Assise à son bureau, la musicienne examine ses documents sur son livre électronique. Elle feuillette rêveusement les pages de l'ouvrage supposé répondre à ses interrogations. Alors qu'Apollonia allait abandonner, elle trouve enfin l'information qu'elle cherche et elle termine son dossier qu'elle envoie immédiatement. La jeune femme est lasse de passer autant de temps à courir les subventions pour pouvoir vivre de son art, ses cachets ne suffisent pas toujours à lui permettre de vivre mais elle ne se sait pas capable d'abandonner la musique au profit d'un emploi classique. Elle soupire en relisant le document, elle passe en revue l'exposé de ses motivations, des dépenses prévues qu'elle devra justifier par la suite. De plus, elle a toujours des difficultés à expliquer en quoi son projet mérite d'être subventionné par l'état ou la région. En effet, pourquoi son projet aurait-il plus d'intérêt qu'un autre ? Comment se comparer aux autres dans ces circonstances et se mettre en avant d'autant plus que la musicienne répugne à demander l'aumône à l'état surtout au détriment de ses confrères. Mais elle sait qu'elle n'a pas le choix et avec un soupir, elle argumente de son mieux pour se débarrasser de cette tâche fastidieuse au plus vite. Puis, elle se met à la fenêtre et elle regarde l'automne colorer les arbres. Elle caresse distraitement le chat qui ronronne sous ses doigts.
- Je dois travailler... soupire-t'elle en employant son violon d'étude.
Elle jette un regard à l'étui qui renferme le violon noir mais elle hausse les épaules en se rendant dans la salle insonorisée.
Quelques heures plus tard, au milieu de la nuit, Apollonia se relève. Un chant a empli l'appartement et elle reste un moment assise dans son lit, l'oreille tendue. Elle se lève en frissonnant et elle suit la musique, la peur au ventre, l'esprit obscurcit par le sommeil. Face au violon, elle comprend que le chant vient de l'instrument. Elle l'examine de plus près sans le toucher et elle voit les cordes vibrer méthodiquement en une mélodie monotone qui se répète. Blême, elle retient un cri et elle court se cacher dans son lit, ses pieds nus claquent sur le sol et le froid l'envahit, elle regrette d'avoir mis une chemise de nuit assis légère et courte ; elle reste un moment, la tête sous la couverture, tremblante et inquiète.
- J'ai rêvé, c'est certain, je deviens folle. se dit-elle.
Frissonnante, elle s'enroule plus étroitement dans le drap pour se calmer et retrouver un peu de chaleur. A côté d'elle, son compagnon grommelle et il passe son bras autour d'elle. Transie de froid, la jeune femme se blottit quelques minutes contre lui avant de reprendre sa place, une fois réchauffée. Un peu rassurée, elle parvient à se persuader qu'elle a fait une crise de somnambulisme. Le lendemain, elle observe le violon du coin de l’œil en buvant son chocolat chaud et elle l'examine de plus près. Elle manque de renverser le bol qu'elle a posé à terre pour mieux voir lorsqu'elle sent quelque chose la frôler.
- Saturne, tu m'as fait peur !
Elle serre le chat contre elle qui ronronne sous ses caresses. Un peu rassurée par la présence de l'animal, elle continue son examen mais elle ne trouve aucun indice.
- Je deviens folle, je crois bien. Et toi, pourquoi regardes-tu mon instrument ainsi ? Il te fait peur à toi aussi ? Devenons-nous fous tous les deux ? Pourtant, si nous ne croyons plus aux dieux d'autrefois, pourquoi croire à autre chose ?
Après avoir bu rapidement un thé et nourri son chat, la jeune femme se rend dans une boutique de musique à la recherche de partitions inconnues. Il est rare qu'elle achète des feuillets mais elle aime fouiller dans les livres dans l'espoir de dénicher de la perle rare. De temps en temps, par le passé, il lui est arrivé de mettre la main sur un recueil contenant des mélodies inconnues mais au fil du temps, sa culture musicale grandissant, ces découvertes se sont faites rares. Mais l'habitude de flâner dans le magasin de musique et de flâner au milieu des instruments ou de les tester rapidement est restée et elle aime cette plongée dans un environnement musical qui lui permet de se changer les idées. Elle regarde longuement les murs à la recherche des indices discrets indiquant que ce lieu était autrefois un temple délaissé par ses adeptes. Les lieux de culte se font rares et elle se demande si la perte de foi de l'être humain est une bonne chose. Elle songe que si elle a peur d'un objet de bois, elle pourrait bien se mettre à croire en un dieu qui n'existe pas plus que les choses qu'elle voit.
La reprise du travail par la jeune femme se solde par une grande fatigue physique et mentale. Elle sent parfois des courants d'air froid la traverser mais le médecin n' a pas décelé la moindre maladie et l'a trouvée parfaitement équilibrée malgré ce qu'elle lui a raconté. Face à sa surprise, il lui a dit qu'il trouvait qu'elle exprimait des inquiétudes saines et constructives qu'elle analyse avec méthode et sang-froid lui laissant croire qu'il se passe réellement quelque chose dans son appartement mais qu'elle n'a pas cherché les bonnes causes à ses problèmes. Des courants d'air froid peuvent venir d'une climatisation mal réglée par exemple. Est-elle sûre qu'un voisin ne met pas de la musique ou ne joue pas d'un instrument dans un logement voisin et qu'une bouche d'aération savamment dissimulée ne transmet pas le bruit jusqu'à elle la laissant croire que son instrument joue seul ? Face à ces explications scientifiques, la jeune musicienne respire enfin et elle sourit au jeune médecin qui l'a reçu en le remerciant de lui avoir donné des explications plausibles qu'elle n'avait pas exploré, la rassurant sur son état mental par la même occasion. Il lui propose un régime alimentaire particulier pour se complémenter en vitamines et en minéraux mais la jeune femme refuse car elle sent confusément que le problème n'est pas là.
Dans l'ascenseur, elle entend chuchoter derrière elle et le froid envahit la cabine.
- Arrête Apollonia, c'est un ascenseur électrique et donc presque silencieux mais ça reste une machine, deux câbles doivent frotter l'un contre l'autre, ce n'est rien. Et pour le froid, il y a peut-être un système de climatisation ou d'aération capricieux, ce n'est rien du tout.
Alors qu'elle se chuchote ces mots pour elle-même, la cabine arrive au rez-de-chaussée et elle sort rassurée. Pourtant lorsqu'elle a ouvert la porte, elle est certaine d'avoir entendu un sanglot réprimé juste derrière elle mais elle songe qu'il s'agit sans nul doute d'un patient dépressif qui était resté dans le hall de l'immeuble où exerce le praticien qu'elle vient de consulter.
Le lendemain, la violoniste reprend le travail, elle avoue d'emblée à ses collègues ne pas avoir beaucoup travaillé à cause de la fatigue mais ils ne lui en tiennent pas rigueur et elle leur promet de faire le nécessaire pour assurer les concerts prévus. Elle décide de rentrer à pied malgré la distance et elle regarde les piétons et les vélos passer devant elle, elle prend souvent le métropolitain aérien et elle oublie combien la population affectionne ces moyens de transport plus traditionnels. Mais bientôt, des rêves l'assaillent une fois endormie et à plusieurs reprises, Apollonia se réveille en sueur, tremblante et épuisée, incapable de détacher ses yeux de la silhouette noire près de son lit. Elle se force à fermer les yeux pour se rendormir, elle sait qu'elle rêve et elle se colle contre Giuseppe qui se réveille à son contact, peu habitué à ce qu'elle recherche la protection de ses bras la nuit. Il note son agitation mais le sommeil a trop d'emprise sur lui, il l'embrasse sur les cheveux avant de se rendormir, la jeune femme serrée contre son torse. Peu à peu, cette dernière s'apaise et l'épuisement l'amène au pays de Morphée où la déesse antique la prend dans ses bras caressants.
Après quelques nuits paisibles, Apollonia se réveille en pleine nuit, certaine d'avoir entendu un bruit. Elle se lève en frissonnant après avoir passé son peignoir autour d'elle pour se donner du réconfort. Pieds nus, la jeune femme inspecte les différentes pièces de l'appartement baignées par le clair de lune mais elle ne voit rien de particulier. Alors qu'elle allait quitter le salon, elle remarque son violon posé sur une chaise en équilibre instable. Alarmée, elle a un moment d'hésitation. Elle n'aurait jamais laissé son instrument dans une telle position au risque de le voir chuter, elle se promet de sermonner Giuseppe à ce sujet tandis qu'elle le range avec soin dans son étui. Elle sent un courant d'air froid passer dans la pièce et la musicienne accuse la fatigue et elle se décide à retourner se coucher. Mais elle ne voit pas une fois la porte refermée, l'ombre se retourner vers une ombre plus sombre et massive qu'elle qui sourit dans le noir, un odeur de cigare cubain flottant dans l'air avant de s'éclipser sans un mot, le sourire aux lèvres.
- Tu as touché mon violon ?
Interdit, Giuseppe qui coupait des oranges pour faire du jus d'orange se retourne.
- Bien sûr que non ! Je ne voudrais pas qu'il arrive malheur à cette pièce de collection et je ne sais pas en jouer.
Un long moment, Apollonia le regarde, les sourcils froncés mais il ne semble pas mentir et elle voit mal pourquoi il le ferait.
- Apo ? Tout va bien ?
- Oui, pardon, j'ai dû me faire des idées...
- Tu es mal réveillée et tu n'as pas mangé, ce n'est rien. dit l'italien en lui tendant un verre de jus d'orange avant de leur servir un café. Tu as entendu la nouvelle ? Les impôts vont baisser le mois prochain, la TVA notamment, l'état a été bon gestionnaire cet année, il leur reste de l'argent.
- Ils n'attendent pas l'an prochain ? s'étonne la jeune femme.
- Non, ils ont décidé d'anticiper les baisses d'impôt. Et il y a un referendum sur la diversité agricole, ils veulent réduire certaines productions pour favoriser d'autres cultures d'espèces anciennes jusqu'à la fin du mois.
- Vraiment ? Il faut que j'aille voir sur le site internet gouvernemental les questions posées ce mois-ci. Je n'ai pas pris le temps de le faire, il devait y avoir des arbitrages budgétaires, je crois. Bref, il faut que je trouve le temps pour ça mais c'est cela, la démocratie. Et au moins, on nous demande notre avis et on en tient compte, on ne va pas s'en plaindre. Allez, je vais travailler, j'ai un concert ce soir, tu t'en souviens ?
- Oui, je sais. marmonne le jeune homme, perdu dans ses pensées. Donc, je ne te vois pas beaucoup aujourd'hui.
Elle secoue la tête avant de commencer à préparer ses affaires.
Ce soir-là, après une journée passée à répéter, Apollonia salue la foule et elle regarde au loin, écoutant les murmures qui peu à peu se taisent. Les flûtistes entament l'ouverture du morceau d'introduction à l'opérette qu'ils jouent ce soir-là et elle compte les temps en tendant l'oreille pour suivre la partition située devant elle sur un petit pupitre dont elle tourne les pages au fur et à mesure. Enfin, son tour de jouer vient et elle inspire profondément à la fois heureuse de jouer devant un public conquis d'avance et stressée à l'idée de se tromper ou de perdre ses moyens. La jeune musicienne sent ses mains moites glisser sur l'archet mais elle ne peut pas les essuyer sur sa robe d'une part parce que la robe de satin n'absorbera pas sa sueur et d'autre part parce que ce geste sera remarqué et commenté. Alors elle attend ; comptant les mesures la séparant de son entrée dans ce ballet musical dont elle connaît chaque note par cœur. La jeune femme sourit de sa bêtise, ce n'est pourtant pas la première fois qu'elle joue dans un concert mais une angoisse sourde ne la quitte pas. Les danseurs en costume occupent une moité de la scène tandis que les musiciens ont envahit l'autre. Apollonia regrette de ne pas être cachée par les danseurs et elle s'avance le moment de son entrée arrivé lorsque les dernières notes du saxophone se meurent dans l'air du soir
Elle inspire et elle commence à jouer cet air qu'elle a tant répété. Mais au bout de quelques secondes, son cœur manque un battement et son sang se fige dans ses veines. En sueur, la jeune femme serre les dents et elle tente de rester concentrée.
- Tu te fais des idées. C'est tout simplement impossible.
Les dents serrées à se les briser, Apollonia écoute plus attentivement en calculant le temps qui lui reste à jouer ainsi. De longues minutes estime-t'elle alors que la musique qu'elle émet commence à lui vriller les nerfs et à transpercer ses tympans. Les yeux rivés à la partition, elle se concentre murmurant les notes et peu à peu, malgré quelques accrocs, elle parvient à trouver le ton juste. Un demi-ton au dessous de celui que son violon produit ce qui lui semble incompréhensible. Avec angoisse, la jeune femme tente de déterminer si le public se rend compte de quelque chose.
-Évidemment qu'ils s'en rendent compte ! Et tes collègues également.
Avec vaillance, Apollonia va jusqu'au bout des morceaux et lorsqu'elle salue, elle ne peut que constater qu'elle est en sueur et l'estomac noué par le stress et l'incompréhension.
- C'est moi ! Mais je n'ai jamais fait ça et comment puis-je me tromper à ce point. C'est le violon ! Mais il n'a rien, il a été examiné sous toutes les coutures.
Le débat fait rage dans la tête de la musicienne qui renonce à tenter de comprendre, trop heureuse que le concert se soit terminé sans encombre et impatiente de rentrer chez elle. Elle salue ses collègues, crispée et elle monte dans un taxi qui la ramène.
- Je ne sais pas ce qui m'a pris...
Effondrée sur le canapé, Apollonia raconte sa mésaventure à Giuseppe qui ne dit rien. Que pourrait-il répondre à sa compagne qui lui dit avoir joué un demi-ton au-dessus de ce qu'elle aurait dû jouer parce que son instrument est mal réglé malgré ses tentatives pour tendre les cordes correctement entre deux morceaux. Une musicienne professionnelle, toujours attentive lorsqu'elle prépare son violon avant de jouer. Il ne comprend pas comment elle a pu faire ce genre d'erreur mais il ne risque pas à poser la question et il s'assure qu'elle mange avant de la pousser gentillement dans la salle de bain en lui conseillant d'aller se coucher après un bain relaxant. Apollonia se laisse faire et elle s'endort quelques minutes plus tard d'un sommeil sans rêves.
Tout est calme dans l'appartement et le Diable se promène dans les pièces désertées par leurs occupants. Il examine le décor peu soigné de cet intérieur banal et il cherche du regard l'objet de ses pensées. Il est là, soigneusement rangé dans son étui. Le Diable ouvre avec précaution la housse de protection et il effleure avec joie les cordes de l'instrument qui pousse un cri plaintif comme une prière à son créateur qui ne l'écoute pas, perdu dans ses pensées. Puis, il déambule dans la pièce, il déplace ça et là un livre ou un appareil électronique qu'il dérègle. De longues minutes, le Diable fait le tour de l'appartement. Là, il s'amuse à ouvrir une fenêtre, ailleurs, il déplace un coussin ou un vase. En sortant, il hésite puis il vole une boucle d'oreille avec un cabochon bleu fantaisie qui n'a pas de valeur monétaire mais l'idée qu'Apollonia la cherche partout l'amuse. Le verre brille dans sa main et il sourit.
Les jours suivants, la violoniste oublie peu à peu l'incident et elle reprend sa vie entre ses répétitions et ses entraînements quotidiens. Lors d'une soirée au théâtre avec ses amis, elle voit l'acteur principal seul dans sa maison de carton-pâte peinte de couleurs pastel qui entend une étrange musique emplir le bâtiment. Fou de terreur, il tente de sortir mais la porte est fermée et au matin, elle s'ouvre enfin après des heures passées à tenter d'échapper à son influence. Fou et les cheveux blanchis par la terreur, il fuit à toutes jambes en hurlant lorsqu'au petit matin, la porte s'ouvre enfin. Troublée, Apollonia se souvient de la musique entendue à plusieurs reprises la nuit et qu'elle semble être la seule à entendre. Mais tout est calme ces derniers temps et elle se rassure, elle a rêvé même si l'idée ne la quitte pas. Une fois couchée dans sa chambre, Apollonia ouvre les yeux dans l'obscurité de la chambre, elle regarde l'heure sur le radio-réveil phosphorescent qui trône sur sa table de nuit, il est minuit passé et elle cherche à se remémorer le rêve qui l'a éveillée ainsi sans succès, elle voit le décor du théâtre mais elle est incapable de discerner ce qui se passait sur la scène. Elle se lève pour aller boire un verre d'eau mais en passant devant la porte du salon, elle entend un bourdonnement ténu. Intriguée, elle écoute plus attentivement et elle entend distinctement les vibrations des cordes de son instrument sous une tension invisible. La jeune femme glisse un regard dans l’entrebâillement de la porte et elle tente de trouver la source du bruit avant d'ouvrir la porte un peu plus grand. Le bourdonnement vient du violon, elle en est certaine. A son entrée qui coïncide avec l'arrivée de la lumière dans la pièce, l'instrument se tait et il lui semble voir les cordes vibrer doucement durant quelques instants jusqu'à retrouver leur immobilité. Un ricanement transperce le silence et la musicienne a le temps de voir une ombre massive traverser le mur. Elle frissonne à cette vue mais décidée à en finir, elle se tourne vers l'instrument qu'elle empoigne avec hargne et qu'elle jette plus qu'elle ne range dans son étui. Le violon frémit, indigné et elle lui chuchote de se taire avant de le ranger dans un placard qu'elle referme avec soin.
- Non, mais qu'est-ce donc encore ? chuchote Apollonia.
Dans le coin opposé de la pièce, l'ombre qu'elle a plusieurs fois entraperçue, mince et éthérée semble écrasée par le poids de la fatalité, un peu voûtée, elle sent son regard posé sur elle. Puis la chose se fond dans le mur et Apollonia frissonne. Elle tourne un moment en rond dans la pièce, apeurée et incapable de dormir. Elle a froid et elle se fait une tisane dans l'espoir de se calmer avant de faire la seule chose raisonnable : aller se coucher. Blottie contre son compagnon, elle hésite un moment à lui raconter ce qu'elle a vu mais tout à coup, elle n'est plus si sûre de ne pas avoir rêvé.
L'ombre frissonne au souvenir de ce qu'elle a vu. Le violon a plus de pouvoirs que ce qu'elle pensait et elle se demande quel peut être son effet sur Apollonia et si elle peut l'aider d'une façon ou d'une autre. Mais elle ne voit pas quoi faire, elle pourrait tenter de communiquer avec elle mais cela lui demande trop d'énergie et elle craint de lui faire peur, coupant ainsi toute chance de communiquer avec celle qui détient l'instrument. L'ombre se remémore les siècles passés et elle se demande si le long sommeil de l'instrument n'a pas décuplé ses forces.
Les yeux ouverts dans le noir de la chambre, la musicienne écoute les bruits de la pièce, incapable de dormir. Elle sent un frôlement auprès d'elle et elle voit un ombre massive qui fait face à une ombre mince ; sans bruit, les deux ombres s'affrontent. Le fantôme de Florentin fait face au créateur du violon et leurs âmes se répondent en une silencieuse joute.
- Délivre-la du pouvoir maléfique du violon ! Tu as vu ce qu'il m'a fait ? Il a brisé ma vie.
- Non, tu as brisé ta vie seul, tu as choisi ton destin, tu le sais. Le violon n'a fait que cristalliser et amplifier tes choix. Si tu avais construit ta vie au lieu de la laisser te mener, tu aurais fini autrement.
Le Diable passe la main entre leurs deux visages et Florentin se voit plus âgé qu'il ne l'a jamais été avec un enfant dans les bras et Victoire auprès de lui. Le fantôme devine un intérieur convenable à défaut d'être riche et il voit les sourires sur les visages.
- Ce violon aurait volé ma vie ?
- Non, tu as fait les mauvais choix et il a attiré le malheur à toi. Mais tu n'as pas su lutter contre l'essence maléfique que j'ai instillée au violon que j'ai créé.
Le fantôme réfléchit et il regarde Apollonia. Il croise son regard dans la pénombre et la peur l'étreint. Et s'il avait pu connaître un autre destin ? Mais il sait qu'il est trop tard. Le spectre gémit, submergé par la douleur et il tombe à genoux sur le sol tandis qu'Apollonia quitte la pièce trop terrifiée pour rester.
- Pourquoi tant de cruauté ? Pourquoi me montrer cela ?
- Parce que ta place n'est pas ici et tu le sais aussi bien que moi. lui souffle le malin.
- Je dois gagner mon paradis ? Mais je ne crois pas en Dieu ! balbutie le violoniste qui commence à trembler.
- Tu ne crois pas en moi dans ce cas et pourtant, tu me parles. dit le Diable en allumant un énorme cigare
- Je ne sais pas qui vous êtes, monsieur. murmure l'ombre. Je crois ne jamais vous avoir rencontré.
- Il vaut mieux que tu ne saches pas dans ce cas...
- Je vous ai déjà vu à un concert et je vous ai pris pour le diable mais il n'existe pas, n'est-ce pas ? demande le musicien avec une pointe d'espoir dans la voix.
- J'existe si tu crois en moi et je n'existe pas si tu ne crois pas en moi.
Le fantôme semble réfléchir et il pose la question qui lui brûle les lèvres depuis des siècles.
- Pourquoi suis-je ici ?
- Les suicidés ne vont pas au paradis, tu le sais. Enfin, si mais ils doivent convaincre Dieu. Mais, tu as suivi ton violon toutes ces années, tu es donc resté lié au monde terrestre ou quelque chose dans le genre si tu vois ce que je veux dire.
Le fantôme réfléchit sans un mot un long moment avant de conclure qu'il a peut-être raison, il quitte quitte la pièce sans un au revoir, terrifié à l'idée d'errer pour l'éternité. Oui, il pourrait continuer à suivre son violon qui est la seule chose à laquelle il peut se raccrocher ce qui est peu de choses.
- Mais c'est trop tard pour moi... Envolés les rêves de gloire et l'espoir de trouver ma place en ce monde. Et comment trouver la paix et la force de me pardonner ce que j'ai fait ?
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