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tome 4, Chapitre 10 tome 4, Chapitre 10

Florentin fredonne une mélodie qui l'obsède depuis des semaines, il inscrit les notes sur le papier et il se met à jouer la musique qui tourne sans cesse dans sa tête. Il la retravaille jusqu'à obtenir le résultat qu'il souhaite. Il s'endort sur son papier et il rêve, il rêve d'une mélodie qui l'emplit tout entier, elle résonne dans sa tête et il couche les notes sur le papier dès son réveil, les yeux à peine ouverts. Il se demande ce que ses compositions deviendront et s'il ne travaille pas en vain.

- On cherche un musicien pour une fête qui a lieu ce soir.

- Et tu as pensé à moi.

Florentin lève les yeux sur le domestique face à lui.

- J'avoue que ça m'éviterait de courir partout dans la ville.

- Ne lui dis pas que nous nous sommes rencontrés dans une taverne et que nous buvons ensemble depuis trois jours. sourit faiblement le musicien. A quelle heure est le rendez-vous ?

- A huit heures précises. Tu devras être là à sept heures.

- D'accord, à tout à l'heure.

Le moment venu, Florentin se présente à la porte de la propriété. Il retrouve son compagnon de taverne qui l'emmène dans les communs où un repas lui est servi.

- Je suis supposé jouer quoi ? Enfin, je veux dire qu'est-ce que ton maître aime ?

- Je n'en ai pas la moindre idée. Les choses classiques, je suppose.

- On verra bien. dit le jeune homme en achevant sa soupe et son pain.

Puis il se rend dans la grande salle où une assemblée est réunie. Le seigneur du lieu lui fait signe d'avancer et de commencer à jouer. Florentin hésite, cherchant dans sa mémoire des morceaux appropriés puis il se lance. Personne ne l'écoute et il se sent transparent, inutile et ignoré. Peu à peu, ses pensées voguent de plus en plus loin et il ne se rend pas compte que les cordes de l'instrument crient grâce. Les paroles qu'il a entendus s'agitent en lui et il prend la résolution de rejoindre la capitale et de tenter sa chance là-bas. La colère l'emplit et il joue de plus en plus vite des airs répétitifs qu'il connaît par cœur, les crins de l'archet crissent sur les cordes mais il n'y prend pas garde jusqu'au moment où la chanterelle se rompt. Etonné, il se calme et il farfouille dans son étui pour sortir une corde neuve qu'il installe rapidement. Puis il se remet à jouer des airs qu'il aime estimant que puisque personne ne l'écoute, il peut au moins se faire plaisir.

Le lendemain, Florentin s'éveille tard et il se rend chez son luthier pour faire réviser son instrument. Comme toujours, le jeune homme qu'il connaît bien s'extasie sur sa chance de travailler sur un tel instrument et ils parlent de leurs métiers respectifs dans le petit atelier. Le violoniste regarde autour de lui et il remarque un petit instrument posé sur l'établi au milieu d'un tas de copeaux et de pots de vernis. Il s'approche et il reste un moment à examiner la tête sculptée de roses et de feuilles.

- Je viens de le finir.

- Cet instrument est magnifique, son propriétaire a bien de la chance.

- Sans doute, mais il n'a pas encore de propriétaire. Si vous le voulez, je vous offre le reméchage de votre archet.

Le musicien étouffe un rire, il se dit que le luthier pourrait se montrer plus généreux vu la dépense qu'il s'apprête à faire mais au fond de lui, il a toujours rêvé de posséder un jour une pochette. Les deux hommes parlent un long moment et juste avant de partir, le violoniste propose un prix qui lui semble raisonnable. Le luthier le regarde et les deux hommes se font face à face un long moment.

- C'est d'accord, j'accepte votre prix.

Soulagé, le jeune homme sort en souriant de la boutique.

Seul dans sa chambre, le musicien joue doucement de l'instrument qu'il tente d'apprivoiser. Il joue des airs qu'il connaît bien sur son violon et sur sa pochette pour comparer et habituer son oreille à ce son nouveau pour lui.

- Oui, il y a du potentiel, je peux en tirer quelque chose.

Le lendemain, il joue dans une soirée chez un comte dans sa maison de campagne et il décide de jouer les morceaux qu'il a sélectionnés, il peine un moment à trouver où positionner ses doigts sur le manche plus court que sur son violon et il entend quelques rires dans l'assemblée. Des souvenirs montent en lui, il se souvient des places de village où il a joué et où l'on se moquait de lui, les larmes montent à ses yeux mais il se contient.

- Tu as besoin de cet argent alors contiens-toi, ce ne sont que quelques heures de ta vie. Tu es payé pour faire ce que tu aimes le plus au monde : jouer de la musique, c'est tout ce qui compte.

Le jeune homme joue les quelques morceaux de sa création sous les rires et les murmures puis il sourit comme s'il venait de faire une blague à son public et il prend son violon. Le contraste avec le son du frêle instrument lui rend le son de son violon agressif à l'oreille mais il s'y habitue bientôt. Avec un soupir, il se résigne à jouer des airs à la mode et bientôt les tables sont poussées pour danser, les sourires sur les visages lui rappellent pourquoi il doit se plier à ce qu'on lui demande de jouer. Un peu plus tard, alors qu'il se restaure dans un coin du salon pendant que les invités chantent au son du clavecin joué par la maîtresse de maison, il décide de jouer le tout pour le tout. Il étale ses partitions sur l'épais tapis et il choisit quelques-unes de ses compositions qu'il pense pouvoir convenir à son public, il s'agit de quelques airs à danser qui pourraient retenir leur attention.

Le jour de son anniversaire, le violoniste se rend dans une rôtisserie où il s'achète des pommes de terre sautées aux lardons qu'il grignote en marchant avant d'entrer dans une boulangerie dont il ressort avec une tartelette aux fruits confits.

- Peut-être que c'est cela le bonheur. Un bon repas et du temps libre.

Il hésite sur la conduite à tenir et il décide d'aller se promener au bord de la mer malgré le froid, il chante et le vent emporte sa voix et sa peine. Après quelques pas, il entre dans une taverne pour se réchauffer et il se joint à une partie de lansquenet où la chance lui sourit. Il rend les cartes à regret et il rentre chez lui.

- Assez d'amusement pour aujourd'hui, il est temps de te mettre au travail, anniversaire ou pas.

Le diable marche en long et en large dans son bureau et il se penche sur le sort de son violon.

- Je m'ennuie, il ne se passe rien. Je sais que je ne suis plus supposé intervenir mais tout de même, il faut bien s'amuser. Allez, un cadeau d'anniversaire pour mon violoniste préféré, un instrument d'exception, ça se mérite !

Des pierres tombent de la falaise et le jeune homme pousse un cri.

- Je l'ai échappé belle... Bon, je crois qu'il vaut mieux rentrer.

Tremblant, il rejoint le sentier et il se dépêche de rentrer à l'auberge où il loge. Cette nuit-là, il se voit baignant dans son sang mais au réveil, il n'en a plus de souvenirs et il se réveille avec un haut-le-cœur.

- Je ne suis pas à ma place ici, je devrais être ailleurs.

Le lendemain, il rejoint un petit port où il se promène un long moment. Il passe devant une maison où une fenêtre ouverte laisse entendre un clavecin qui se tait rapidement.

Au son de l'instrument, le violoniste a tourné la tête mais lorsqu'elle s'arrête, il hausse les épaules et il reprend son errance dans les rues de la ville inconnue. Il estime qu'il est tard et il rejoint le port où il sait qu'il trouvera à manger et à se loger. Malgré sa fatigue, il joue dans une taverne et la joie de voir les clients taper en rythme du pied pour l'accompagner lui fait oublier ses incertitudes. Il récolte de quoi se loger et se nourrir quelques jours.

- Ce n'est pas comme cela que ta carrière va se construire. Tu devrais t'arrêter quelque part le temps de te faire une place. Tu ne peux pas éternellement voyager entre ton pays natal et la capitale.

Il se souvient alors du clavecin et il se demande ce que devient Victoire. Il décide de lui écrire ainsi qu'à ses nouveaux amis. Mais face à la feuille blanche, les mots lui échappent et il laisse ses souvenirs vagabonder dans le passé. Le soleil est bas sur l'horizon lorsqu'il sort de sa rêverie et il écrit quelques lignes pour rassurer ses amis avant de se forcer à aller dormir.

- Je n'ai presque pas joué aujourd'hui. Demain, demain, je travaillerai deux fois plus dur. se promet-il en fermant les yeux. Mais j'ai promis de ne laisser le travail dévorer ma vie. lui chuchote sa conscience mais dans son demi-sommeil, sa mémoire ne retrouve pas la personne à qui il a fait cette promesse.


Texte publié par Bleuenn ar moana, 6 octobre 2020 à 14h21
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