« Mister Dolovian ? »
Toujours plongé dans ses souvenirs, Erasmus sursauta légèrement en entendant la voix timide du garçon. Il rencontra le regard grave d’une paire d’yeux en amande, à la pupille couleur de jade.
« John, déclara-t-il un peu brusquement, je venais juste de te rappeler qu’il était temps pour toi de dormir.
- Bien, mister Dolovian répondit l’enfant docilement. Mais si vous me le permettez, avant tout, je tenais à vous donner quelque chose... »
Il se baissa pour farfouiller dans le tiroir de la table et en tira un ensemble de feuillets reliés par une cordelette et couverts d’une écriture fine, régulière et serrée.
« J’ai cru comprendre que c’était Noël demain, expliqua-t-il d’une voix gênée. Il semble qu’à cette période, il soit de coutume de donner des présents à ceux qui vous sont… proches. »
Il baissa la tête, un peu gêné :
« Pardonnez-moi si je me montre trop familier ou inconvenant, mais j’ai décidé de vous offrir un cadeau pour vous remercier de tout ce que vous avez fait pour moi. Peut-être aurais-je dû le faire demain, mais cela me semblait plus approprié ce soir... »
Aussi perplexe qu’embarrassé, Erasmus accepta le livret qu’il examina sans vraiment le voir.
« Il s’agit de la traduction de ce texte kabbalistique en dialecte araméen ancien qui vous donnait tant de peine ! »
Dans sa longue vie, Erasmus avait affronté des monstres, des démons, des esprits, de magiciens maléfiques et toute sorte d’adversaires, il s’était retrouvé dans bien des situations aussi étranges qu’inattendues… mais jamais il ne s’était senti si dérouté. Pas tant par le fait qu’un enfant de douze ans eût réussi un tel exploit – il commençait à réaliser l’étendue du génie de son protégé –, mais par le fait de recevoir un cadeau de Noël, pour la première fois depuis des décennies.
Parfois, il participais à la célébration de Yule, une coutume bien ancrée au sein de Spiritus Mundi, mais il s’en était abstenu cette année pour demeurer auprès de son pupille. Par contre, Noël avait depuis longtemps disparu de son horizon privé. Au fil du temps, ses croyances avaient dérivé vers une forme de zoroastrisme qui lui paraissait bien plus en rapport avec ses convictions personnelles – et encore, il n’en suivait pas tous les préceptes. Il n’accordait pas grande importance aux traditions d’un pays qui n’était qu’une de ses dernières villégiatures.
D’un autre côté, il comprenait la démarche de cet enfant qui tentait comme il le pouvait de nouer des liens avec une société dont il avait été tenu éloigné. Sa condition l’empêchait encore de participer plus activement à la vie commune. Ce qui signifiait que pour son bien… Erasmus devait aller dans son sens, à son grand désarroi !
« Je… je te remercie, bafouilla-t-il. Tu m’as rendu un grand service. Je le regarderai ce soir, je te le promets… À présent, il est temps de te reposer ! »
Il surprit une petite étincelle de soulagement, mêlée de fierté, qui illumina brièvement les yeux de jade. Le délicat visage exotique du garçon exprimait une sérénité qu’il ne lui avait pas vue auparavant.
« Je vais me coucher tout de suite, mister Dolovian. Bonne nuit !
- Bonne nuit, John ! »
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