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tome 3, Chapitre 5 tome 3, Chapitre 5

Dans l'avion supersonique qui doit les emmener en Amérique pour deux semaines, la musicienne cherche dans son bagage à main son livre électronique dans l'espoir de finir un roman du siècle dernier qu'elle a commencé il y a des semaines. Mais elle s'assoupit bientôt et le livre lui glisse des mains. Elle ne se réveille que lorsqu'on lui propose une boisson chaude et elle finit par ranger le livre, un peu dépitée pour discuter avec ses collègues. L'avion électrique en matériau composite d'une grande légèreté assorti d'une résistance exceptionnelle semble glisser dans l'air et elle se laisse bercer par ses mouvements.

- Dire que les pièces de cet avion ont certainement servi sur de nombreux autres appareils auparavant. Finalement, l'obligation d'avoir des pièces standard à l'échelle mondiale est une bonne chose. Et qui sait quelles marchandises, il transporte en plus de nos bagages.

Ses collègues s'agitent et ils se montrent du doigt sur l'écran intégré au dossier du siège devant eux ce que montre le hublot situé à l'extrémité de la suite de sièges.

- Des bateaux solaires !

Les élégants bateaux à voile voguent sur l'océan en ce jour calme de juin et ils voient la voile déployée remplie de capteurs solaires briller permettant en même temps de recharger la batterie du navire.

- Qu'il est beau... murmure Apollonia en activant les circuits intégrés de son pull-over pour se réchauffer.

Bientôt, les minuscules filaments mêlés à la laine de mouton la réchauffent et elle reprend sa lecture.

La tournée américaine se passe sans encombre et ils restent dans la ville de New-York durant deux semaines leur laissant le temps de découvrir la ville entre leurs concerts et leurs répétitions. La troupe prend ses habitudes dans un restaurant non loin de l'hôtel et ils en profitent pour visiter les musées de la ville.

A son retour, Apollonia remet le violon au service restauration. Elle a une semaine de vacances et la propriétaire de l'instrument a demandé à le récupérer pour quelques jours. La musicienne se dit que tout est parfait et elle rentre chez elle en chantonnant un air classique.

xXxXx

Entre les mains de sa propriétaire, le violon brille sous la lumière artificielle du salon. Elle le montre à la ronde sous les cris d'extase face à cet étrange mélange d'ébène et d'argent.

- Il est réellement magnifique et exceptionnel ! déclare un homme ventripotent dans la fleur de l'âge qui résume ce que pense la dizaine de personne assemblée sur les fauteuils de velours.

Satisfaite, la femme range l'instrument avec précaution avant de resservir du thé à la ronde et d'oublier l'objet de la réunion. Elle raconte qu'elle a décidé de financer l'achat du violon pour le prêter au conservatoire car elle avait une somme d'argent disponible dont elle ne savait que faire.

Lorsque la violoniste récupère le violon, il se montre peu coopératif. Durant une journée entière, elle ne peut en tirer un son juste ce qui finit par l'inquiéter.

- Mais qu'as-tu donc à la fin ? Tu es vexé que je t'ai rendu à ta propriétaire durant quelques jours ? Tu ne m'appartiens pas, je fais ce qu'on me demande, tu sais ! dit-elle en rangeant l'instrument avec un soupir.

Elle caresse le vernis avant de refermer la housse et de quitter la salle insonorisée qu'elle avait réservée. De retour chez elle, après s'être fait un thé, elle se plonge dans la lecture d'un livre jusqu'au retour de Giuseppe avec qui elle échange sur les derniers jours. Elle joue sur son violon habituel jusqu'à une heure tardive dans la pièce insonorisée de l'appartement et elle oublie l'incident. Le lendemain, elle sort l'instrument et elle en joue doucement, le violon se montre plus coopératif mais il ne donne pas le meilleur de lui-même ce qui exaspère la jeune femme. Elle finit par le ranger pour aller faire quelques courses. De retour chez elle, elle astique l'instrument avant de le ranger pour la journée ; dégoûtée,elle n'a plus envie de jouer.

Après une nuit de repos, le violon lui donne enfin satisfaction et elle se demande ce qui a bien pu se passer. Au fil des jours, il se montre de plus en plus coopératif et la jeune femme s'en étonne. L'instrument s'est attaché à la musicienne qui parfois a eu des gestes d'amour envers lui à la manière de Florentin et pour lui faire plaisir, il tente de se monter docile et coopératif. Une relation se noue enfin entre la musicienne de chair et le musicien de bois d'ébène.

En rentrant d'un concert, Apollonia s'écroule de fatigue sur le canapé, le violon à ses côtés. Lorsque Giuseppe se lève pour boire un verre d'eau dans la cuisine, il remarque sa compagne endormie et il la recouvre d'une couverture. Un bruit sourd lui fait tendre l'oreille et il écoute les bruits de l'appartement. Un bruit régulier vient du fond de la pièce et l'italien s'en approche à pas de loup, intrigué. Il remarque qu'il provient de l'étui et il fronce les sourcils avant de tendre la main pour avoir la housse. Dès qu'il touche la fermeture, le bruit cesse et c'est avec un frisson qui lui parcourt son échine qu'il court rejoindre sa chambre dont il ferme la porte avec soin.

- Lâche, tu as laissé cette chose avec elle.

Tremblant de peur, il rejoint le salon où il prend l'instrument qu'il court mettre dans la cuisine. Il hésite un long moment à réveiller sa compagne mais son sommeil paisible le rassure et il retourne se coucher.

Le lendemain alors que la jeune femme prend sa douche, l'italien s'approche du violon à pas de loup et il ouvre brusquement l'étui. Il l'attend, inerte dans son étui. L'homme se penche en arrière pour s'assurer que la violoniste en a encore pour un bon moment avant de prendre l’instrument en main. L'oreille collée contre la caisse de résonance, Giuseppe écoute longuement les bruits émanant du violon. L'instrument reste muet et il le repose un peu perplexe. Alors qu'il ferme l'étui et le remet en place, Saturne passe derrière lui et il court pour rejoindre le salon après avoir craché en direction de l'instrument.

- Je n'ai peut-être pas tout à fait rêvé... Je vais remettre cette chose dans le salon, il ne faudrait pas qu'Apollonia s'inquiète pour rien. Du moins, pour le moment.

La jeune, une fois prête, empoigne l'étui et elle quitte l'appartement après avoir salué les autres occupants. Toute la journée, elle travaille ses partitions les plus simples pour s'habituer à l'instrument. Son poids qui pèse sur son épaule l'indispose mais elle finit par trouver une position à peu près confortable. Le soir venu, lorsqu'elle referme l'étui, elle se dit qu'avec du travail, elle va finir par trouver un terrain d'entente avec le mystérieux violon.

Une nuit, la jeune femme se réveille en sursaut, assise dans son lit dans la pièce sombre, elle tend l'oreille. Elle ne rêve pas, elle a bien entendu quelque chose. Elle tend la main pour réveiller son compagnon puis elle se ravise, elle a dû rêver et il va se moquer d'elle. Elle cherche sa robe de chambre à tâtons et elle sort dans le couloir où le silence règne. Elle lève les yeux au ciel en se disant qu'elle a rêvé. Lorsqu'elle pousse la porte, le murmure se fait de nouveau entendre, elle le suit à petits pas en priant de ne pas faire grincer le parquet. Dans le salon, le violon brille sous la lune, abandonné sur le canapé. Ses cordes vibrent doucement malgré le fait que la musicienne les a soigneusement détendues en le rangeant. De la caisse de résonance, le murmure s'élève parlant dans une langue oubliée, l'âme vibre secrètement à l'abri dans les entrailles de bois. Le souffle court, Apollonia reste immobile à l'écoute de l'étrange musique jusqu'à ce que l'instrument retrouve son état initial. Avec un frisson, la musicienne tend la main et d'un geste décidé, elle prend l'instrument enfermé dans son étui et elle le pose doucement dans la pièce insonorisée qu'elle ferme avec soin. De retour dans son lit, elle se blottit contre son compagnon avant de s'endormir.

- Tu as rêvé, du somnambulisme, ce n'est rien, ce sont des choses qui arrivent. se murmure-t'elle pour se convaincre de la véracité de l'affirmation.

Le lendemain, elle examine le violon et elle se persuade qu'elle a fait un rêve éveillé. En haussant les épaules, elle empoigne l'étui et elle se rend au conservatoire. Après avoir répété avec l'orchestre, la jeune femme s'installe dans une salle insonorisée pour travailler un morceau difficile. L'instrument calé sur son épaule, elle joue longuement en se concentrant sur chaque note. Les yeux fermés, elle se laisse bercer par la musique avant de le ranger dans son étui.

- On a fait du bon travail, on rentre à la maison ! déclare-t'elle en prenant la poignée d'un geste énergique.

A la terrasse d'un café, elle lit le journal et elle est heureuse de lire qu'à l'échelle nationale, les inégalités de richesse continuent à se lisser lentement mais sûrement par le haut, le nombre de pauvres diminue ce qui n'empêche nullement les plus riches de prospérer même si mathématiquement, ils sont statistiquement de moins en moins de fois plus riches que les plus pauvres qui vivent de mieux en mieux avec le salaire minimum depuis que le gouvernement a trouvé un accord avec les industriels et les producteurs pour que chacun puisse vivre dignement de son travail et avoir les moyens de s'offrir une vie décente.

Quelques semaines plus tard, Apollonia est sur scène pour le concert estival du conservatoire, c'est la première sortie du violon dans une grande salle pleine. Les répétitions ont donné des sueurs froides à la musicienne qui a manqué quelques notes, peu à l'aise d'avoir changé d'instrument et un peu inquiète de certaines notes qui ont sonné comme des cris de protestation de la part des cordes. Comme si l'instrument se souvenait de l'issue tragique qui a suivi les heures de gloire quelques siècles auparavant.

- Allez, on y va ! murmure la jeune femme en installant le violon prête à jouer les premières notes.

A son grand soulagement, l'instrument se montre coopératif et le concert s'achève sans encombre. De retour chez elle après avoir pris une collation avec les autres musiciens, elle se retrouve seule. Elle sort faire des courses en se disant que c'est l'été et qu'elle doit profiter de la belle saison pour acheter des fruits et des légumes, en hiver, elle aura bien moins de choix. Son compagnon est en voyage pour une semaine, elle apprécie sa solitude retrouvée et elle dîne avec Saturne ronronnant de bonheur sur les genoux devant un film qu'elle connaît par cœur.

Trois jours plus tard, après avoir distribué quelques friandises à des enfants déguisés pour célébrer le dernier jour du mois d'octobre, la jeune femme va se coucher exténuée de sa longue journée à marcher dans le froid dans une forêt qu'elle aime. Les forêts sont devenues des zones protégées pour préserver les derniers îlots de nature face à la pression des hommes, elles sont d'autant plus précieuses à Apollonia qu'elle les considère comme des rescapées de la folie des hommes. Même si depuis quelques années,elles s'étendent au fur et à mesure que la population mondiale décroît. A minuit, la jeune femme ouvre les yeux, un bruit la fait se lever d'un bond silencieux. Elle se rend dans le salon et elle entend distinctement le violon murmurer dans une langue inconnue. Elle allume la lumière mais le bruit ne cesse pas et elle s'approche sur la pointe des pieds de l'étui resté ouvert. Elle voit les cordes vibrer sans raison apparente et elle fait un bond en arrière en mettant ses mains sur sa bouche pour s'empêcher de hurler. Sans réfléchir, elle empoigne l'étui qu'elle referme et qu'elle descend dans la cave pour ne plus le voir. Soulagée d'être débarrassée de l'étrange instrument, elle va se coucher et elle finit par trouver le sommeil au petit matin une fois le soleil levé après avoir gardé la lumière allumée toute la nuit.

Au matin, la jeune femme se rend dans la cave armée d'une lampe de poche de rechange au cas où la lumière s'éteindrait. Avec prudence, elle s'approche du violon et elle ouvre l'étui d'un mouvement rapide du pied. Inerte, l'instrument lui semble inoffensif

- J'ai rêvé, rien de plus. se dit-elle un peu rassurée.

Elle s'enhardit à toucher du doigt le vernis qu'elle trouve froid sur sa peau mais rien ne se passe.

- Je suis vraiment stupide, tout ceci n'était qu'un rêve, un simple rêve ! soupire-t'elle.

Soulagée, elle remonte le violon dans l'appartement et elle se fait couler un bain. Délassée, après s'être enduit le corps de crème, Apollonia se sent mieux et lorsqu'elle pénètre dans le salon, elle sent un courant d'air juste devant elle.

- Qu'est-ce que ? dit-elle en tendant la main sans rien sentir de particulier. D'accord, tu es fatiguée, repose toi, ça vaut mieux.

Elle se demande ce qu'elle sait sur le somnambulisme et les hallucinations mais le sujet n'a été que vaguement abordé à l'école et l'éducation familiale supposée renforcer l'éducation de base ne lui a pas donné plus de notions dans ce domaine. Elle songe qu'elle devrait peut-être se renseigner avant de sombrer de nouveau dans le sommeil aussitôt assise sur le canapé.

xXxXx

Elle rêve qu'elle est adulée par une foule en délire. Peut-être que quelques siècles plus tôt, cela aurait été le cas. Mais désormais l'art et le métier d'artiste sont devenus communs au sens où ils ne sont plus auréolés de prestige, artiste est un métier comme un autre mais pas tout à fait. Il demande des sacrifices quotidiens pour un salaire qui n'a rien d'exceptionnel au vu des heures de travail qu'il exige pour atteindre l'excellence ou à défaut un niveau suffisant pour monnayer ses services. Le développement de la technologie a accéléré la diffusion du savoir auprès de l'ensemble de la population et l'augmentation du niveau de vie qui s'est graduellement produit au cours des derniers siècles s'est considérablement accentué au cours des premières décennies de ce siècle. La réduction générale du temps de travail qui a marqué le tournant du vingt-deuxième siècle lorsque les gains de productivité et le taux horaire du salaire de base ont été réétudiés pour définir le temps de travail et le salaire qui correspondaient le mieux à l'évolution de la société ; ce facteur parmi tant d'autres avait pour but de participer à enrayer la destruction des ressources naturelles au même titre que le recyclage systématique des déchets, grandement amélioré grâce à la science lorsque des mécènes privés ont financé des laboratoires publics et privés pour mettre des équipes au travail autour de ces thématiques.

Alors le métier d'artiste a peu à peu cessé de faire rêver, il s'est professionnalisé un peu plus pour survivre car les amateurs avaient plus de temps pour se consacrer à l'art. En effet, qui peut réellement apprendre à jour d'un instrument ou écrire des livres, étudier en profondeur la chimie organique en restant loin de son domicile douze heures par jour ? Une génération d'artistes est alors apparue née de cette oisiveté nouvelle et elle a utilisé les moyens de communication de masse pour partager ses œuvres avec plus ou moins de succès mais avec générosité, enthousiasme et une imagination sans bornes.

A midi passé, la jeune femme se réveille lorsque Saturne saute sur son lit pour lui rappeler qu'elle n'a pas pris le temps de le nourrir.

- J'arrive...

Avec un soupir, elle se lève et elle prépare le repas du félin en se faisant la réflexion qu'elle devrait commencer par le sien mais elle hausse les épaules en établissant le programme du jour. Elle doit travailler mais elle n'en a pas envie alors elle décide de s'accorder une journée de repos à flâner. Sitôt habillée, elle court jusque chez le boulanger pour s'offrir un solide petit-déjeuner qu'elle accompagne d'un thé sitôt rentrée. Puis, rassasiée et habillée d'une longue robe crème avec le chapeau et les escarpins assortis pour affronter cette chaude journée de juin, elle quitte les lieux. En chemin, elle s'arrête dans une pharmacie.

- Bonjour, j'ai des troubles du sommeil depuis quelques temps. Je voulais savoir si vous auriez quelque chose à me proposer.

- Je peux vous faire une tisane. Vous pensez avoir des carences ?

- Je ne pense pas.

- Je reviens.

Quelques minutes plus tard, le pharmacien lui tend un paquet de tisane. Elle espère que le médicament lui permettra d'aller mieux.

Le chat noir se fige en sentant la présence inhumaine et il prend peur, il sait qu'il n'a nulle part où se réfugier dans cet appartement fermé, où ses maîtres sont absents. Il lève la tête de son bol de lait qu'il manque de renverser dans sa fuite. Face à sa réaction, l'ombre recule pour ne pas l'effrayer davantage, triste de se voir ainsi rejetée. Lorsque Giuseppe rentre, il retrouve le félin sous le lit tremblant de peur sans raison apparente. Attendri, il le prend dans ses bras pour le rassurer et peu à peu, Saturne se calme.

- Dis-moi ce qui t'a ainsi effrayé ? lui demande l'italien en inspectant l'appartement le chat dans les bras. Mais il ne décèle aucune menace et il finit par le reposer en se demandant ce qui a bien pu passer dans sa tête de chat et si les chats peuvent avoir des cauchemars.

- Allô ? Maman, c'est toi ? Pardon, j'ai beaucoup de travail en ce moment, je n'ai pas eu le temps de vous appeler et puis... Mais si, vous vivez loin de la capitale. Même en train supersonique. Oui, Giu a beaucoup de travail également. Peut-être dans quelques semaines ? Je sais combien la Provence est merveilleuse en cette saison mais ce n'est pas possible. Vous m'enverrez une carte postale animée et je vous promets que dès que nous aurons un moment de libre, nous viendrons.

Apollonia interrompt la conversation avec un soupir d'agacement. Depuis le temps, sa famille devrait savoir qu'ils ont tous deux beaucoup de travail et qu'il passe avant tout le reste ou presque par moments.



- Bonjour !

- Bonjour !

Apollonia salue un trompettiste avec qui elle a eu l'occasion de travailler par le passé. Elle note sa longue robe bleu turquoise et elle songe que cette couleur s'accorde merveilleusement bien avec ses cheveux d'un roux flamboyant et cela lui rappelle qu'elle a un pantalon de la même couleur qu'elle n'a pas mis depuis longtemps, le beau temps sera une occasion de le ressortir de son placard.

Seule dans une petite salle du conservatoire, Apollonia feuillette un recueil de partitions. Elle échauffe un moment ses doigts et ses poignets avant de commencer à jouer. Elle tente de repérer les répétions de la partition et de mémoriser les suites de notes les plus simples. Puis elle se décide à tenter de jouer la musique qui est au programme d'un concert privé qui lui sera généreusement payé. Elle sait qu'elle n'a pas le droit à l'erreur même si elle n'a que quelques semaines pour répéter, sa réputation est en jeu. Jusque tard dans la nuit, elle travaille et lorsqu'elle rentre, son compagnon lui reproche de ne pas avoir compté ses heures de travail.

Après des semaines de travail acharné, le jour du concert arrive et c'est avec nervosité que la musicienne se rend sur place en taxi. La propriétaire la conduit dans un petit salon décoré dans un style Louis XV qui attire l’œil de la musicienne. Les meubles en marqueterie et les tapis côtoient les fauteuils brodés qui mettent en valeur quelques tapisseries qui ornent les murs, le tout dans un ton jaune pâle des plus charmant.

L'ombre qui suit Apollonia s'arrête sur le seuil de la pièce et elle sourit tout en examinant le décor. Postée dans un coin, elle observe la jeune femme s'entraîner pour tester l’acoustique de ce lieu inconnu et elle la regarde sourire doucement.

Puis la musicienne commence à jouer sur l'instrument qui semble chanter sa joie avant de sortir des sons plus mélancoliques.Elle n'y prête pas garde, penchée sur sa partition qu'elle fredonne à voix basse pour mieux s'en imprégner.

Nerveuse, la jeune musicienne attend que les spectateurs s'installent puis elle fait son entrée dans le petit salon. Une dizaine de personne s'est réunie dans la petite pièce ce qui la rassure. Elle commence à jouer les yeux rivés sur sa partition pour ne pas voir le public trop proche d'elle. La musicienne a l'habitude des salles de concert les spectateurs sont invisibles et cette proximité la rend nerveuse. Mais bientôt elle parvient à oublier qu'elle n'est pas seule dans la pièce et les morceaux s'enchaînent sans accroc, d'autant plus qu'elle a choisi des airs qu'elle aime et qu'elle maîtrise pour ne pas se mettre en difficulté. L'enveloppe qu'elle reçoit à l'issue de la soirée la met en joie, elle remplit rapidement une facture dont elle range soigneusement le duplicata pour ne pas

oublier de déclarer cette rentrée d'argent imprévue.

De retour chez elle, Apollonia s'écroule sur le canapé, il est deux heures du matin et elle est épuisée. Elle se prépare rapidement un sandwich avant de se laver sommairement, incapable de faire plus. Puis elle va se coucher après avoir jeté le violon dans son étui sur le canapé. En se levant pour aller boire de l'eau à la cuisine, elle retrouve l'étui ouvert, incapable de se souvenir si elle a passé un chiffon dessus ou fait autre chose en rentrant mais le doute l'assaille d'autant plus qu'il lui a semblé entendre des bruits ténus de musique lorsqu'elle s'est rendue à la salle de bain quelques minutes auparavant, mal réveillée et pressée de se retrouver entre ses draps à dormir tout son soûl.

Le diable pénètre dans la petite chambre et il envoie des cauchemars à Apollonia parce que cette idée l'amuse. Il cherche son violon un moment et il sent l'âme de l'instrument vibrer à son approche. Assis dans le canapé, Satan réfléchit. Pimentera-t'il les choses ou les laissera-t'elles se dérouler sans intervenir ? Un long moment, il médite sur ce qu'il convient de faire. Apollonia pourrait faire appel à la police s'il exagère et il ne le souhaite nullement, même si cette institution fait surtout de la prévention et de la médiation, il n'empêche qu'il vaut mieux qu'il évite qu'elle s'en mêle. Suivre le parcours du violon l'a amusé depuis sa confection et il a espéré durant des années le voir sortir de l'ombre, il serait dommage d'intervenir et de voir son instrument de nouveau relégué dans un sombre grenier durant des siècles. A regrets, il quitte la pièce non sans chercher l'ombre qui suit le violon depuis des siècles mais il ne la sent pas dans les parages. Il la cherche et il la retrouve bientôt en pèlerinage sur les lieux qui ont jadis eu de l'importance pour elle. Le Diable sourit et il s'enveloppe dans sa cape jusqu'aux yeux pour masquer son visage avant de quitter l'appartement non sans avoir longuement soutenu le regard de Saturne qui est accouru dès que l'animal a ressenti sa présence, observant cet intrus sans intervenir, le chat a senti ses vibrations maléfiques mais il ne l'a pas attaqué et il estimé que l'ennemi n'était hostile, aussi, il s'est contenté de l'observer de loin tapi sur une des chaises qui se trouvent sous la table de la salle à manger.


Texte publié par Bleuenn ar moana, 22 février 2019 à 12h46
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