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« Septembre 1754

Je m'ennuie. Oui, moi, Satan en personne, je m'ennuie. Suivre le destin du violon et de son propriétaire m'a diverti de longs mois durant. Comment aurais-je pu prévoir que mon instrument s'enticherait de ce petit musicien de pacotille ? Je suis à la recherche de l'âme de Florentin mais je ne la retrouve pas, elle semble s'être perdue dans le néant. Mais je suis patient, je récupérerai mon dû, cet imbécile m'a donné son âme en se suicidant. Mon violon m'aura en plus du divertissement donné une âme trop pure pour m'appartenir. Qui sait ce que l'avenir me réserve...

J'espère que ma création tombera entre de bonnes mains et qu'elle sèmera de nouveau la pagaille sur son passage. »

xXxXx

« La gazette du musicien

21 septembre 1765

Le célèbre joueur de pianoforte Roy Pluton vient d'annoncer qu'il vient de retrouver les partitions d'un compositeur de talent inconnu du grand public.

Il y a vingt ans tout juste, Florentin Leroy, violoniste et compositeur de talent mais inconnu du grand public nous quittait dans des circonstances tragiques. Ses compositions étaient enfermées dans une malle avec le reste de ses affaires dans les combles d'une auberge jusqu'à ce qu'elles soient retrouvées par le propriétaire des lieux et transmises à l'académie royale de musique qui au vu des partitions compliquées a supposé que la malle avait été oubliée par un musicien renommé de passage, venu incognito dans l'établissement. »

xXxXx

Roy Pluton penché sur les feuillets mime l’exécution de la musique sur son clavecin. Il rejette en arrière ses longs cheveux bruns qui pendent autour de son mince visage cireux. Les partitions difficiles et souvent raturées révèlent des mélodies inconnues dignes des plus grands virtuoses. Sans même prendre son chapeau, il se rue chez son ami Valentin, violoniste émérite. Ensemble, ils redonnent vie à la musique de ce Florentin Leroy, compositeur inconnu. Malgré de nombreuses recherches, le compositeur garde son mystère. Dans certains villages, circule la légende d'un jeune violoniste qui a erré durant plusieurs années de village en village et d'auberge en auberge avec un instrument noir comme l'âme du Diable lui-même dont des musiques étranges sortaient. Le compositeur comprend que la musique du sieur Leroy était inhabituelle et que son instrument noir a frappé les esprits, faisant naître la légende. On murmure que son fantôme erre toujours sur les routes et qu'il joue parfois les jours de grand vent dans les petits chemins perdus dans la campagne française.

Dans une petite ville, le nom éveille l'attention d'un domestique qui lui indique l'adresse d'une certaine Victoire, l'épouse d'un modeste notaire dans une ville voisine. La femme reçoit l'homme, troublée mais elle finit par accéder à sa demande. Les yeux embués, elle lui livre ses souvenirs des quelques mois passés en sa compagnie, nostalgique et elle lui promet d'exécuter un portrait de l'artiste pour lui. Sur le portrait ovale que la femme lui donne quelques semaines plus tard, le jeune homme rêveur semble mélancolique et on reconnaît le violon auprès de lui. Roy se souvient alors en a vu une représentation dans un livre traitant de morts mystérieuses et l'instrument l'avait intrigué car on le disait fait d'argent et d'ébène, il s'interroge sur la destinée de l'instrument, un tel violon ne peut passer inaperçu. Le pianiste ému par le destin du jeune homme décide de lui donner sa chance. Il cherche des violonistes capables de jouer les airs du virtuose et il monte une représentation sur la plus grande scène de Versailles. La publicité à parfaitement fonctionné et le public est au rendez-vous. Lorsque les premières notes de la symphonie céleste emplissent la salle et enchante les oreilles des années après sa création, le public s'agite. Des anges semblent se pencher sur la terre pour chanter leurs mélodies angéliques et Florentin dans son errance éternelle vient écouter sa musique, au fond de la salle, regrettant plus que jamais son geste.

- Sainte Cécile, j'implore votre pardon et le salut de mon âme. Si j'avais une autre chance, je ne me laisserai pas abattre et je me battrai pour vivre mes rêves et ma musique qui a été mon plus grand réconfort en ce monde. Un instant, j'ai oublié que le pouvoir de consolation de l'art et cette erreur me fut fatale.

Sa mélodie aquatique se fait alors entendre et il sourit faiblement au souvenir d'une petite fontaine dans un petit village où un jeune homme s'est laissé bercer par le murmure de l'eau.


Texte publié par Bleuenn ar moana, 24 décembre 2018 à 09h50
© tous droits réservés.
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