«

»

L’animal avançait lentement, ce qui leur permettait de ne jamais se laisser distancer, même quand ils devaient faire face à des obstacles naturels. Les branches s'acharnaient à accrocher les châles d’Irina. Elle songea qu’elle aurait peut-être dû s’en débarrasser. Elle avait moins froid, à présent qu’elle bougeait activement.

À un moment, le docteur féerique s’arrêta pour démêler d’un rameau d’épines de longs poils sombres qu’il examina pensivement.

« De la laine… croyez-en un Écossais. »

Ils échangèrent un regard. Irina comprit qu’ils partageaient la même suspicion, autant sur la nature de la créature que sur sa destination.

L'animal suivit une sente qui louvoyait à travers un petit bois avant de bifurquer vers un vieux mur. Une brèche s'y ouvrait, juste assez large pour lui livrer passage. Les deux enquêteurs n’eurent pas trop de peine à s’y glisser au travers, même si les châles d’Irina et son fusil lui causèrent un peu de tracas.

Le loup quitta le couvert des arbres pour poursuivre son chemin à travers un parc qui paraissait laissé à l’abandon. Irina éprouva un sentiment de mélancolie en observant la végétation racornie que l’hiver avait figée dans son déferlement incontrôlé. Le givre ourlait les feuilles momifiées par le froid d’un filet scintillant. La jeune femme porta son regard au-delà, vers la forme sévère d’un manoir élisabéthain qui n'était guère en meilleur état que le jardin. Irina n’avait jamais apprécié cette architecture ; avec ses hautes fenêtres à meneaux, ses murs couverts d’une vigne vierge décharnée et ses pignons noircis par l’âge, il semblait droit sorti d’un livre d’horreur.

L’animal poursuivait sa route vers une dépendance d’une facture plus ordinaire. Il entra par une porte demeurée ouverte, qui se referma aussitôt sur lui. Les deux intrus attendirent un peu avant de se décider.

« Bien, déclara enfin Campbell. Allons voir si ce bâtiment possède une autre issue… »