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tome 2, Chapitre 6 « Un présent idéal » tome 2, Chapitre 6

Erasmus avait laissé passer la nuit avant de se décider.

Il se sentait terriblement nerveux. Il avait déterré la précieuse relique du fin fond d’un placard. Il la contemplait à présent avec un respect presque religieux… Il avait toujours fait de son mieux pour entretenir le bois, le protéger des insectes xylophages et de l’humidité, mais il avait vieilli, bruni… Il s’était fendu par endroit. Malgré tout, l’objet restait à la fois robuste et gracieux.

Il vérifia que le système de crémaillère fonctionnait  et testa sa solidité. Peut-être aurait-il dû le faire réviser par un menuisier ? Que se passerait-il s’il s’effondrait sous le poids d’un volume trop lourd ? Le garçon risquait d’être blessé…

Il entendit le rire léger de sa sœur.

Allons, Eri, pourquoi tergiverser si longtemps ? Il sera ravi de ton cadeau, tu le sais très bien !

Erasmus ferma les yeux, respirant le parfum de jasmin, de fleur d’oranger et de rose qu’il n’aurait sans doute plus l’occasion de sentir dans cette vie. Il crut voir, un bref instant, une jeune fille blonde dans une pelisse rouge doublée de fourrure blanche lui adresser un sourire encourageant.

Il dépoussiéra l’objet avec application, le dissimula sous une couverture et le prit sous bras avant d’aller frapper à la porte de John. Selon les règles de la maisonnée, le petit déjeuner serait servi à sept heures exactement. Cette fois, il le préparerait lui-même, car il avait donné congé à la domestique qui venait habituellement prendre soin de son fouillis de célibataire. Mais il savait qu’à six heures trente, son petit pensionnaire serait déjà levé, lavé, habillé et plongé dans l’étude.

Malgré tout, il eut un instant d’hésitation avant de se décider à frapper.

« Mister Dolovian ? demanda une voix juvénile.

— C’est moi, John. J’ai quelque chose pour toi !

— Pour moi ? »

La voix lui parut plus surprise qu’enthousiaste. Il entendit un pas hésitant, puis le battant s’écarta sur le visage perplexe du jeune garçon.

« Est-ce que je peux entrer ? demanda le directeur de Gladius Irae.

— Bien sûr ! »

Erasmus s’avança dans la pièce et y déposa solennellement l’objet ; il ôta la couverture d’un grand geste, laissant apparaître le lutrin. Son cœur manqua un battement : et si John ne l’appréciait pas ?

Il se tourna vers le garçon, qui le contemplait avec des yeux écarquillés de surprise. Avec lenteur, il s’approcha et toucha le bois ancien du bout des doigts.

« C’est… vraiment pour moi ? »

Erasmus acquiesça vigoureusement :

« Je ne vois personne d’autre dans cette pièce qui pourrait l’employer ! »

John demeura silencieux, immobile comme une statue. Erasmus commençait à se sentir nerveux :

« Il ne te plaît pas ? grommela-t-il.

— Ce… ce n’est pas ça, souffla le garçon. C’est juste… la première fois qu’on me fait… un vrai cadeau ! »

Un sourire apparut sur le visage juvénile, le premier qu’Erasmus voyait depuis qu’il avait recueilli le garçon, quelques mois plus tôt. Il se détendit et sourit à son tour, avec un sentiment de légèrement et de chaleur qu’il n’avait pas éprouvé depuis longtemps.

Et loin, dans les tréfonds de sa mémoire, une jeune fille blonde hocha la tête avec satisfaction.


Texte publié par Beatrix, 10 décembre 2018 à 01h53
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