle condition.

- Une semaine, pas plus.

- Pas plus.

- Tu es allée la voir cette nuit ?

- Comme prévu. Sa métamorphose l'indispose.

- Dans quel sens ?

- Douloureuse.

- Et pour Siannlie ?

- Ça l'affole. Sa rassurante routine est mise à mal.

* * *

Une fine silhouette sous cape entra dans la chambre d'Hayjie sans avoir préalablement prévenu de sa visite. Celle-ci s'était vivement levée de son bureau pour surveiller les agissements de l'inconnu qui osait briser la tranquillité de son antre.

- Ça ne va pas d'entrer comme ça ?!

- Promets-moi de ne pas te moquer.

- Sian ?

- À ton avis ?

- Sous ton déguisement, ce n'est pas évident. Mais non, je ne me moquerais pas.

Elle retira sa capuche pour dévoiler ce qu'elle tentait de dissimuler : une paire d'oreilles de chat poilues et violettes.

- Ça vient se cumuler à ce qu'il y avait déjà ou le problème s'est déplacé ?

- Ça s'est additionné. Qu'est-ce que t'as dans le cou ?

- Rien, ce ne sont que des plumes. J'ai entendu crier tout à l'heure. Tu sais d'où ça venait ?

- De moi... Comment tu arrives à rester aussi zen ?

- Ce n'est pas comme si j'avais le choix avec un spécimen dans ton genre.

Sian prit un air faussement vexé avant de retirer complètement sa pèlerine pour la poser sur l'unique chaise de la chambre.

- Tes parents sont au courant ?

- Ils me pensent au lit avec une migraine assez violente pour me donner les hallucinations...

- Tu as menti à tes parents ?

- Vas-y, rigole, tu n'es qu'une vile créature.

- Vile créature ? Pourtant il semble clair que je me transforme en poulet !

- C'est vrai que ton futur est moins sûr que le mien...

- On verra comment ça évoluera. Ma mère est censée prévenir le clerc de la situation.

- Donc il va venir ?

- Peut-être, j'en sais rien.

- Tu penses qu'il pourra nous aider ?

- Peut-être. Ça reste un mec qui prétend parler aux Esprits.

- Et ça reste notre seul espoir.

- C'est justement ça qui est inquiétant.


Texte publié par Adrielle, 15 mai 2018 à 14h34
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