Elle retira le masque qui cachait l'intégralité de son visage.
L'intérieur de ce masque rigide était recouvert de connecteurs censés s'adapter à son visage pour se mouvoir afin d'imiter les expressions faciales naturelles de l'être-humain.
L'extérieur était d'un blanc uniforme. Les connecteurs n'étant plus fournis en énergie et en informations émotionnelles, les paupières s'étaient closes. Les seules couleurs présentes sur ce masque lisse étaient les traits d'eye-liner noirs juste au-dessus des faux-cils, les sourcils, également noirs, les lèvres et les joues colorées par un rose léger.
La jeune fille déposa ce masque dans son cercueil de verre où il reposera jusqu'au levé du prochain jour.
Elle détestait cet objet.
Sa pâleur.
Ses expressions fausses.
Il n'avait pas été programmé pour exprimer la colère, la tristesse ou la peur. Seules les émotions jugées essentielles par la Société à l'adaptation en société y furent codées.
Mais sans celui-ci, elle ne pouvait en posséder aucune.
Elle referma le tiroir le contenant avec dégoût et dirigea ses pas vers la douche après avoir entassé ses vêtements sur une chaise à proximité de celle-ci.
Pendant ce temps, voyons à quoi ressemblait cette salle de bain. Elle n'était pas très grande. 6m² tout au plus. Soit environ 2m de profondeur sur 3m de longueur. La porte était plutôt bien centrée dans les 3m de longueur, la baignoire-douche à paroi de verre se trouvait à sa gauche avec un tapis à pompons duveteux, deux lavabos modernes se trouvaient juste en face, les toilettes se trouvaient donc à droite, cachés par un paravent en bambou et une plante assez garnie pour servir de paravent également.
Aucun miroir n'était présent dans la pièce.
Ni dans aucun autre espace de l'appartement.
La brune laissait couler l'eau dans ses cheveux qui ruisselait le long de ses épaules et de son dos. Le monde qui l'entourait n'était plus que des cubes et des triangles de verts plus ou moins foncés en fonction des distances.
La 3D était floue et hasardeuse. Les visages difficilement reconnaissables les uns des autres. Seulement des amas de triangles. Même son propre corps lui était devenu étranger sous cette vision qui n'était plus la sienne. Les couleurs et leurs nuances, à part celle du vert, sont inexistantes. Seuls les textes étaient nets.
Au bout d'une demie-heure, elle coupa l'eau, essora ses longs cheveux et sortit de la cabine de douche pour s'enrouler dans une serviette chauffée par le porte-serviette fixé tout près.
Kao sortit de la salle de bain dans cette tenue, laissant derrière elle les traces de son passage sous forme de gouttes d'eau laissées par le ruissellement de celle-ci le long de ses cheveux avant d'arriver à son lit où attend son pyjama correctement plié sous son oreiller et composé d'un tee-shirt ainsi que d'un short.
Elle laissa tomber sa serviette au sol, stoppant la formation de flaque qui s'opérait derrière elle, et l'enfila avant de récupérer l'amas de triangles que représente à présent la serviette posée à ses pieds pour le transformer en simple rectangle qu'elle enroula autour de ses cheveux le temps que ceux-ci veuillent bien sécher.
La chambre faisait bien 12m². Un grand lit se trouvait en son centre, sous une fenêtre, en face de la porte. De la moquette tapissait le sol. Une petite table de chevet où reposait une lampe se trouvait du côté où elle commençait sa nuit. Le placard occupait la partie droite de la chambre tandis qu'une grande bibliothèque remplie de livres occupait celle de gauche.
Elle attrapa un des livres que contient cette bibliothèque, puis retourna dans le salon où les gouttes d'eau laissées quelques minutes plus tôt sécheront dans peu de temps.
Le canapé devint son fief pour le temps d'une lecture. Seule occupation qui lui était accessible malgré les avancées technologiques de son époque.
Les capteurs visuels dont elle était équipée ne détectaint pas les nuances de couleurs sur les écrans. Seuls les mots étaient repérés par le système.
Mais du coup, le salon partageait son espace avec la cuisine américaine toute équipée en n'étant séparés seulement par un plan de travail. Le canapé était positionné dans un angle en direction de la chambre, une table basse s'en trouvait non loin et un grand tapis duveteux rendait l'espace salon recouvert de carrelage plus accueillant et agréable.
Il devait être 23h quand Kao alla enfin se coucher. Une nuit sans rêve cette fois-ci. Calme et agréable. Mais vide.
Le lendemain matin fut plus difficile. L'idée de devoir affronter le monde extérieur était difficile. Même les personnes qu'elle considérait comme ses amis étaient devenus des inconnus.
Des inconnus qui la dévisagaient, la jugeaient, la blessaient.
Était-ce sa faute ? Pas vraiment.
L'avait-elle mérité ? Pas vraiment non plus.
Elle était juste une âme fragile à qui la Société a lacéré de ses griffes la vision naïve qu'elle en possédait.
Ses pas la dirigeaient lentement vers la salle de bain pour récupérer l'hideux masque figé.
Une liqueur amère qui s'est insinué en elle tel un poison qui eut annihiler la moindre goûte de confiance qui la formait.
Une morsure douloureuse et purulente toujours remise à vif qui n'avait jamais eu l'occasion ou la possibilité de cicatriser.
Ils la dirigèrent ensuite vers la grande baie vitrée du salon.
Le masque faussement souriant prenait vie sur elle.
Cela faisait trop longtemps qu'elle y pensait.
La paroi de verre explosa au simple contact de ses doigts.
Porter un masque lui était devenu une habitude nocive trop difficile.
Un simple pas, et ce calvaire serait terminé.
Adieu.
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