Le chemin était devenu de plus en plus étroit ; il n’était plus qu’un fossé sinueux empli de neige piétinée, tracé plus à l’usage des bêtes qu’à celui des hommes. Il s’enfonçait au cœur d’un enchevêtrement végétal si dense qu’il semblait impossible de le franchir. Il ressemblait à un tunnel obscur qui débouchait sur la noirceur absolue d’un néant aux senteurs fongiques.
Lucia se demanda depuis combien de temps elle marchait ainsi. Une heure, peut-être ? Elle avait l’impression d’avoir passé toute la nuit sur ce sentier. Mais au moment où elle envisageait pour de bon de faire demi-tour, une clairière s’ouvrit abruptement devant elle.
À l’origine, il s’agissait d’une trouée créée par l’effondrement d’un arbre gigantesque. Le tronc dépouillé gisait toujours au centre de la clairière, comme le corps d’un géant abattu.
Dégagée des buissons et des jeunes pousses qui auraient dû s’y épanouir, elle laissait apparaître une terre nue que même les feuilles mortes, les brindilles et la neige avaient fuie. Les branches les plus élevées s’incurvaient comme pour former un dôme au-dessus de cet espace. Juste devant l’arbre, trônaient deux vastes rochers : le premier prenait la forme d’une grande dalle plane. L’autre, dressée verticalement, évoquait dans la pénombre un gigantesque loup assis sur son postérieur, la queue lovée contre son corps. La couche de lichen qui couvrait la pierre accentuait la ressemblance.
Un silence abrupt s’était abattu sur la forêt ; plus de hurlements, de branchages froissés, de halètement dans les fourrés. Lucia n’entendait plus que le grincement des ramures au-dessus de sa tête. Elle regarda craintivement autour d’elle : avait-elle rêvé cette traversée infernale ? Pouvait-elle sans risque céder au sentiment de sécurité qui s’était emparé d’elle ?
Elle s’avança avec révérence vers l’autel forestier, étonnée que l’endroit soit si clair même si les rayons de la lune ne l’atteignaient pas. Prenant une longue inspiration, elle effectua les derniers pas qui la menaient devant la dalle et s’inclina. Quand elle releva la tête, elle s’aperçut que des filets de brume se formaient sur le sol nu de la clairière.
Sans doute était-il temps d’en finir. Posant le panier sur la pierre, elle commença à en tirer les diverses offrandes : elle préleva un par un les épis de blé qu’elle coucha sur la roche, puis les pommes à la peau ridée, les morceaux de pain durcis par le froid et le fromage à la croûte épaisse… Autour d’elle, le brouillard devenait de plus en plus dense. Elle s'efforça de ne pas trop se presser, afin d’honorer convenablement l’esprit qui hantait ces lieux, mais tout son être n’aspirait qu’à une seule chose : prendre la fuite.
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